Innover pour l’industrie nucléaire actuelle et future

Dossier : Dossier FFEMagazine N°698 Octobre 2014
Par Christophe BÉHAR

Au sein du CEA, quelles sont les missions de la direction de l’énergie nucléaire ?

Nous avons trois grandes mis­sions. La pre­mière consiste à sou­te­nir l’industrie nucléaire française.
La deuxième est direc­te­ment liée aux sys­tèmes nucléaires du futur et nous pro­jette sur plu­sieurs dizaines d‘années.
La troi­sième concerne l’assainissement et le déman­tè­le­ment de nos ins­tal­la­tions nucléaires en fin de vie.

Quels sont vos moyens financiers et humains pour mener à bien vos recherches ?

Nos acti­vi­tés sont exé­cu­tées par un effec­tif de 4 500 per­sonnes pour un bud­get de 1,3 mil­liards d’euros par an. Envi­ron 600 mil­lions sont réser­vés à la R&D et 700 au démantèlement.

A noter que la recherche pour le futur est finan­cée en majeure par­tie par l’état – à hau­teur de 80 %, alors que la recherche sur le nucléaire actuel l’est en majeure par­tie par les industriels.

Ces moyens sont-ils encore suffisants par rapport aux enjeux du futur ?

Nous consi­dé­rons bien sûr que nous pour­rions mieux faire. Mais il faut res­ter rai­son­nable au regard d’une éco­no­mie en res­tric­tion forte.

Une partie de votre R&D est tournée vers le développement des réacteurs nucléaires du futur.
Quelles sont aujourd’hui vos grandes orientations ?

Depuis 2008, les réac­teurs à neu­trons rapides sont notre prio­ri­té pour trois rai­sons. Ils per­mettent de brû­ler tous les types de plu­to­nium, de mieux uti­li­ser la res­source en ura­nium et de mieux gérer les déchets nucléaires de haute activité.

Sur quels concepts de réacteurs travaillez-vous ?

La DEN concentre ses recherches sur deux concepts de réac­teurs à neu­trons rapides. L’un pri­vi­lé­gie le refroi­dis­se­ment au gaz et consti­tue une option à long terme.

Depuis 2008, les réacteurs à neutrons rapides sont notre priorité pour trois raisons. ils permettent de brûler tous les types de plutonium, de mieux utiliser la ressource en uranium et de mieux gérer les déchets nucléaires de haute activité.

L’autre, qui consti­tue l’option la plus mature, opte pour le refroi­dis­se­ment au sodium, avec un pro­jet de démons­tra­teur tech­no­lo­gique appe­lé Astrid. Nous sommes pour l’instant en phase d’études. Aucune déci­sion n’a été prise quant à sa construction.

Les recherches sur ces réacteurs du futur avancent-elles ?
Rencontrez-vous des difficultés ?
Avez-vous des échéances ?

Le pro­jet Astrid a démar­ré en 2010. Fin 2012 nous avons fran­chi avec suc­cès la pre­mière phase d’avant-projet som­maire qui devra s’achever fin 2015 ; l’objectif étant de ter­mi­ner l’avant-projet détaillé fin 2019.

Dans ce cadre, nous avons mis en œuvre de nom­breuses inno­va­tions tech­no­lo­giques, par­mi les­quelles on peut citer un nou­veau concept de cœur à sûre­té améliorée.

Quels sont vos partenaires ?

Nous fédé­rons de nom­breux par­te­naires publics et pri­vés autour du pro­jet Astrid. Sur les 500 per­sonnes impli­quées sur le sujet, envi­ron la moi­tié sont des partenaires.

Nous avons en paral­lèle de nom­breux par­te­na­riats éta­tiques ou aca­dé­miques, notam­ment avec les États- Unis, le Royaume Uni, le Japon, la Rus­sie et dans une moindre mesure avec l’Inde et la Chine.

Vous travaillez aussi en soutien au nucléaire industriel actuel.
Comment aidez-vous l’exploitant dans son grand carénage du parc nucléaire ?

Nous inter­ve­nons en sou­tien à l’exploitant EDF autour de trois actions essen­tielles : les études de vieillis­se­ment des maté­riaux, les études de sûre­té nucléaire et l’optimisation des per­for­mances des cen­trales, et notam­ment des combustibles.

La DEN est de loin toujours experte sur le cycle du combustible.
Pourquoi la France préfère-t-elle le cycle fermé et non ouvert ?

Le choix fran­çais du trai­te­ment-recy­clage per­met de récu­pé­rer les matières valo­ri­sables (ura­nium et plu­to­nium) des com­bus­tibles usés et de les recy­cler sous forme de com­bus­tibles MOX.

Ceci per­met ain­si d’optimiser la res­source en ura­nium et de géné­rer moins de déchets qu’en cycle ouvert.

Comment voyez-vous l’évolution de la recherche dans ce domaine ?

Pour l’avenir, l’idée est d’aller encore plus loin dans cette stra­té­gie, en uti­li­sant des réac­teurs à neu­trons rapides qui per­met­tront de recy­cler le plu­to­nium à l’infini – c’est ce qu’on appelle le mul­ti-recy­clage – et d’utiliser encore plus effi­ca­ce­ment la res­source en uranium.

La DEN est à l’origine de tous les pro­cé­dés du cycle actuel­le­ment mis en œuvre indus­triel­le­ment par Are­va à la Hague et aujourd’hui, nous tra­vaillons déjà sur les pro­cé­dés du cycle du futur.

Pour mener vos programmes, vous avez à disposition un parc d’installations.
Comment gérez-vous vos installations en fin de vie ?

Dans chaque ins­tal­la­tion, il existe un cer­tain nombre d’indicateurs qui nous per­mettent de juger de leur effi­ca­ci­té, ce qui est unique dans le monde pour des ins­tal­la­tions de recherche.

Pour nos ins­tal­la­tions en fin de vie, nous assu­rons leur assai­nis­se­ment et leur déman­tè­le­ment, dans le res­pect du cadre légis­la­tif natio­nal et en lien avec les auto­ri­tés com­pé­tentes, comme l’Autorité de sûre­té nucléaire.

Cuve d'un réacteur nucléaire
© P. Strop­pa CEA

Nous avons une vraie spé­ci­fi­ci­té en matière de déman­tè­le­ment dans la mesure où aucune de nos ins­tal­la­tions ne se res­semble et n’enclenche de « sché­mas types » de démantèlement.

L’expérience française en démantèlement est-elle reconnue ?

Oui, bien sûr. Au sein de la DEN, nous avons acquis une grande exper­tise dans le domaine. Nous avons une vraie spé­ci­fi­ci­té dans la mesure où aucune de nos ins­tal­la­tions ne se res­semble et n’enclenche de « sché­mas types » de démantèlement.

Le Bourget du nucléaire sera-t-il une première étape vers l’extension du marché nucléaire ?

Tout le monde l’espère dans un contexte de com­pé­ti­tion avec les Russes, Sud-Coréens, Chi­nois… Il faut conti­nuer à pro­mou­voir notre industrie.

Mais le nucléaire est un métier avec des constantes de temps longues : si un contrat est signé, il a néces­si­té énor­mé­ment de tra­vail en amont.

Vous évoquez la Chine. Justement, votre direction développe-t-elle des partenariats avec des chercheurs et des organismes étrangers ?

La réponse est oui, nous avons des coopé­ra­tions avec la Rus­sie, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Japon, la Chine et bien des pays euro­péens dans le domaine de la R&D.

Mais il faut bien com­prendre que nous sommes aus­si en situa­tion de concur­rence. Nous devons res­ter extrê­me­ment atten­tifs et gar­der un avan­tage compétitif.

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