Ingénieur en Afrique 1938–1961

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°610 Décembre 2005Par : Pierre MERLIN (32) – Odile MERLINRédacteur : Maurice SERPETTE (44)

Pierre Mer­lin a été ingé­nieur en Afrique de 1938 à 1961 : c’est le titre même de son livre, dans lequel il raconte sa car­rière en AOF, effec­tuée dans les ser­vices des Tra­vaux publics, tout spé­cia­le­ment en tant que créa­teur du Ser­vice de l’hydraulique de l’AOF. Car il a vrai­ment dédié son acti­vi­té au ser­vice de ces deux thèmes : l’eau et l’Afrique. Il est rare qu’il soit don­né d’accomplir sa vie pro­fes­sion­nelle avec cette conti­nui­té, je dirais même cette fidé­li­té. Et c’est pour­quoi son récit, loin d’être un simple cur­ri­cu­lum tech­nique, est atta­chant par la per­sé­vé­rance qu’il révèle.

Il a éga­le­ment l’intérêt de bien mon­trer la for­mi­dable muta­tion des moyens mis en oeuvre durant cette période pour abor­der enfin le déve­lop­pe­ment de ces terres colo­niales, jusqu’à leur indépendance.

Les débuts du nou­vel ingé­nieur Mer­lin affec­té à Kao­lack sont pit­to­resques. Il est char­gé de tout à la fois : aéro­drome, eau, assai­nis­se­ment, élec­tri­ci­té, pistes, loge­ments des fonc­tion­naires. Ses trac­teurs manquent de che­nilles. Il les réclame à son patron qui lui répond : “ Mer­lin, tout ça vu de Sirius, ce n’est pas grave. ” Cela, c’est l’Afrique quo­ti­dienne de 1938.

Au retour d’un court congé en Afrique com­mence, en 1946, pour Mer­lin une tout autre époque : on fonde un grand ser­vice d’aménagement de la presqu’île du cap Vert, le STAGD, avec des moyens finan­ciers et des ingé­nieurs. P. Mer­lin a l’occasion d’y res­sen­tir l’importance pre­mière des pro­blèmes de l’eau dans ce pays. Il en convainc R. Lan­te­nois, direc­teur géné­ral des Tra­vaux publics de l’AOF, et fonde alors le Ser­vice de l’hydraulique de l’AOF auquel il s’identifie durant toute sa car­rière africaine.

Un de ses grands mérites est d’avoir recon­nu et aidé l’hydrogéologie, en tant qu’outil essen­tiel des recherches. Il sou­tien­dra par ses contrats des pion­niers tels que J. Archam­bault, qui aide­ra à décou­vrir des nappes pro­fondes comme celle du maes­trich­tien, source de nom­breux forages.

Avec J. Rodier, de l’Orstom, sera conduit l’inventaire des débits flu­viaux, préa­lable à tout pro­jet de bar­rage. Cette étape des recon­nais­sances fut sui­vie de celle des pro­jets d’aménagement, par exemple sur le del­ta du fleuve Séné­gal, en vue de la pro­duc­tion de riz et de mil – ain­si que sur le Niger.

Le Ser­vice de l’hydraulique lui-même sera décen­tra­li­sé, et par exemple, à Bama­ko, un ser­vice sera spé­cia­li­sé sur les amé­na­ge­ments du Niger. P. Mer­lin fera naître des voca­tions d’hydraulicien chez divers cama­rades, tels A. Pau­plin (46) ou I. Ché­ret (44).

À l’heure des indé­pen­dances, P. Mer­lin reste encore trois ans conseiller d’un ministre afri­cain. Puis il rentre aux Ponts et Chaus­sées de métro­pole. Tou­jours habi­té par sa foi afri­caine, il publie en 1991 Espoir pour l’Afrique noire, qui montre sa confiance dans les pro­messes de ce pays.

Pour mener à bien cette car­rière très homo­gène, il n’est pas de trop de s’appuyer sur son épouse et sa famille (9 enfants!) : cette épouse avait donc sa place natu­relle dans l’ouvrage, dont elle écrit son ver­sant per­son­nel sous un joli titre Le chant des filaos. Il est vrai que, dans l’Afrique de ces temps de défri­che­ment et d’action, il fal­lait cet indé­fec­tible appui. Reve­nus au pays, je suis sûr que tous deux entendent encore les filaos chanter.

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