Information et productivité : un nouveau regard

Dossier : Les consultantsMagazine N°539 Novembre 1998
Par Christian GALTIER (66)
Par Yves PARMENTIER (73)

Tout pro­duit ou ser­vice d’un mar­ché existe dans l’en­tre­prise sous forme d’in­for­ma­tion avant d’exis­ter sous sa forme phy­sique ou finale. Cette asser­tion s’é­tend aus­si aux pro­ces­sus qui ont per­mis la mise sur le mar­ché de ce pro­duit ou ser­vice. Dans la suite de cet article, nous dési­gne­rons par le mot « objet éco­no­mique », ou sim­ple­ment « objet », un pro­duit, un ser­vice ou un processus.

De cette infor­ma­tion, qui existe avant l’ob­jet lui-même, nous dirons qu’elle est pri­mor­diale à l’ob­jet, au sens éty­mo­lo­gique du terme, pour bien signi­fier qu’elle appa­raît avant lui.

L’information est primordiale

Recon­naître que l’in­for­ma­tion est pri­mor­diale, c’est consta­ter que tout objet éco­no­mique (au sens indi­qué plus haut) est struc­tu­ré par un ensemble d’in­for­ma­tions qui pré­existent. Ces infor­ma­tions sont intrin­sèques à l’ob­jet. Elles le défi­nissent tota­le­ment, et ce d’une façon pérenne, en tout cas évo­luant len­te­ment au cours du temps.

Tout objet éco­no­mique pos­sède donc un ensemble d’in­for­ma­tions, pri­mor­diales et intrin­sèques, qui le défi­nit et le struc­ture totalement.

L’i­dée vient alors que, si l’on sait révé­ler (au sens pho­to­gra­phique du terme) et décrire cette struc­ture infor­ma­tion­nelle sous-jacente de l’ob­jet, il doit être pos­sible de rai­son­ner et de tra­vailler sur celui-ci, même avant qu’il existe réellement.

Pour révé­ler ces infor­ma­tions, il faut les trou­ver. Or, elles sont à por­tée de main. Ces infor­ma­tions sont dans l’en­tre­prise, plus pré­ci­sé­ment dans des docu­ments. Ces docu­ments peuvent être des notes, des bor­de­reaux, des don­nées sur ordi­na­teur, etc. L’im­por­tant ici est de remar­quer qu’une acti­vi­té éco­no­mique d’une cer­taine ampleur ne peut pas fonc­tion­ner si les choses ne sont pas écrites. Notre expé­rience de consul­tants nous a per­mis de qua­li­fier ce point : toute l’in­for­ma­tion struc­tu­rante défi­nis­sant un objet se trouve dans des docu­ments de l’en­tre­prise.

Ceci a une consé­quence opé­ra­toire forte : il n’y a nul besoin d’in­ter­vie­wer des dizaines de per­sonnes pour trou­ver cette infor­ma­tion. Il suf­fit de col­lec­ter les docu­ments de l’ac­ti­vi­té étu­diée. La redon­dance des infor­ma­tions sur les dif­fé­rents docu­ments fait que quelques dizaines de docu­ments suf­fisent à loca­li­ser l’in­for­ma­tion recherchée.

Décrire la structure informationnelle

Une fois que cette infor­ma­tion est loca­li­sée, il faut la décrire.

Nous posons que l’in­for­ma­tion struc­tu­rante doit être pré­sen­tée sous forme d’a­gré­gats. Ce concept est fort, car il per­met de se foca­li­ser sur ce qui est com­mun, géné­rique, dans l’ob­jet étu­dié. De plus, nous nous foca­li­sons aus­si sur le pour­quoi de l’in­for­ma­tion (son rôle) et non sur le com­ment de son uti­li­sa­tion. Ce sont ces deux angles d’ap­proche qui per­mettent d’a­bou­tir à une des­crip­tion intrin­sèque et pérenne.

La struc­ture infor­ma­tion­nelle intrin­sèque de l’ob­jet étu­dié est décrite alors avec un for­ma­lisme pré­cis, qui abou­tit à une forme cano­nique. Cette forme cano­nique per­met de conduire des rai­son­ne­ments qua­li­ta­tifs et quan­ti­ta­tifs sur l’in­for­ma­tion : on peut en effet la mesu­rer et la com­pa­rer à un référentiel.

La mesure de l’information

Les mesures que nous uti­li­sons sont issues de la théo­rie de l’in­for­ma­tion du mathé­ma­ti­cien Claude Shan­non. Elles sont nor­ma­li­sées à l’AF­NOR sous la réfé­rence Z61-000/16.03. Par­mi ces mesures, nous en avons rete­nu deux : la quan­ti­té d’in­for­ma­tion et la complexité.

Ces mesures ne sont pas d’o­ri­gines finan­cières ou comp­tables. Cepen­dant, nous avons obser­vé qu’elles sont cor­ré­lées au chiffre d’af­faires et au coût d’ex­ploi­ta­tion de l’ac­ti­vi­té concer­née par l’ob­jet étudié.

Cette consta­ta­tion, sur­pre­nante a prio­ri, n’est qu’une résul­tante logique du pos­tu­lat de base de nos tra­vaux : tout est information.

Lorsque l’on dis­pose à la fois de la forme cano­nique de la struc­ture infor­ma­tion­nelle de l’ob­jet et des mesures de com­plexi­té et de quan­ti­té d’in­for­ma­tion, on peut tra­vailler dans au moins deux registres différents.

L’économie et l’information

L’é­tude qua­li­ta­tive et quan­ti­ta­tive per­met d’ob­te­nir des diag­nos­tics sur l’ob­jet, des recom­man­da­tions d’é­vo­lu­tion, d’or­ga­ni­sa­tion, etc.

Ce qui dif­fé­ren­cie ces résul­tats de ceux obte­nus par des démarches plus clas­siques est lié à l’ap­proche uti­li­sée. En effet, l’é­tude est faite prin­ci­pa­le­ment sur docu­ments, sans inter­views, et avec une sol­li­ci­ta­tion mini­male des clients. Ceci évite de per­tur­ber leur tra­vail et per­met de gagner du temps, mais amène aus­si deux points originaux.

D’a­bord, les résul­tats obte­nus sont objec­tifs, car ils sont issus du « dur », à savoir la matière quo­ti­dienne sur laquelle les clients tra­vaillent. Ceci ren­force leur légi­ti­mi­té et favo­rise leur acceptation.

De façon plus fon­da­men­tale, cette approche apporte à l’u­ti­li­sa­teur un regard nou­veau sur son acti­vi­té, en lui mon­trant ce que signi­fie pen­ser l’in­for­ma­tion avant la matière. Ceci est por­teur d’une grande créa­ti­vi­té chez les clients, et nous a per­mis sou­vent de décou­vrir en com­mun des gise­ments de nou­veaux ser­vices autour de pro­duits tra­di­tion­nels ou banalisés.

Les systèmes d’information

Le deuxième registre d’u­ti­li­sa­tion concerne l’au­to­ma­ti­sa­tion des sys­tèmes d’in­for­ma­tion, autre­ment dit les logiciels.

La révé­la­tion de la struc­ture infor­ma­tion­nelle sous-jacente et les mesures d’in­for­ma­tion asso­ciées per­mettent un juste dimen­sion­ne­ment des logi­ciels ser­vant l’ac­ti­vi­té étudiée.

En effet, il est alors pos­sible de mon­trer un sys­tème infor­ma­tique dont l’ar­chi­tec­ture sera en har­mo­nie avec la struc­ture infor­ma­tion­nelle intrin­sèque. Il y aura ain­si une éco­no­mie de fonc­tions. Les mesures d’in­for­ma­tion per­met­tront de cal­cu­ler un ROI (retour sur infor­ma­ti­sa­tion) et de n’in­for­ma­ti­ser que ce qui est utile. De gros pro­jets infor­ma­tiques pour­ront ain­si être réduits à ce qui est ren­table. Il est fré­quent d’ob­te­nir un gain d’un fac­teur trois (en coûts et en délais) sur les phases d’analyse.

Conclusion

La foca­li­sa­tion sur l’in­for­ma­tion au cœur de l’ac­ti­vi­té per­met de déce­ler des gise­ments de ren­ta­bi­li­té. Ces gise­ments se trouvent dans l’i­den­ti­fi­ca­tion et l’é­li­mi­na­tion de ce qui n’est pas ren­table (trop com­plexe, ou sans valeur ajou­tée pour le client), le déve­lop­pe­ment de poten­tia­li­tés latentes, ou un juste dimen­sion­ne­ment des sys­tèmes infor­ma­tiques. Ils per­mettent à l’en­tre­prise de gagner en coûts, en délais, en réac­ti­vi­té et en créativité.

C’est un nou­veau regard, riche en poten­tia­li­tés, qui est ain­si pro­po­sé sur l’ac­ti­vi­té. Il per­met­tra à l’en­tre­prise de se déve­lop­per dans cette socié­té de l’in­for­ma­tion dans laquelle la for­mi­dable avan­cée des tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion nous a fait entrer.

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