Il faut rétablir le certificat d’études primaires et l’examen d’entrée en sixième

Dossier : La mutation du service publicMagazine N°635 Mai 2008
Par Yannick BONNET (52)

Les clas­se­ments inter­na­tio­naux constatent la baisse de notre ensei­gne­ment pri­maire et secon­daire. Nos scien­ti­fiques, nos cher­cheurs, nos ensei­gnants du supé­rieur ne cachent pas leur inquié­tude : le niveau des étu­diants de pre­mière année se dété­riore. Le nombre de ceux qui appa­raissent capables de suivre soli­de­ment une filière lit­té­raire, scien­ti­fique ou phi­lo­so­phique décroît en nombre et en pro­por­tion. Les copies de nos élèves sont affli­geantes : pen­sée informe, syn­taxe fau­tive. Quant à l’orthographe, mieux vaut n’en point par­ler. Les ingé­nieurs de bon niveau souffrent par­fois d’inquiétantes lacunes à rédi­ger un rap­port, à l’ordonner, à cla­ri­fier les pré­misses et les conclusions. 

Deux tendances idéologiques, un seul résultat

La panne de l’ascenseur social
À la suite d’une étude sur l’origine sociale des élèves des grandes écoles, la « Com­mis­sion Boul­loche » avait conclu que les élèves issus des milieux socio­cul­tu­rels aisés, pro­por­tion­nel­le­ment plus nom­breux que ceux des familles ouvrières et pay­sannes, étaient sco­lai­re­ment sou­te­nus et aidés par leurs parents. Elle a pré­co­ni­sé, pour réta­blir l’égalité des chances, de chan­ger radi­ca­le­ment les méthodes d’apprentissage en intro­dui­sant les mathé­ma­tiques modernes et autres méthodes éso­té­riques. On a obte­nu le résul­tat contraire au but recher­ché, les milieux intel­lec­tuel­le­ment avan­cés s’étant mon­trés les mieux à même d’assimiler ces « méthodes nou­velles », de les adap­ter, voire de les court-cir­cui­ter. C’est la caté­go­rie « enfant d’enseignants » qui est pas­sée en tête dans les entrées aux grandes écoles.

Quand on enquête sur les cou­rants idéo­lo­giques qui ont favo­ri­sé l’émergence des « nou­velles péda­go­gies », on constate curieu­se­ment qu’il y a eu la conver­gence pro­gres­sive de deux ten­dances. L’une était por­tée par un cou­rant lit­té­raire qui s’est épa­noui dans le pays libé­ral par excel­lence, les États-Unis. L’autre par un cou­rant mar­xiste euro­péen, dont le chantre prin­ci­pal est l’Italien Gram­sci (« Lénine s’est trom­pé. Nous conquer­rons l’univers par l’école et non par le prolétariat. »)
Le pre­mier cou­rant prône une école où l’élève se sent bien, dit ce qu’il veut, ne subit aucune contrainte. Le deuxième prône une école qui coupe, grâce à la puis­sance publique, l’enfant de ses racines et des valeurs fami­liales. Même si le pre­mier cou­rant paraît libé­ral en regard du second, les deux sont conver­gents en ce sens qu’ils déva­luent la famille.
La sup­pres­sion du cer­ti­fi­cat d’études pri­maire, en 1989, fut consi­dé­rée comme un évé­ne­ment de peu d’importance, cer­tains y voyant même le signe que la France serait capable d’amener la qua­si-tota­li­té de ses enfants, avec la sco­la­ri­té obli­ga­toire jusqu’à seize ans, à un niveau de fin de col­lège assor­ti d’un diplôme plus pres­ti­gieux. Le col­lège devint rapi­de­ment un col­lège unique et l’entrée au col­lège auto­ma­tique puisque l’examen d’entrée en sixième était deve­nu sans objet avec la loi de 1975. L’entrée en sixième deve­nait en quelque sorte obligatoire.

L’éducation de la personne d’abord


 L’instituteur à l’ancienne ne pra­ti­quait pas l’égalité par le bas.

Il est dif­fi­cile de citer tous les ouvrages d’enseignants ulcé­rés de ne pou­voir faire leur métier, quand ils reçoivent, venant de l’école pri­maire, des enfants dont les appren­tis­sages de base, lire, écrire, comp­ter, ont été tota­le­ment inopé­rants. Dès lors que les pro­grammes d’histoire et de lit­té­ra­ture se conjuguent pour sup­pri­mer ce qui pour­rait s’appeler culture géné­rale et héri­tage des savoirs de nos anciens, tout devient presque anecdotique.
Il faut enfin rap­pe­ler que l’éducation de la per­sonne est, en quelque sorte, sinon un préa­lable, du moins une néces­si­té conco­mi­tante à l’instruction, tant il est vrai qu’un appren­tis­sage, quel qu’il soit, néces­site humi­li­té, patience, per­sé­vé­rance, doci­li­té et autres ver­tus morales, que la famille en prio­ri­té et l’école en com­plé­men­ta­ri­té doivent incul­quer aux enfants.

Se grouper pour réagir

Un appren­tis­sage, quel qu’il soit, exige humi­li­té, patience, per­sé­vé­rance et docilité

Il ne faut pas se rési­gner, car le décou­ra­ge­ment est une sot­tise : le pire n’est jamais cer­tain. Il faut réagir, cha­cun à son niveau de res­pon­sa­bi­li­té et dans son envi­ron­ne­ment per­son­nel. Par exemple, cer­tains ensei­gnants ont créé le Groupe de réflexion inter­dis­ci­pli­naire sur les pro­grammes (GRIP), d’autres le pro­jet SLECC (Savoir lire, écrire, comp­ter, cal­cu­ler). L’Association « Famille-École-Édu­ca­tion », créée par Gil­bert Sibioude (HEC) et Gil­bert Cas­tel­la­net (52), effec­tue un tra­vail de « lob­bying », de ren­contres, de ras­sem­ble­ment de per­son­na­li­tés de tous types et de toutes tendances.

L’État doit être le garant de l’École

Trois théo­ries pernicieuses
Le péda­go­gisme : le rôle de l’enseignant est de moti­ver l’élève et la seule moti­va­tion pos­sible est le plai­sir. Tout doit être ludique et non sco­laire. Pas ques­tion d’obliger à apprendre des conju­gai­sons, des défi­ni­tions, des tables de mul­ti­pli­ca­tion ; encore moins d’imposer des dictées.
Le construc­ti­visme : l’enfant doit construire lui-même son savoir. Il n’est pas ques­tion de lui trans­mettre des connais­sances. Lais­sons-le éla­bo­rer son pro­jet d’acquisition.
L’égalitarisme : il faut éli­mi­ner tout ce qui ne peut pas être par­ta­gé par tous les élèves (« La lec­ture et l’écriture sont les pre­miers outils de sélec­tion et d’exclusion. »)

Aujourd’hui, il faut que l’État ne soit plus le gérant mais le garant de l’école. Il faut que l’impôt serve, comme aux Pays-Bas, à don­ner aux parents le « ticket sco­laire », mon­tant du prix de revient de chaque cycle, pour que les parents puissent choi­sir l’école la mieux adap­tée à leurs enfants.
La garan­tie, c’est que l’État soit res­pon­sable de la mise en place d’une sorte de « Bureau Veri­tas » de la qua­li­té de l’école, un peu comme le fait la com­mis­sion du titre d’ingénieur. Elle véri­fie le niveau de toutes les écoles d’ingénieur, publiques et pri­vées, tout en lais­sant à celles-ci une réelle autonomie.
N’oublions pas, enfin, que nous avons moder­ni­sé notre indus­trie avec une immense majo­ri­té de cadres et d’agents de maî­trise, titu­laires du seul cer­ti­fi­cat d’études. Quant à nos ouvriers, quand ils en avaient le niveau, ils sont pas­sés de la com­mande manuelle à la com­mande pneu­ma­tique, élec­tro­nique, puis aux salles de contrôle équi­pées d’ordinateurs, sans rechi­gner ni reculer.
Réta­blis et réno­vés, le cer­ti­fi­cat d’études pri­maires et l’examen d’entrée en sixième consti­tue­raient un per­ma­nent contrôle de sécurité.

Commentaire

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Vol­taire Candiderépondre
22 septembre 2009 à 13 h 48 min

CEP
Bien mieux qu’un bac inutile ! oui il faut le rétablir

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