Idées

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°624 Avril 2007Par : Claude RIVELINE (56)Rédacteur : Jean SALMONA (56)

Quel ancien élève de l’École des Mines – corp­sard ou non –, aujourd’hui mana­ger, ne témoigne pour Claude Rive­line une pro­fonde et affec­tueuse recon­nais­sance ? On peut le consta­ter à toute remise de déco­ra­tion à l’un de ses anciens élèves, où le réci­pien­daire ne manque pas de men­tion­ner son cher pro­fes­seur par­mi les pre­miers de ceux aux­quels il doit d’être ce qu’il est. Mais au-delà de cet ensei­gne­ment de la ges­tion, Claude Rive­line est aus­si un obser­va­teur atten­tif et aigu des com­por­te­ments des hommes et des socié­tés de notre temps. Et la qua­li­té de cette obser­va­tion, assise sur une culture vaste et éclec­tique, et nour­rie par la rigueur du rai­son­ne­ment scien­ti­fique, le conduit natu­rel­le­ment sur le che­min de la mise en rela­tion et de la concep­tua­li­sa­tion. Osons le mot : Rive­line est un phi­lo­sophe et un socio­logue, un des plus pers­pi­caces de notre époque.

Mais comme Claude Rive­line est aus­si un spé­cia­liste de la com­mu­ni­ca­tion, il sait que l’art d’exprimer briè­ve­ment, clai­re­ment, et avec brio, une idée, est au moins aus­si impor­tant que l’idée elle-même. Or, contrai­re­ment à la grande majo­ri­té des experts, qui ne peuvent com­mu­ni­quer qu’en jar­gon et à l’intérieur d’un cercle d’initiés, cet art, il le maî­trise, pour notre plus grand plaisir.

Et c’est bien du plai­sir que nous pro­cure la lec­ture de son opus­cule Idées, qui réunit ses chro­niques suc­cinctes et inci­sives publiées depuis dix ans dans le Jour­nal de l’École de Paris. À l’opposé de ces col­lec­tions d’aphorismes pré­cieux et vains des­ti­nés à briller dans les salons, que l’on ren­contre sous la plume de pédants aca­dé­mistes, les Idées de Rive­line – comme on dit les Carac­tères de La Bruyère ou les Pro­pos d’Alain ou encore ceux de O. L. Baren­ton – dis­si­mulent leur pro­fon­deur sous un style de bon aloi tou­jours tein­té d’humour.

Quelques titres, par­mi d’autres : « Les ver­tus de la confu­sion », « Je suis, donc je pense », « Tu aime­ras ton loin­tain comme toi-même ». Un exemple de remarque judi­cieuse (tiré de Qui est « je ») : « Je sou­tiens qu’au contraire c’est l’observance des rites qui est le moteur essen­tiel. C’est par là que l’on mani­feste son appar­te­nance à la tri­bu et son adhé­sion aux idées qu’elle sou­tient. Les gestes induisent les pen­sées au moins autant que l’inverse. » Et Rive­line d’illustrer son pro­pos par un qua­train de Georges Bras­sens dans « La foi du charbonnier ».

Un superbe petit livre de che­vet, per­cu­tant, plai­sant, et qui fait du bien.

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