Grands bourgognes blancs

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°619 Novembre 2006Rédacteur : Laurens Delpech

Les rares et mythiques grands char­don­nays de Bour­gogne ont la répu­ta­tion d’être les meilleurs vins blancs secs du monde. Au som­met, on trouve les grands crus de la Côte de Beaune : cinq d’entre eux (Mon­tra­chet, Che­va­lier-Mon­tra­chet, Bâtard-Mon­tra­chet, Bien­ve­nues-Bâtard-Mon­tra­chet, Criots-Bâtard-Mon­tra­chet) forment un bloc de 33 hec­tares sur les com­munes de Puli­gny et de Chas­sagne. Le sixième étant le Cor­ton-Char­le­magne, dont nous repar­le­rons bientôt.

Le Mon­tra­chet cor­res­pond à une par­celle de 8 hec­tares, 14 ares et 11 cen­tiares, plan­tée en char­don­nay. Les fron­tières du Mon­tra­chet, situé, comme le disait l’abbé Arnoux en 1728, sur « une veine de terre qui rend son ter­rain unique en son espèce », ont été défi­ni­ti­ve­ment fixées en 1921, date à laquelle une par­tie du lieu-dit les Dents de Chien (sur Chas­sagne) fut rat­ta­chée à l’ensemble par déci­sion de jus­tice. 16 pro­prié­taires pos­sèdent des vignes de Mon­tra­chet dont le domaine de la Roma­née-Conti et le domaine Leflaive. Les trois prin­ci­paux pro­prié­taires sont le mar­quis de Laguiche (2 ha 06 a), le baron Thé­nard (1 ha 80 a) et Bou­chard Père & Fils (0,9 ha). Le Mon­tra­chet béné­fi­cie d’une pente douce (10 %), d’une alti­tude (255 à 270 mètres) et d’une orien­ta­tion idéales (du sud à l’est).

Le sol cal­caire, avec une forte pro­por­tion d’argile, est de faible épais­seur (50 cm envi­ron) avant d’atteindre la roche. Les condi­tions natu­relles sont tout à fait excep­tion­nelles pour la Bour­gogne, comme en atteste la pré­sence de nom­breuses plantes de cli­mats chauds et secs (Aubert de Vil­laine, cogé­rant du Domaine de la Roma­née-Conti, dit du Mon­tra­chet que « c’est une belle fille blonde avec des yeux noirs »). C’est un des rares vins blancs secs capables de vieillir plu­sieurs dizaines d’années.

En dégus­ta­tion, c’est un vin mer­veilleux de pro­fon­deur, avec de sublimes arômes de miel d’acacia et d’amandes grillées. Il est volu­mi­neux et long en bouche sans jamais être lourd. C’est aus­si un vin sou­vent réser­vé. Il ne s’offre pas, il faut l’analyser pour appré­cier sa superbe palette aro­ma­tique. Comme le dit très bien Marc Colin « Il est comme une belle dame que l’on n’aperçoit que lorsqu’on s’en va, que l’on a oubliée parce qu’elle était dis­crète et qu’elle n’était pas une extra­va­gante, par laquelle les hommes sont sou­vent atti­rés, qui n’est peut-être pas la plus belle. » La mai­son Bou­chard pos­sède dans ses caves du Châ­teau de Beaune plu­sieurs vieux mil­lé­simes de Mon­tra­chet qui se dégustent très bien. C’est ain­si qu’un 1870 ouvert récem­ment révé­lait « une très belle cou­leur or brillant, un nez com­plexe, intense, à domi­nante de truffe et d’amande grillées, une bouche ample et puis­sante, avec beau­coup de soyeux ».

La par­tie « his­to­rique » du Che­va­lier-Mon­tra­chet est une bande de 4 hec­tares de vignes située juste au-des­sus (à l’ouest) du Mon­tra­chet. Il faut y ajou­ter les Che­va­lier-Mon­tra­chet Les Demoi­selles de Jadot et Latour ain­si que des plan­ta­tions faites dans le haut du coteau, et une par­celle de Mon­tra­chet reclas­sée par la Mai­son Bou­chard en 1989 en Che­va­lier-Mon­tra­chet « La Cabotte », à la suite d’une modi­fi­ca­tion du cadastre de Puli­gny, ce qui donne main­te­nant un total de 7,5 ha. Les vignes sont plan­tées sur un sol pauvre, dénu­dé, très mince, sur une pente for­te­ment incli­née (20 %) qui s’étale de 265 à 300 mètres d’altitude. C’est un ter­roir très sec car très bien drai­né, très cal­caire et expo­sé est-sud-est. Dans sa jeu­nesse, le Che­va­lier-Mon­tra­chet est sou­vent sec et ner­veux, avec des arômes de type fou­gère, il s’épanouit en vieillis­sant et gagne alors de déli­cieuses notes miel­lées. Les vignes du Che­va­lier-Mon­tra­chet sont sur la seule com­mune de Puligny.

Avec près de 12 hec­tares et une tren­taine de pro­prié­taires, entre Puli­gny et Chas­sagne, le Bâtard-Mon­tra­chet est le plus vaste des grands crus blancs de Bour­gogne, après le Cor­ton-Char­le­magne. La par­tie haute du Bâtard (mieux drai­née) est consi­dé­rée comme meilleure que la par­tie basse, comme au Clos de Vou­geot, mais cer­tains font de très grands vins dans cette même par­tie basse, comme Ramo­net ou Marc Colin. Ce sont des vins mas­sifs, gras et opu­lents dans leur jeu­nesse, qui s’affinent avec le temps.

Les Bien­ve­nues étaient à l’origine une par­celle de 6 ha for­mant la par­tie nord du Bâtard-Mon­tra­chet. À la fin des années trente, la par­tie haute de cette par­celle a été rat­ta­chée aux vignes de Bâtard-Mon­tra­chet et la par­tie basse (3,7 ha) forme, sur Puli­gny, les Bien­ve­nues-Bâtard-Mon­tra­chet. Il y a donc une grande res­sem­blance entre les deux appel­la­tions : ce sont des vins riches, mas­sifs et opu­lents. Les meilleurs domaines (Leflaive, Ramo­net…) sont pré­sents sur cette appellation.

Comme le Bien­ve­nues-Bâtard-Mon­tra­chet, le Criots-Bâtard-Mon­tra­chet est né dans les années trente, au moment de la déli­mi­ta­tion des grands crus. Expo­sé au sud, sur une pente très douce, en contre­bas du Bâtard-Mon­tra­chet, le grand cru Criots-Bâtard-Mon­tra­chet couvre 1 ha 57 a sur la com­mune de Chas­sagne. C’est le plus petit grand cru blanc de Bour­gogne. C’est peut-être le moins puis­sant des cinq grands crus de Chas­sagne et Puli­gny, mais il a beau­coup de finesse et s’ouvre vite.

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