Général Xavier MICHEL

Dossier : ExpressionsMagazine N°608 Octobre 2005

En quoi consistait le commandement de la 3e brigade mécanisée que vous venez de quitter ?

En quoi consistait le commandement de la 3e brigade mécanisée que vous venez de quitter ?

Cette bri­gade com­prend un état-major, basé à Limoges, et cinq régi­ments : deux régi­ments d’infanterie (Brive et Cler­mont-Fer­rand), un régi­ment de cava­le­rie (Car­piagne), un régi­ment d’artillerie (La Val­bonne) et un régi­ment du génie (Cas­tel­sar­ra­sin). Mon rôle consis­tait à pré­pa­rer la bri­gade et ses régi­ments à ses futures mis­sions opé­ra­tion­nelles. Entre février et juin 2004, je suis par­ti au Koso­vo com­man­der la bri­gade mul­ti­na­tio­nale Nord-Est, com­pre­nant sept contin­gents natio­naux. Cela a été une expé­rience forte de main­tien de la paix en milieu inter­na­tio­nal. J’étais d’ailleurs accom­pa­gné de deux X 2003 qui fai­saient leur stage DFHM. Depuis le mois de juin de cette année et en prin­cipe jusqu’au mois d’octobre, la bri­gade est en Côte‑d’Ivoire.

Le nouveau chef de Corps de l’X, le colonel d’Andlau, arrive du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) qui est chargé d’organiser toutes les opérations dans lesquelles des soldats français sont engagés, en France et dans le monde. Quelle est la différence avec votre ancienne fonction ?

Le CPCO est ins­tal­lé à Paris. Il tra­duit en mis­sions mili­taires les objec­tifs don­nés par le gou­ver­ne­ment aux forces armées. Je connais le colo­nel d’Andlau : il était dans la cel­lule Bal­kans et c’est lui qui sou­vent me trans­met­tait mes orien­ta­tions et les ordres pen­dant ma mis­sion au Kosovo.

Vous allez pouvoir reprendre le dessus !

Disons que c’était un de mes cor­res­pon­dants natu­rels. Je lui fai­sais part des pro­blèmes ren­con­trés sur le terrain.

L’enseignement supérieur est une nouveauté dans votre carrière ?

Dans une fonc­tion de direc­tion : oui. Mais juste avant la 3e bri­gade méca­ni­sée, je m’occupais de stra­té­gie de res­sources humaines dans l’armée de terre. La for­ma­tion des offi­ciers en repré­sente une par­tie impor­tante, et j’ai eu l’occasion à ce moment-là de me pen­cher sur les écoles de for­ma­tion de l’armée de terre.

Quelle première impression vous inspire votre nomination à Polytechnique ?

C’est une mis­sion pas­sion­nante et exi­geante. Je suis en train de décou­vrir l’ampleur des tâches pour les­quelles le direc­teur géné­ral doit se mobiliser.

“ Thales est déjà là. Iota devrait nous rejoindre en 2006, l’Ensta en 2009–2010 et, même si rien n’est encore offi­ciel pour le moment, l’Onera devrait suivre. Il fau­dra aus­si comp­ter avec Digi­teo Labs. Une des prio­ri­tés de mon séjour à l’École sera de pour­suivre cette dyna­mique et de créer une syner­gie entre toutes ces enti­tés. ” PHOTO THOMAS ARRIVÉ

Le poten­tiel de l’École et son dyna­misme m’impressionnent, mais je sais aus­si que l’X a encore beau­coup de défis à relever.

L’X doit tou­jours veiller à la qua­li­té de sa recherche et de son ensei­gne­ment, fon­dé sur une for­ma­tion plu­ri­dis­ci­pli­naire scien­ti­fique et humaine, dans la conti­nui­té de sa longue tra­di­tion d’excellence. Cela ne va pas sans une adap­ta­tion per­ma­nente dans un monde en constante trans­for­ma­tion. Je prends connais­sance des dos­siers pro­gres­si­ve­ment. Une réunion d’information au per­son­nel a lieu habi­tuel­le­ment au mois de novembre : j’aurai alors un peu plus d’assise pour faire part de ma per­cep­tion de l’École et des actions dans les­quelles elle doit s’engager.

Globalement, toutefois, qu’est-ce qui vous semble dominer l’actualité de l’École ?

Poly­tech­nique doit pour­suivre le mou­ve­ment d’ouverture inter­na­tio­nale dans lequel elle est enga­gée. Pour ce faire, elle doit s’appuyer sur le cycle poly­tech­ni­cien mais aus­si sur les mas­ters et sur l’École doc­to­rale. En ce qui concerne les mas­ters, beau­coup de choses ont été faites mais le régime de croi­sière n’est pas encore atteint. En ce qui concerne le diplôme de doc­to­rat, celui-ci doit lui aus­si être mis en avant pour la recon­nais­sance inter­na­tio­nale de l’École. La créa­tion des dépar­te­ments d’enseignement-recherche va dans ce sens.

Le déve­lop­pe­ment des mas­ters et des doc­to­rats devrait béné­fi­cier à la recherche, qu’elle soit fon­da­men­tale ou plus appliquée.

En paral­lèle, les efforts de valo­ri­sa­tion (par­te­na­riats indus­triels, dépôts de bre­vets, créa­tion d’entreprises) méritent d’être pour­sui­vis avec ténacité.

Comment voyez-vous le développement du campus ?

Thales est déjà là. Iota devrait nous rejoindre en 2006, l’Ensta en 2009–2010 et, même si rien n’est encore offi­ciel pour le moment, l’Onera devrait suivre. Il fau­dra aus­si comp­ter avec Digi­teo Labs. Une des prio­ri­tés de mon séjour à l’École sera de pour­suivre cette dyna­mique et de créer une syner­gie entre toutes ces entités.

Quelles seront vos autres priorités ?

Nous avons déjà par­lé de l’internationalisation, des mas­ters, de la recherche, de la valo­ri­sa­tion. Je découvre à quel point la vie de l’École est diverse, résul­tante de démarches très variées. Le contrat plu­ri­an­nuel 2001–2006 en a été le guide jusqu’à pré­sent. Il nous fau­dra nous atte­ler très vite à l’élaboration du sui­vant, le contrat 2007- 2011. Si quelques axes s’imposent dans la conti­nui­té du contrat actuel, il y a là tout un tra­vail d’équipe qui nous mobi­li­se­ra dès la ren­trée. Il nous faut un pro­jet ambi­tieux et de qua­li­té, conforme à la tra­di­tion de l’École, qui réponde aux besoins de la Nation dans les domaines éco­no­mique, scien­ti­fique et de l’État et qui emporte l’adhésion du minis­tère de la Défense

Quel sera le rôle de ParisTech dans l’avenir de l’École ?

À tra­vers Paris­Tech, l’École va pou­voir mieux affir­mer son iden­ti­té au niveau inter­na­tio­nal. L’École s’adaptera d’autant mieux au contexte de com­pé­ti­ti­vi­té qui est celui de l’enseignement supé­rieur et de la recherche au niveau mon­dial qu’elle s’affirmera avec ses par­te­naires. À ce titre, je suis par­ti­cu­liè­re­ment heu­reux que le géné­ral de Noma­zy pour­suive comme vice­pré­sident exé­cu­tif l’action enga­gée au sein de Paris­Tech. Mais l’évolution de l’École ne se résume pas à Paris­Tech. Elle a de nom­breuses rela­tions sur le pla­teau de Saclay. Le pôle de com­pé­ti­ti­vi­té des “ sys­tèmes com­plexes ”, dont l’École est par­tie pre­nante et qui vient d’être rete­nu par l’État, consti­tue une occa­sion excep­tion­nelle de s’insérer dans un nou­veau réseau de par­te­na­riats entre ensei­gne­ment supé­rieur, recherche et entreprise.

Votre prédécesseur n’était pas polytechnicien. Vous si. Pensez-vous que c’est un plus pour être directeur général ?

Le géné­ral de Noma­zy a démon­tré qu’être poly­tech­ni­cien n’était pas indis­pen­sable pour bien diri­ger l’École. Par ailleurs, l’École que j’ai connue en tant qu’élève était très dif­fé­rente de celle que je retrouve en tant que direc­teur géné­ral. Je découvre le cam­pus de Palaiseau.

J’appartiens à la pro­mo­tion 72, qui a fait sa sco­la­ri­té à Paris, et pour qui le démé­na­ge­ment ici, même s’il était déjà pro­gram­mé, était encore très abs­trait. Mais que l’École soit à Paris ou à Palai­seau, il est clair que quand on fait l’X, on garde pour Poly­tech­nique un atta­che­ment par­ti­cu­lier, comme tout ancien pour son école d’origine. J’ai envie de voir cette École affir­mer sa place d’excellence dans le monde.

Quels sont les atouts d’un officier général pour remplir cette mission ?

Il faut espé­rer qu’il en a puisque sta­tu­tai­re­ment c’est un offi­cier géné­ral qui dirige l’École ! Plus sérieu­se­ment, un offi­cier exerce au cours de sa car­rière des res­pon­sa­bi­li­tés assez variées, sou­vent de com­man­de­ment, ce qui ne dif­fère pas fon­da­men­ta­le­ment d’une fonc­tion de direc­tion géné­rale. Il faut anti­ci­per, orga­ni­ser, tra­vailler en équipe, convaincre, être déter­mi­né dans l’action qu’il faut mener à terme. J’ajouterai que la dimen­sion inter­na­tio­nale du métier apporte un recul enri­chis­sant sur le sys­tème fran­çais. Pour le reste, je n’irai pas jusqu’à inven­ter pour ma car­rière une logique impla­cable me condui­sant jusqu’à la direc­tion géné­rale de l’X : le poste est pour l’essentiel une nou­veau­té dans mon par­cours. Je l’ai décou­vert lors d’une pré­sen­ta­tion du géné­ral de Noma­zy à l’occasion du tren­te­naire de ma pro­mo­tion. J’avoue avoir été séduit par ce qu’il nous avait expo­sé. n

Propos recueillis par Thomas Arrivé
et extraits d’X‑Info, n° 163, septembre 2005

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