Général Louis Decharme (1900)

Général Louis Decharme (1900)

Dossier : ExpressionsMagazine N°576 Juin/Juillet 2002
Par Daniel VAFFIER (61)

» Bon sang ne sau­rait men­tir « , c’est ce qui vient natu­rel­le­ment en regar­dant les ori­gines fami­liales de Louis Decharme qui rejoint 1’X en 1900 à la suite de son père le géné­ral Albert Decharme (X 1859), ancien com­man­dant en second de l’É­cole en 1890 et plus tard com­man­dant du 12e corps d’armée. 

C’est aus­si à la suite de son grand-père pater­nel Théo­dore Decharme (X 1827), ingé­nieur en chef des Ponts et Chaus­sées et de son grand-père mater­nel Nico­las Le Gros (X 1838), ingé­nieur géné­ral des Ponts et Chaus­sées et des Tra­vaux de la marine que Louis Decharme inté­gre­ra cette école » familiale « . 

Louis Decharme compte enfin par­mi ses proches aïeux Antoine Bou­chet, offi­cier d’ar­tille­rie aux opi­nions réfor­ma­trices qui contri­bua acti­ve­ment aux guerres de la Répu­blique. De quoi tra­cer un évident des­tin de soldat. 

Sor­ti dans l’ar­tille­rie, il rejoint l’é­cole d’ap­pli­ca­tion de Fon­tai­ne­bleau puis de Sau­mur où il est offi­cier ins­truc­teur. Louis Decharme y fait la connais­sance de Maxime Wey­gand, futur Géné­ra­lis­sime en 1940, qui res­te­ra son fidèle ami1.

À la décla­ra­tion de guerre en 1914, Louis Decharme com­mande une bat­te­rie du 25e régi­ment d’ar­tille­rie où il se dis­tingue lors de l’at­taque des Éparges et dans les durs enga­ge­ments de Haute-Meuse. 

En 1915 il par­ti­cipe aux com­bats de Cham­pagne et de la tran­chée de Calonne. Il est nom­mé Che­va­lier de la Légion d’hon­neur sur le champ de bataille. Intoxi­qué par les gaz pen­dant la bataille de Ver­dun il est éva­cué et, de retour sur le front en 1917 au Che­min des Dames et aux com­bats de la Mal­mai­son, com­mande un groupe lourd. 

Louis Decharme, chef d’es­ca­dron, ter­mine la guerre avec trois bles­sures et quatre cita­tions2.

Après l’ar­mis­tice, il passe en 1919 au Secré­ta­riat d’A­lexandre Mil­le­rand, futur Pré­sident de la Répu­blique, alors Haut-Com­mis­saire d’Al­sace-Lor­raine nou­vel­le­ment reve­nue à la France, et de 1922 à 1924 au Cabi­net d’An­dré Magi­not, ministre de la Guerre. 

Déta­ché au ser­vice tech­nique de l’Ar­tille­rie, Louis Decharme par­ti­cipe de 1925 à 1927 à la mis­sion mili­taire fran­çaise envoyée à Athènes par la France afin d’as­su­rer le per­fec­tion­ne­ment des cadres mili­taires grecs. 

Pro­mu colo­nel en 1930, il prend le com­man­de­ment du 25e régi­ment d’ar­tille­rie dont il orga­nise la motorisation. 

Com­man­dant la 35e divi­sion d’in­fan­te­rie pen­dant la bataille de France en mai 19403, Louis Decharme mène » la divi­sion Decharme » qui s’illustre sur le front de l’Aisne, des Ardennes et de la Meuse4 et par une résis­tance qui tient en échec un enne­mi mor­dant et très supé­rieur en nombre avec » mis­sion de sacri­fice deman­dant de tenir sans relève « . 

La 35e DI subis­sant la pres­sion alle­mande et de lourdes pertes (deux colo­nels tués sur trois), Louis Decharme est contraint de diri­ger la retraite de son uni­té pro­té­geant le repli du 21e corps et » sau­vant la mise de la 2e armée « 5.

Pri­son­nier de guerre en juin 1940, il est inter­né en Saxe dans la for­te­resse de Koe­nig­stein, » la cita­delle aux cent géné­raux » avec les géné­raux Giraud, qui éva­dé rejoin­dra Alger comme chef de l’A­frique fran­çaise avant de Gaulle en 1942, Olry ancien com­man­dant en chef de l’ar­mée des Alpes6 et Mis­se­rey, ancien com­man­dant du 13e corps d’ar­mée, tous les deux ses cama­rades de pro­mo­tion à Polytechnique. 

Très tou­ché par sa cap­ti­vi­té, Louis Decharme est rapa­trié en mai 1941 en rai­son de son mau­vais état de santé. 

Le gou­ver­ne­ment de la France agit doré­na­vant sous tutelle allemande. 

Sui­vant la tra­di­tion mili­taire, Louis Decharme reprend le com­bat, entre­te­nant alors à Paris des contacts avec les cadres de l’ar­mée, ali­men­tant des réseaux de ren­sei­gne­ments en infor­ma­tions et tra­vaux clan­des­tins en vue d’une revanche future7.

Ses actions dis­crètes et opé­rantes lui valent d’être convié par le géné­ral de Gaulle à l’ac­com­pa­gner lors de la célèbre marche des Champs-Ély­sées conduite avec les géné­raux Leclerc, Kœnig et Juin le 26 août 1944 pour se rendre au Te Deum célé­bré à Notre-Dame pour la libé­ra­tion de Paris. 

Louis Decharme est rap­pe­lé à l’ac­ti­vi­té en sep­tembre 1944 comme com­man­dant de l’É­cole poly­tech­nique dont il est char­gé de la réor­ga­ni­sa­tion et de la remi­li­ta­ri­sa­tion8.

Le 4 décembre 1946, le géné­ral Bloch-Das­sault (X 1901), Grand Chan­ce­lier de la Légion d’hon­neur, remet à Louis Decharme les insignes de Grand Offi­cier de la Légion d’hon­neur dans la cour de l’É­cole9.

Après onze années pas­sées comme admi­nis­tra­teur de dif­fé­rentes socié­tés10, asso­cia­tions et comi­tés, Louis Decharme est décé­dé à l’hô­pi­tal mili­taire du Val-de-Grâce le 15 juillet 1956. 

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1.
Lequel devant l’é­ten­due de l’ef­fon­dre­ment de la France en juin 1940 doit se résoudre à recom­man­der l’ar­mis­tice avant de reprendre le com­bat en Afrique du Nord.
2. Dont une à l’ordre de la Répu­blique (Jour­nal offi­ciel du 24 octobre 1914).
3. 21e corps d’ar­mée, géné­ral Dubuis­son ; 2e armée, géné­ral Hutzinger.
4. Le géné­ral alle­mand Gude­rian lance sur cette ligne 7 de ses 10 divi­sions blindées.
5. Géné­ral Fla­vi­gny, com­man­dant le 21e CA ; cita­tion à l’ordre de l’Ar­mée du 4 novembre 1946.
6. Un des très rares vain­queurs d’une armée de l’Axe en stop­pant l’of­fen­sive italienne.
7. En par­ti­cu­lier avec les géné­raux Olry, Frère, Kel­ler et Deles­traint, en liai­son avec l’O­RA (Orga­ni­sa­tion de la résis­tance de l’ar­mée). Cf. B. Des­tre­meau, Wey­gand, éd. Per­rin 1990.
8. En annu­la­tion des actes, dits décrets des 27 octobre et 22 décembre 1940.
9. Décret signé Bidault, pré­sident du CNR (Conseil natio­nal de la Résistance).
10. Dont les Forges et Acié­ries de Pont-à-Mous­son à la demande d’An­dré Grand­pierre (X 1912), leur pré­sident, son cama­rade de com­bat en 1915.

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