Variation de la concentration en CO2 au cours du temps

Faut-il craindre l’effet de serre ?

Dossier : Libres ProposMagazine N°521 Janvier 1997Par Pierre NASLIN (39)

En décembre der­nier, l’IPCC, dont le nom anglais (Inter­na­tio­nal Panel on Cli­mate Change) contient déjà la conclu­sion de ses tra­vaux, a annon­cé pour le pro­chain siècle un réchauf­fe­ment moyen de la Terre de 2 °C et une mon­tée des eaux océa­niques de 0,50 m. Que faut-il en penser ? 

L’effet de serre (figure 1)

La Terre reçoit en moyenne 340 W/m2 et réflé­chit 100 W/m2. S’il n’y avait pas d’at­mo­sphère, 240 W/m2 seraient donc absor­bés et réémis en infra­rouge. Or, un corps noir émet­tant 240 W/m2 a une tem­pé­ra­ture de – 18 °C. En réa­li­té, la tem­pé­ra­ture moyenne à la sur­face de la Terre est de + 15 °C. Il faut en conclure que 150 W/m2 sont pié­gés dans l’at­mo­sphère com­po­sée de nuages, de vapeur d’eau, d’aé­ro­sols et de gaz en traces. L’effet de serre natu­rel, qui pro­duit un réchauf­fe­ment de 33 °C, est donc béné­fique. Les émis­sions dues aux acti­vi­tés humaines sont-elles sus­cep­tibles de pro­vo­quer un embal­le­ment de l’ef­fet de serre ? Autre­ment dit, l’ef­fet de serre anthro­pique existe-t-il ?

Le modèle de la figure 1 est beau­coup trop simple. Le cli­mat dépend de très nom­breux fac­teurs, par­mi les­quels on peut citer :

– fac­teurs astro­no­miques de l’insolation,
– effets des dif­fé­rents gaz à effet de serre,
– inter­ac­tions entre ces gaz,
– dis­so­lu­tion du gaz car­bo­nique dans l’océan,
– cycle du carbone,
– cou­rants marins et effets de la sali­ni­té et du vent,
– éva­po­ra­tion des mers et effets de la vapeur d’eau,
– for­ma­tion des nuages et leurs effets, – cou­rants atmosphériques,
– effets de la bio­sphère végé­tale et ani­male, ter­restre et marine,
– inter­ac­tions entre tous ces facteurs.

On peut se deman­der si l’ex­trême com­plexi­té de ce sys­tème per­met d’ef­fec­tuer des prévisions. 

Les mesures

Les mesures effec­tuées depuis cent cin­quante ans semblent mon­trer un réchauf­fe­ment de 0,5 °C. Est-ce une ten­dance à long terme ou une fluc­tua­tion ? Au XIIe siècle, il y avait de la vigne en Angle­terre, il y fai­sait plus chaud. Au XVe siècle, Dürer a peint la trans­hu­mance dans des cols aujourd’­hui ennei­gés. Inver­se­ment, le XVIIIe et le XIXe siècle ont connu le « petit âge gla­ciaire ». Il y a huit mille ans, le Saha­ra était vert ; il y pleu­vait 50 fois plus qu’au­jourd’­hui. On a trou­vé dans les grottes du Tas­si­li des pein­tures repré­sen­tant des élé­phants, des péli­cans, des pois­sons, des cro­co­diles, des hip­po­po­tames. La régres­sion actuelle des gla­ciers alpins fait suite à une avan­cée pen­dant le petit âge gla­ciaire, qui sui­vait elle-même le réchauf­fe­ment du XVe siècle. Et les Alpes sont peu de choses par rap­port à l’A­las­ka, au Groen­land, à l’Hi­ma­laya ou à l’An­tarc­tique, où les gla­ciers se portent bien.

Pour déce­ler un écart de 0,5° en un siècle, il faut atteindre une pré­ci­sion de 0,1°. Or, les mesures ter­restres et marines effec­tuées depuis près de deux siècles ne pré­sentent pas un degré de fia­bi­li­té suf­fi­sant. De plus, les mesures ter­restres souffrent du phé­no­mène des îlots de cha­leur urbains. Les mesures radio­mé­triques effec­tuées depuis une tren­taine d’an­nées par satel­lites ne pré­sentent pas une meilleure pré­ci­sion, en rai­son des cor­rec­tions d’é­mis­si­vi­té du sol et de trans­mis­sion atmosphérique.

Les mou­ve­ments rela­tifs des mers par rap­port aux terres ne per­mettent de tirer aucune conclu­sion quant au niveau des mers. Il faut donc s’en remettre aux modèles cli­ma­tiques, qui ne pré­sentent pas non plus la fia­bi­li­té dési­rée. De plus, le réchauf­fe­ment sup­po­sé de 0,5° en un siècle est uti­li­sé pour ajus­ter les modèles de pré­vi­sion. S’il est illu­soire, ceux-ci sont biaisés. 

Les gaz à effet de serre

Le tableau 1 donne les carac­té­ris­tiques des prin­ci­paux gaz à effet de serre, qui sont très dif­fé­rentes. On pré­voit que la concen­tra­tion du CO2 dou­ble­ra au cours du pro­chain siècle. Il ne faut pas oublier que le prin­ci­pal gaz à effet de serre est la vapeur d’eau, absente du tableau. Enfin, l’at­mo­sphère contient du SO2 et des pous­sières indus­trielles et volcaniques.

Gaz​ Concen­tra­tion Aug­men­ta­tion au XXe siècle Temps de résidence Effi­ca­ci­té Ori­gine
CO2 350 ppm 30 % 50 – 200 ans 1 Com­bus­tibles fos­siles, déforestation
CH4 1,70 ppm 100 % 10 ans 30 Fer­men­ta­tion anaé­ro­bie (zones côtières, maré­cages, rizières, ani­maux domestiques
N2O 300 ppb 25 % 150 ans 150 Dégra­da­tion des engrais
CFC 0,35 ppb 25 % 100 ans 16 000 Dégra­da­tion des engrais Indus­tries du froid et des plas­tiques. Pro­pul­seurs d’aérosols
O3 50 ppb 2 000 Action des UV sur O2
Tableau 1 – Prin­ci­paux gaz à effet de serre, à l’ex­cep­tion de la vapeur d’eau, qui est le prin­ci­pal gaz à effet de serre : les concen­tra­tions sont expri­mées en par­tie par mil­lion (ppm) et en par­tie par mil­liard (ppb).

Les paléoclimats

Les carottes gla­ciaires pré­le­vées dans l’An­tarc­tique et au Groen­land contiennent 150 000 ans d’ar­chives cli­ma­tiques. La tem­pé­ra­ture est déduite de la pro­por­tion des iso­topes 16 et 18 de O2, tan­dis que l’a­na­lyse des bulles donne la concen­tra­tion de CO2 et de CH4. La figure 2 se réfère à la tem­pé­ra­ture et à la concen­tra­tion de CO2. Les rela­tions entre ces deux courbes donnent à pen­ser que celle-ci résulte de celle-là.

Le CO2 est d’au­tant plus soluble dans l’eau de mer que la tem­pé­ra­ture est plus basse, d’où résulte un effet de rétro­ac­tion posi­tive de l’ef­fet sur la cause : tout refroi­dis­se­ment ou réchauf­fe­ment ini­tial se trouve donc ampli­fié. Les varia­tions de tem­pé­ra­ture sont dues aux fluc­tua­tions des para­mètres de l’or­bite de la Terre : obli­qui­té, excen­tri­ci­té et pré­ces­sion des équi­noxes. On y retrouve les mêmes périodes d’en­vi­ron 100 000, 40 000 et 20 000 ans.

Ce pro­ces­sus rap­pelle les oscil­la­tions de relaxa­tion d’un sys­tème non linéaire à réac­tion posi­tive sou­mis au for­çage des varia­tions de l’in­so­la­tion. Le cli­mat change brus­que­ment quand cer­tains seuils sont fran­chis. Il y a 10 000 ans, ce régime instable a été rem­pla­cé par un mode auto­ré­gu­lé domi­né par des rétro­ac­tions néga­tives. C’est aus­si à cette époque que remontent l’a­gri­cul­ture et la civilisation. 

Le cycle du carbone

FIGURE 2 – Varia­tions de la concen­tra­tion du gaz car­bo­nique dans l’atmosphère et de la tem­pé­ra­ture depuis 160 000 ans.

La figure 3 montre la répar­ti­tion du car­bone dans l’at­mo­sphère, dans l’o­céan, sur les conti­nents et dans les sédi­ments. Le car­bone de l’o­céan se trouve sur­tout sous forme de car­bo­nates, qui pro­viennent en grande par­tie des coquilles des orga­nismes marins. Entre l’at­mo­sphère et l’o­céan d’une part, l’at­mo­sphère et la bio­sphère conti­nen­tale d’autre part se pro­duisent des échanges consi­dé­rables de car­bone, de l’ordre de 100 Gt/an dans les deux sens, sous l’ef­fet des fluc­tua­tions sai­son­nières et géographiques.

Les connais­sances actuelles ne per­mettent pas d’en faire le bilan. Les fluc­tua­tions sai­son­nières résultent de la varia­tion de la concen­tra­tion du CO2 avec la tem­pé­ra­ture, cor­ri­gée de l’ef­fet des vents et l’ac­ti­vi­té bio­lo­gique. Le flux net mani­feste des écarts entre déga­ge­ment et pom­page de CO2, qui changent de signe avec les sai­sons. On ne sait pas en faire le bilan. Mais il faut noter le rôle bio­lo­gique de la couche super­fi­cielle de l’o­céan, en par­ti­cu­lier des mers peu pro­fondes et des zones côtières, qu’il faut abso­lu­ment évi­ter de polluer. 

Les courants marins (figure 4)

Quand l’eau salée s’é­va­pore, elle devient plus salée et donc plus lourde, mais, tant qu’elle est chaude, elle reste en sur­face. Dans l’At­lan­tique, elle remonte vers le nord en cédant sa cha­leur à l’at­mo­sphère. Par­ve­nue au Groen­land, elle est froide et plonge vers le fond, cir­cule vers le sud et remonte le long des côtes de l’o­céan Indien et du Paci­fique. Puis elle remonte en sur­face et retourne vers l’ouest. Ce cycle dure de 500 à 1 000 ans. Les eaux super­fi­cielles réchauffent les eaux pro­fondes, ce qui revient à sous­traire à l’at­mo­sphère une par­tie de la cha­leur pro­duite par effet de serre.

Ce régime géné­ral des cou­rants marins peut se trou­ver per­tur­bé. Ain­si, le réchauf­fe­ment met­tant fin à la der­nière gla­cia­tion, com­men­cé il y a 18 000 ans, a été inter­rom­pu pen­dant mille ans il y a 12 000 ans par un afflux d’eau douce dans l’At­lan­tique, pro­ve­nant peut-être de la décharge acci­den­telle d’un grand lac. La plon­gée des eaux chaudes est des­cen­due plus au sud, de sorte que l’air arc­tique souf­flant vers l’est a appor­té du froid à l’Eu­rope (refroi­dis­se­ment du Dryas récent).

De nos jours, le cou­rant froid de Hum­boldt, qui longe la côte du Pérou, est rem­pla­cé deux ou trois fois par décen­nie, par un petit cou­rant chaud appe­lé cou­rant del Niño (de l’En­fant Jésus). Ce phé­no­mène local est lié à « l’os­cil­la­tion aus­trale », qui affecte tout le Paci­fique équa­to­rial et se tra­duit par une inver­sion des vents, des cou­rants, des tem­pé­ra­tures et des pluies. Les années nor­males, il pleut en Indo­né­sie et en Aus­tra­lie du Nord ; les années El Niño, on observe des pluies, et même des typhons, à l’est du Paci­fique et sur les côtes et les déserts d’A­mé­rique du Sud. Cette oscil­la­tion entraîne une dif­fé­rence de plu­sieurs déci­mètres entre les niveaux des eaux des deux côtés du Pacifique. 

Le cycle de l’eau

FIGURE 3 – Bilan du car­bone : les réserves sont expri­mées en Gt (giga­tonnes ou mil­liards de tonnes), les flux en Gt par an.
Bilan du carbone sur la terre

L’at­mo­sphère contient 1 500 Gt de vapeur d’eau. L’é­va­po­ra­tion des mers croît avec la tem­pé­ra­ture et entraîne un effet de serre accru : réac­tion posi­tive. La vapeur d’eau donne des nuages. À haute alti­tude se forment des cir­rus blancs très réflé­chis­sants (effet refroi­dis­sant), qui pro­duisent aus­si un effet de serre réchauf­fant. À basse alti­tude, on observe des cumu­lus sombres qui pro­duisent un effet de serre réchauf­fant, mais arrêtent la lumière solaire (effet refroidissant).

On ne connaît pas le bilan de ces effets contraires. Notons qu’un accrois­se­ment de réflec­ti­vi­té de 2 % suf­fi­rait à com­pen­ser le dou­ble­ment de la concen­tra­tion du CO2. Il faut encore tenir compte des effets des pous­sières indus­trielles et vol­ca­niques, ain­si que des aéro­sols, qui jouent le rôle de germes pour la for­ma­tion des nuages. Les effets com­bi­nés des nuages et des aéro­sols sou­frés et car­bo­nés pour­raient même pro­duire un refroi­dis­se­ment supé­rieur au réchauf­fe­ment dû aux gaz à effet de serre (voir le numé­ro de Pour la Science de juin 1996 sur l’atmosphère).

La végétation

La végé­ta­tion consti­tue un impor­tant réser­voir de car­bone : 500 Gt dans la bio­masse, 1 500 dans le sol, contre 700 dans l’at­mo­sphère. Outre ses effets sur l’hu­mi­di­té, la réten­tion des eaux, le cli­mat plus tem­pé­ré etc., la végé­ta­tion absorbe du CO2 par pho­to­syn­thèse pour en extraire le car­bone dont elle a besoin, ce qui réduit la concen­tra­tion du CO2 et donc l’ef­fet de serre. Mais c’est la végé­ta­tion en crois­sance, et notam­ment la forêt en crois­sance, qui absorbe le CO2.

Le bilan en CO2 d’une forêt mature, comme d’ailleurs son bilan en oxy­gène, est nul. Il faut donc exploi­ter les forêts ; c’est ce qu’il faut entendre par le « déve­lop­pe­ment durable » prô­né à Rio. Il est faux de pré­tendre que les forêts tro­pi­cales sont le « pou­mon de la pla­nète?. L’oxy­gène de l’at­mo­sphère est pro­duit prin­ci­pa­le­ment par les microalgues, et acces­soi­re­ment par les plantes en crois­sance et d’autres effets. Il fau­drait rem­pla­cer par­tout la des­truc­tion des forêts, sur­tout par brû­lage, par la syl­vi­cul­ture. Il fau­drait défi­nir dans les forêts tro­pi­cales deux parts : une forêt culti­vée et une forêt « sau­vage » ser­vant de réserve biologique. 

Conclusion pour le gaz carbonique

FIGURE 4 – Cycle très sché­ma­ti­sé des cou­rants océa­niques : les traits blancs repré­sentent des cou­rants de sur­face chauds, les traits noirs des cou­rants froids en profondeur.
Cycle des courants océaniques

La situa­tion concer­nant le CO2 est carac­té­ri­sée par l’exis­tence d’un réseau inex­tri­cable de rétro­ac­tions posi­tives et néga­tives, qui influent sur tous les fac­teurs du cli­mat. Aucune pré­vi­sion n’est pos­sible à l’heure actuelle.

L’ozone

L’o­zone est carac­té­ri­sé par sa grande rare­té : trois molé­cules d’o­zone pour dix mil­lions de molé­cules d’air. L’o­zone stra­to­sphé­rique est pro­duit par l’oxy­da­tion de l’oxy­gène par les rayons ultra­vio­lets. La couche à ozone joue le rôle d’un écran pro­tec­teur en arrê­tant une par­tie du rayon­ne­ment UV qui risque de pro­duire des can­cers de la peau et des cata­ractes. Or, pen­dant le prin­temps aus­tral, on observe, prin­ci­pa­le­ment au-des­sus de l’An­tarc­tique, une dimi­nu­tion de 60 % de la concen­tra­tion d’O3.

Cette des­truc­tion d’O3 serait due aux CFC (chlo­ro­fluo­ro­car­bones) uti­li­sés dans la réfri­gé­ra­tion, la cli­ma­ti­sa­tion, les sol­vants, la pro­pul­sion d’aé­ro­sols, etc. Leur usage a été inter­dit par le pro­to­cole de Mont­réal (1988) com­plé­té par l’a­men­de­ment de Copen­hague. On peut se deman­der pour­quoi le « trou » d’o­zone se trouve sur l’An­tarc­tique, alors que les CFC sont émis prin­ci­pa­le­ment dans l’hé­mi­sphère Nord. Les CFC se mélangent à l’at­mo­sphère, montent dans la stra­to­sphère et sont entraî­nés vers les pôles. Le pôle Sud est un conti­nent entou­ré d’eau. La tem­pé­ra­ture peut des­cendre jus­qu’à – 80 °C. Il se forme des nuages qui accé­lèrent la libé­ra­tion du chlore et la des­truc­tion de O3. Au contraire, il n’y a pas de terre au pôle Nord, la tem­pé­ra­ture est moins basse et il ne se forme pas de nuages. 

Conclusion générale

La plu­part des textes récents reviennent sur les pré­vi­sions effec­tuées il y a quelques années, sauf le rap­port de l’IPCC, qui se devait de jus­ti­fier son nom anglais. Pour l’a­ve­nir, tous les scé­na­rios sont possibles :

– nou­velle gla­cia­tion dans 60 000 ans sous l’ef­fet des fac­teurs astronomiques ;
– si l’ef­fet de serre anthro­pique existe, retour à la situa­tion d’il y a 8 000 ans, le Saha­ra rever­di­ra, quelques côtes seront inondées ;
– un début de réchauf­fe­ment amè­ne­ra un refroi­dis­se­ment, comme il y a 12 000 ans ;
– main­tien de l’ho­méo­sta­sie actuelle.

La Terre se trouve actuel­le­ment dans un bas­sin d’at­trac­tion dont la fron­tière nous est incon­nue. Le siècle n’est pas l’u­ni­té conve­nable pour étu­dier ces phé­no­mènes d’am­pleur planétaire.

Recommandations

Si l’on doit ména­ger les com­bus­tibles fos­siles, c’est d’a­bord pour les conser­ver comme matières pre­mières pour la pétro­chi­mie et la car­bo­chi­mie, et comme carburants.

On peut donc faire les recom­man­da­tions suivantes :

– amé­lio­rer la ges­tion de l’éner­gie sous toutes ses formes,
– déve­lop­per l’u­ti­li­sa­tion paci­fique de l’éner­gie nucléaire, en évi­tant les risques de pro­li­fé­ra­tion des armes nucléaires,
– pour­suivre l’é­tude du sur­ré­gé­né­ra­teur et de la fusion,
– déve­lop­per les éner­gies renou­ve­lables (solaire, éolienne, biomasse),
– évi­ter la pol­lu­tion des mers, spé­cia­le­ment des régions côtières et des mers peu profondes,
– déve­lop­per la syl­vi­cul­ture à l’é­chelle mondiale,
– rem­pla­cer le brû­lage par la sylviculture. 

Pourquoi les discours catastrophistes ?

On annonce aujourd’­hui une ère tro­pi­cale comme on annon­çait, il y a trente ans, une ère gla­ciaire. Les cher­cheurs cherchent de l’argent, les jour­na­listes un bon sujet et les poli­ti­ciens une noble cause. Le mou­ve­ment est repris par les éco­lo­gistes et ampli­fié par les médias. Les contra­dic­teurs sont mon­trés du doigt et leur car­rière est com­pro­mise. Les gens finissent par se haïr dans un com­bat entre forces du bien contre forces du mal.

Le public a soif de catas­trophes et de para­nor­mal. Dans un débat télé­vi­sé, il faut trente secondes pour pro­fé­rer une âne­rie, alors qu’il fau­drait dix minutes à un scien­ti­fique pour la réfu­ter. On assiste ain­si à une véri­table intoxi­ca­tion du public et de ses élus. 

Point de vue épistémologique

L’é­tude du cli­mat montre bien les limites de la science, qui ne sait pas étu­dier les sys­tèmes com­plexes dans les­quels s’en­che­vêtrent de nom­breuses inter­ac­tions. La science étu­die des situa­tions simples créées par l’homme qui en déduit des lois et en fait des objets tech­no­lo­giques, avec le suc­cès que l’on sait. Elle étu­die les inter­ac­tions entre quelques para­mètres, mais ne sait pas les inté­grer dans un sys­tème com­plexe comme le sys­tème cli­ma­tique. Les mil­liards du CERN et du pro­jet Génome humain ne ser­vi­ront à rien pour résoudre ce pro­blème. La cli­ma­to­lo­gie fait inter­ve­nir la phy­sique, la chi­mie et la bio­lo­gie. Il fau­drait cla­ri­fier les bilans du car­bone, de l’eau et du vivant, c’est-à-dire éva­luer de petites dif­fé­rences entre des gran­deurs par­fois énormes.

Le sys­tème cli­ma­tique met en jeu toutes les forces de la nature dans un bal­let dia­bo­lique où chaque dan­seur inter­agit avec tous les autres. Pour appré­hen­der une telle situa­tion, il ne sert pas à grand-chose de savoir qu’il existe quatre inter­ac­tions fon­da­men­tales et que l’ADN régit la répli­ca­tion des cel­lules vivantes. Muni de ces armes déri­soires devant l’am­pleur pla­né­taires des phé­no­mènes, le cli­ma­to­logue n’est pas un scien­ti­fique heureux. 

Résu­mé de la confé­rence pro­non­cée le 18 mars 1996 à l’É­cole natio­nale supé­rieure de Chi­mie de Paris, sous l’é­gide de la SEE, du CNISF et de l’IEEE. Le texte com­plet a été publié dans La Tech­nique Moderne, n° 35, 1996.

————————————————————————————————– Légende des illus­tra­tions Figure 1 – Bilan ther­mique glo­bal de la Terre, sans et avec atmo­sphère. Figure 2 – Varia­tions de la concen­tra­tion du gaz car­bo­nique dans l’at­mo­sphère et de la tem­pé­ra­ture depuis 160 000 ans. Figure 3 – Bilan du car­bone : les réserves sont expri­mées en Gt (giga­tonnes ou mil­liards de tonnes), les flux en Gt par an. Figure 4 – Cycle très sché­ma­ti­sé des cou­rants océa­niques : les traits blancs repré­sentent des cou­rants de sur­face chauds, les traits noirs des cou­rants froids en profondeur. 

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