Être juif et français

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°622 Février 2007Par : Haïm KorsiaRédacteur : Joseph Perez (02), ancien président de l’AJGE (Association des Juifs des grandes écoles)

Etre juif et français, Jacob Kaplan le rabbin de la RépubliqueLe rab­bin Haïm Kor­sia, aumô­nier israé­lite de l’armée de l’Air et de l’École poly­tech­nique vient de publier aux Édi­tions Pri­vé Être juif et fran­çais, ouvrage qui consti­tue une magni­fique somme sur la vie et l’œuvre de l’ancien grand rab­bin de France, Jacob Kaplan.

Une vie de combats

Né en 1895, com­bat­tant des deux guerres mon­diales, Jacob Kaplan fut élu pour envi­ron un quart de siècle grand rab­bin de France en 1955. Comme le sou­ligne notre Pré­sident de la Répu­blique dans sa pré­face, « toute sa vie témoigne des com­bats que les hommes de bonne volon­té ont eu à mener au cours de ce siècle », com­bats que le rab­bin Kor­sia évoque avec enthou­siasme dans son pas­sion­nant livre.

Son héroïsme en 14–18 lui vau­dra d’être nom­mé che­va­lier de la Légion d’honneur dès 1940. Les mul­tiples cita­tions de ses car­nets pri­vés montrent l’Union sacrée des reli­gions au com­bat. La car­rière de Jacob Kaplan va s’affirmer dans l’entre-deux-guerres, qui le ver­ra mobi­li­ser le rab­bi­nat fran­çais contre l’antisémitisme nais­sant en Alle­magne et éga­le­ment mili­ter pour le retour des Juifs per­sé­cu­tés en « Pales­tine » per­çu par lui comme un « grand miracle ». Pen­dant la Seconde Guerre mon­diale, il com­bat acti­ve­ment contre les dis­cri­mi­na­tions du régime de Vichy en insis­tant en per­ma­nence sur l’unité de la Nation et en impli­quant au maxi­mum et avec un cer­tain suc­cès les auto­ri­tés reli­gieuses chrétiennes.

Artisan clef des relations judéo-chrétiennes

À la fin de la Guerre, il est un arti­san clef des rela­tions judéo-chré­tiennes, notam­ment au cours de la confé­rence de See­lis­berg en 1947, pré­lude au renou­veau ulté­rieur de Vati­can II. Il ouvre le rab­bi­nat à la vie de la cité en s’impliquant acti­ve­ment dans toutes les causes de la com­mu­nau­té juive comme l’accueil des rapa­triés d’Afrique du Nord, l’affaire Fina­ly qu’il condui­ra à bon terme, le renou­veau de l’éducation juive et la for­ma­tion des rabbins.

En 1967, face au malaise de la com­mu­nau­té juive fran­çaise devant les prises de posi­tion natio­nales face à Israël, il trouve une voie médiane faite d’équilibre, de diplo­ma­tie, de convic­tion et de fer­me­té qui carac­té­rise son sou­ci per­ma­nent de res­ter « juif et fran­çais ». L’auteur de l’ouvrage décrit les péri­pé­ties mul­tiples et les dif­fi­cul­tés d’une telle posi­tion, laquelle carac­té­ri­se­ra pen­dant des décen­nies les rela­tions judéo-françaises.

L’œuvre de Jacob Kaplan se résume par­fai­te­ment dans ce pas­sage : « Il faut se connaître pour connaître l’Autre et connaître l’Autre pour se connaître ; puis ce res­pect donne la France, une France qua­si biblique, à condi­tion cepen­dant d’éviter tout syn­cré­tisme et toute dilu­tion dans une iden­ti­té natio­nale. » Cette leçon reste d’une actua­li­té remar­quable. Ouvrage à lire d’un trait.

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