Établissement public foncier de Poitou-Charentes

Dossier : Dossier FFEMagazine N°706 Juin/Juillet 2015
Par Philippe GRALL

Quels sont les moyens et processus d’action de l’EPF Poitou-Charentes ?

Éta­blis­se­ment public indus­triel et com­mer­cial de l’Etat, l’EPF est un opé­ra­teur au ser­vice de la mise en oeuvre des poli­tiques fon­cières de l’ensemble des col­lec­ti­vi­tés de la région Poi­tou-Cha­rentes. Son inter­ven­tion s’inscrit dans le cadre de conven­tions, incluant une obli­ga­tion de rachat in fine.

Finan­ciè­re­ment, il per­met à la col­lec­ti­vi­té de maî­tri­ser tem­po­rai­re­ment du fon­cier, le temps pour celle-ci de pré­ci­ser son pro­jet et poten­tiel­le­ment de rache­ter par tranches pour l’aménagement, si elle tra­vaille en régie. L’objectif est la ces­sion à un opé­ra­teur pri­vé, l’opération est « blanche » finan­ciè­re­ment pour la com­mune et elle choi­sit l’opérateur rete­nu (pro­mo­teur, entre­prise, bailleur social, amé­na­geur, etc.).

L’acquisition et la ces­sion de ter­rains sont des opé­ra­tions com­plexes, notam­ment en matière d’acquisition de bâti, de dépol­lu­tion et décons­truc­tion, de divi­sion par­cel­laire, de condi­tions à la cession.

L’EPF s’appuie sur une équipe de chefs de pro­jets qui négo­cient avec une col­lec­ti­vi­té une conven­tion com­por­tant des objec­tifs contrai­gnants pour les deux par­ties, font du repé­rage fon­cier et de l’évaluation de biens, négo­cient avec les pro­prié­taires pri­vés, réa­lisent des pré­emp­tions, des expro­pria­tions, passent des mar­chés d’interventions et d’études avec des bureaux d’études, assurent le sui­vi avec la col­lec­ti­vi­té et des éven­tuelles évo­lu­tions de pro­jet, négo­cient la ces­sion et contrôlent tous les actes afférents.

Quels sont les projets sur lesquels l’EPF intervient ?

L’EPF inter­vient sur des pro­jets d’habitat, en dif­fus, à par­tir d’une ou plu­sieurs oppor­tu­ni­tés fon­cières, ou en amé­na­ge­ment d’ensemble, dans le cadre d’une pro­cé­dure régle­men­tée. Concrè­te­ment, le pro­jet peut com­por­ter de 4 à 700 logements.

L’EPF inter­vient aus­si en faveur du déve­lop­pe­ment éco­no­mique (com­mer­cial, indus­trie, acti­vi­té ou com­merces), essen­tiel­le­ment en restruc­tu­ra­tion de fon­cier aban­don­né, désaf­fec­té ou pol­lué. La même éner­gie est appli­quée à un pro­jet visant la pro­duc­tion de plu­sieurs dizaines de loge­ments en coeur de villes comme Royan ou Angou­lême en renou­vel­le­ment urbain, que pour la réha­bi­li­ta­tion d’une usine aban­don­née ou d’un com­merce en coeur d’un bourg de 200 habitants.

Votre territoire d’intervention couvre des zones urbaines et rurales. Une stratégie globale de développement durable y est-elle applicable ?

Un EPF d’Etat s’adapte aux spé­ci­fi­ci­tés des col­lec­ti­vi­tés de son ter­ri­toire de com­pé­tence et a capi­ta­li­sé un savoir-faire performant.

En zone ten­due sur le lit­to­ral, les opé­ra­tions béné­fi­cient d’une éco­no­mie favo­rable, mais le coût du fon­cier est très éle­vé. Notre vigi­lance porte sur le coût de sor­tie des pro­jets pour les ménages accédants.

En zone déten­due, le fon­cier peut s’acheter par­fois très peu cher, mais l’équilibre des pro­grammes est dif­fi­cile face à la concur­rence de la mai­son indi­vi­duelle, un modèle très fran­çais ren­for­cé par un contexte ins­ti­tu­tion­nel, finan­cier et fis­cal favorable.

En 40 ans, l’urbanisation des sols natu­rels et agri­coles pour l’habitat a plus que dou­blé. Cette dyna­mique doit être enrayée à tra­vers une action vigou­reuse sur le renou­vel­le­ment urbain struc­tu­rel ou en dif­fus contri­buant mas­si­ve­ment à la tran­si­tion énergétique.

L’objectif est de déve­lop­per une muta­tion urbaine inté­grant plei­ne­ment l’urgence du déve­lop­pe­ment durable réel du ter­ri­toire, à tra­vers le recy­clage urbain. Donc, oui, une stra­té­gie glo­bale de déve­lop­pe­ment durable doit et peut être enga­gée tant dans une grande ville que dans un village.

Avec une densité moyenne de population plutôt en deçà du taux national, comment la question de la rénovation urbaine se pose-t-elle en Poitou-Charentes ?

La réno­va­tion urbaine n’est pas liée uni­que­ment à la den­si­té. La concré­ti­sa­tion de la tran­si­tion éner­gé­tique, comme le déve­lop­pe­ment durable des ter­ri­toires, imposent une action forte de recy­clage et de requa­li­fi­ca­tion urbaine dans des ter­ri­toires hété­ro­gènes. Sans inter­ve­nir sur le parc social public, nos pro­jets sont dans les centres anciens de villes de toute taille.

Nous appli­quons des modèles éla­bo­rés par l’AN­RU au niveau d’î­lots dégra­dés cohé­rents et mon­tons des actions fon­cières de requa­li­fi­ca­tion urbaine pour per­mettre aux col­lec­ti­vi­tés d’al­ler plus loin avec d’autres moyens effi­caces et opé­ra­tion­nels com­plé­men­taires des mesures inci­ta­tives que peut par­fois appor­ter l’A­NAH dans le cadre de son for­ma­lisme propre. La réno­va­tion urbaine, au sens propre, concerne pour nous tous les ter­ri­toires : trai­ter une friche à Cognac, une copro­prié­té com­mer­ciale vacante dans le centre pié­ton de Niort ou des loge­ments vacants au-des­sus des com­merces à Barbezieux.

Nous sommes au cœur de la réno­va­tion urbaine de ter­ri­toires n’ayant pas for­cé­ment beau­coup de moyens tech­niques et finan­ciers. C’est l’a­ve­nir de la réno­va­tion urbaine de démul­ti­plier la mobi­li­sa­tion mise en œuvre dans cer­tains quar­tiers « poli­tique de la ville », par une ingé­nie­rie nou­velle per­met­tant aux ter­ri­toires de déve­lop­per leur attrac­ti­vi­té tant éco­no­mique que rési­den­tielle et de contri­buer acti­ve­ment à la limi­ta­tion de l’é­ta­le­ment urbain et de la consom­ma­tion de terres agricoles.

En cela, les par­te­na­riats avec l’A­DEME, la DREAL et la DRAAF ou la SAFER sont extrê­me­ment efficaces.

Qui sont vos partenaires privilégiés ?

Les pre­miers par­te­naires sont les élus locaux, les EPCI, mais aus­si les ser­vices décon­cen­trés de l’E­tat, ses agences et les Conseils dépar­te­men­taux et régio­nal. L’EPF déve­loppe des rela­tions avec les bailleurs et les pro­mo­teurs immo­bi­liers et commerciaux.

De manière géné­rale, le Conseil d’ad­mi­nis­tra­tion de l’EPF devient pro­gres­si­ve­ment un lieu fort de réflexion et de stra­té­gie sur la ques­tion fon­cière dans la Région.

Qu’en est-il du financement ?

L’EPF est finan­cé par la taxe spé­ciale d’é­qui­pe­ment et l’emprunt. Le pro­duit des ces­sions, au cœur du modèle éco­no­mique et finan­cier, ali­mente le fond de rou­le­ment : la rota­tion des stocks sur le moyen terme est la clé de sa soutenabilité.

La fis­ca­li­té s’é­lève en moyenne à 5€ par habi­tant et par an, soit un niveau des plus faibles des EPF (baisse de 20 % en 2015) bien en des­sous du pla­fond natio­nal de 20 €.

Quelles sont vos priorités à moyen et long termes ?

Accroître l’ef­fi­ca­ci­té de l’in­gé­nie­rie et de l’ex­pé­rience mutua­li­sée appor­tées aux col­lec­ti­vi­tés dans leurs pro­jets et dans leur vision, leur appor­ter des moyens de renou­vel­le­ment urbain très opé­ra­tion­nels, et paral­lè­le­ment appro­fon­dir les équi­libres d’o­pé­ra­tions pour réus­sir à trou­ver des moyens d’op­ti­mi­sa­tion tech­nique et financière.

Par exemple, il convien­drait d’op­ti­mi­ser des règles diverses très locales allant de contraintes par­fois anti-éco­no­miques de PLUs qui pèsent sur le coût de sor­tie des loge­ments pour les accé­dants, à un nombre de places de sta­tion­ne­ment trop impor­tant ou des contraintes d’as­sai­nis­se­ment très conservatrices.

Un autre exemple por­te­ra sur un dia­logue appro­fon­di avec les pro­mo­teurs immo­bi­liers qui doivent adap­ter leur modèle, notam­ment finan­cier, pour répondre à une demande de loge­ments abor­dables adap­tée aux res­sources et à la sol­va­bi­li­té des ménages, quel que soit le territoire.

Deuxième prio­ri­té forte, appuyer le recy­clage de friches, la réha­bi­li­ta­tion de tis­sus urbains anciens en voie de dégra­da­tion, l’in­té­gra­tion urbaine de ter­ri­toires en dif­fi­cul­té. La « requa­li­fi­ca­tion des centre-bourgs » est une der­nière prio­ri­té forte, car très dif­fi­cile pour les élus et nos conci­toyens, tant sur le plan tech­nique qu’é­co­no­mique. C’est une des clés de la cohé­sion sociale de notre République.

En syn­thèse, trois prio­ri­tés : loge­ment abor­dable, requa­li­fi­ca­tion de centre-bourgs et réno­va­tion urbaine.

L’EPF POITOU – CHARENTES EN BREF

L’Établissement public fon­cier de Poi­tou- Cha­rentes (EPF) inter­vient en étude, stra­té­gie et action fon­cière aux côtés des col­lec­ti­vi­tés locales pour contri­buer au recy­clage fon­cier et à la lutte contre l’é­ta­le­ment urbain en faveur du déve­lop­pe­ment de l’offre de loge­ment et du déve­lop­pe­ment éco­no­mique local.

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