Emploi et nouvelles technologies

Dossier : Dossier emploiMagazine N°542 Février 1999
Par Bernard BRUNHES (58)

1. Les conséquences de l’automatisation

1. Les conséquences de l’automatisation

Depuis le début de l’in­dus­tria­li­sa­tion, les entre­prises n’ont ces­sé de recher­cher et d’a­dap­ter les nou­velles tech­no­lo­gies et de mettre en œuvre de nou­velles tech­niques. Les phases suc­ces­sives de la révo­lu­tion indus­trielle se sont toutes tra­duites par le rem­pla­ce­ment de la force humaine et de l’ha­bi­le­té de l’homme par celles des machines. Mais l’in­for­ma­ti­sa­tion a accé­lé­ré cette évo­lu­tion. L’aug­men­ta­tion de la puis­sance et de la vitesse de cal­cul des pro­ces­seurs, leur minia­tu­ri­sa­tion conduisent à un accrois­se­ment de « l’in­tel­li­gence » des machines et étend leur capa­ci­té à rem­pla­cer l’être humain.

Les pro­grès de pro­duc­ti­vi­té sont consi­dé­rables, ce qui réduit rapi­de­ment la demande de tra­vail non qua­li­fié ou peu qua­li­fié. Mais à l’in­verse, la concep­tion des outils, le contrôle et le sui­vi des pro­ces­sus de pro­duc­tion, la logis­tique et la conduite des pro­jets exigent une com­pé­tence et sur­tout une fia­bi­li­té telles que les tech­ni­ciens capables de les assu­rer sont très deman­dés et reçoivent des rému­né­ra­tions éle­vées. Il en résulte un élar­gis­se­ment de l’é­ven­tail des rému­né­ra­tions et la coexis­tence d’un chô­mage éle­vé pour les uns et d’une sur­ac­ti­vi­té, bien rému­né­rée, pour les autres.

Dans l’in­dus­trie manu­fac­tu­rière, les nou­velles tech­no­lo­gies réduisent les effec­tifs d’ou­vriers peu qua­li­fiés. Ce phé­no­mène n’est bien enten­du pas nou­veau, mais il atteint des pro­por­tions nou­velles. On parle plus sou­vent de la délo­ca­li­sa­tion des emplois que de l’au­to­ma­ti­sa­tion. Mais en fait le risque de délo­ca­li­sa­tion vers des pays à bas salaires ne fait qu’am­pli­fier un phé­no­mène interne aux éco­no­mies indus­trielles. Il est vrai que les sta­tis­tiques sur­es­timent la baisse des emplois dans l’in­dus­trie manu­fac­tu­rière : il y a simul­ta­né­ment créa­tion d’emplois ter­tiaires (de concep­tion, d’in­for­ma­tique, de mar­ke­ting, etc.) insé­pa­rables de l’ac­ti­vi­té de pro­duc­tion, mais sous-trai­tés ou exter­na­li­sés. Néan­moins la baisse du nombre d’emplois non qua­li­fiés se fait à un rythme trop rapide pour que d’autres pos­si­bi­li­tés d’emplois s’y substituent.

En outre, l’au­to­ma­ti­sa­tion touche aus­si depuis les années 80 le sec­teur des ser­vices de masse : banques, assu­rances, orga­nismes de sécu­ri­té sociale, etc. Les per­son­nels admi­nis­tra­tifs de ces sec­teurs, dont la logique de pro­duc­tion peut être assi­mi­lée à celle des ouvriers de l’in­dus­trie manu­fac­tu­rière (faible qua­li­fi­ca­tion, gestes auto­ma­tiques qui peuvent main­te­nant être réa­li­sés par des ordi­na­teurs, fonc­tion­ne­ment tay­lo­rien, ate­liers col­lec­tifs, etc.) se trouvent dans la même situa­tion. Les emplois dis­pa­raissent, au fur et à mesure que les pro­grès tech­niques per­mettent aux machines de s’y sub­sti­tuer. Les banques ou les socié­tés d’as­su­rances créent d’autres types d’emploi ; mais des emplois com­mer­ciaux qui exigent des com­pé­tences que les employés admi­nis­tra­tifs n’ont guère.

La dis­pa­ri­tion des emplois peu qua­li­fiés dans l’in­dus­trie manu­fac­tu­rière et dans les ser­vices de masse devrait être com­pen­sée en par­tie par la créa­tion d’emplois dans les ser­vices aux per­sonnes. Les socié­tés euro­péennes ont aujourd’­hui besoin de ser­vices de soins, d’ac­cueil, de pro­tec­tion et de sécu­ri­té, de garde d’en­fants, d’ac­com­pa­gne­ment des per­sonnes âgées, de pré­ser­va­tion de l’en­vi­ron­ne­ment, de loi­sirs et de culture. À ces besoins nou­veaux des pro­duc­teurs de ser­vices peuvent répondre, à condi­tion que la demande soit sol­vable. Où trou­ver l’argent ? Dans les gains de pro­duc­ti­vi­té réa­li­sés dans l’in­dus­trie et les grands ser­vices qui lui sont liés. Mais les cir­cuits finan­ciers qui per­met­traient que les gains de pro­duc­ti­vi­té géné­rés par l’au­to­ma­ti­sa­tion aillent vers les pro­duc­teurs de ser­vices aux per­sonnes n’existent pas ou pas suf­fi­sam­ment. Si ces cir­cuits exis­taient, les pertes d’emplois non qua­li­fiés pour­raient être com­pen­sées par les créa­tions d’emplois de services.

Ces ser­vices peuvent être soit mar­chands, c’est-à-dire payés par les consom­ma­teurs, soit non mar­chands, c’est-à-dire mis gra­tui­te­ment à la dis­po­si­tion des consom­ma­teurs, donc finan­cés par l’im­pôt, soit encore mixtes. Dans le pre­mier cas, il fau­drait que les consom­ma­teurs soient prêts à payer le vrai prix ; mais, habi­tués à l’É­tat-pro­vi­dence, les citoyens euro­péens ne l’ac­ceptent pas ou ne le peuvent pas. Dans le second cas, il fau­drait accroître le pré­lè­ve­ment fis­cal, ce que les citoyens n’ac­ceptent plus. Faute de ser­vices suf­fi­sants, les pro­blèmes sociaux s’ag­gravent ; faute d’emplois dans ce domaine, le chô­mage ne se réduit pas.

La dis­pa­ri­tion de nom­breux emplois non qua­li­fiés s’ac­com­pagne de la créa­tion de nou­velles qua­li­fi­ca­tions et com­pé­tences. L’é­du­ca­tion et la for­ma­tion deviennent ain­si une prio­ri­té. La for­ma­tion ini­tiale ne suf­fit plus. Parce que la tech­no­lo­gie et les mar­chés ne cessent d’é­vo­luer, la for­ma­tion conti­nue est néces­saire à cha­cun, tout au long de sa vie, pour pré­ser­ver son employabilité.

L’employabilité est la capa­ci­té pour un tra­vailleur de pré­ser­ver, de trou­ver ou de retrou­ver sa place sur le mar­ché du tra­vail. Or, l’é­vo­lu­tion tech­no­lo­gique et éco­no­mique contraint à l’a­dap­ta­tion permanente.

Cette prio­ri­té de l’employabilité concerne l’in­di­vi­du lui-même (qui sait qu’il chan­ge­ra plu­sieurs fois de tech­nique, de fonc­tion, de métier, d’employeur dans sa vie et qu’il lui faut pré­pa­rer son ave­nir par la for­ma­tion per­ma­nente), l’en­tre­prise (qui a le devoir de pré­ser­ver l’employabilité de ses tra­vailleurs en leur don­nant la pos­si­bi­li­té de se for­mer en per­ma­nence), l’É­tat (qui est res­pon­sable de la for­ma­tion ini­tiale et de l’ap­pui à ceux qui n’ont pu se main­te­nir à flot et se reconvertir).

2. La révolution des communications

La plus impor­tante des consé­quences du déve­lop­pe­ment des nou­velles tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion dans les entre­prises est le bou­le­ver­se­ment qu’elles ont entraî­né dans la com­mu­ni­ca­tion au sein de l’en­tre­prise et avec son environnement.

Les méthodes de mana­ge­ment en ont été et en seront encore dura­ble­ment et défi­ni­ti­ve­ment affec­tées. Comme la com­mu­ni­ca­tion entre les acteurs au sein de l’en­tre­prise n’est plus pri­son­nière du papier, mais cir­cule de façon très libre, non ou peu contrô­lée par les éche­lons hié­rar­chiques, à tra­vers les réseaux infor­ma­tiques et le cour­rier élec­tro­nique, la hié­rar­chie perd un pou­voir qu’elle déte­nait pour l’es­sen­tiel de sa capa­ci­té à rete­nir et à modi­fier l’in­for­ma­tion mon­tante ou des­cen­dante. Chaque sala­rié de l’en­tre­prise peut com­mu­ni­quer avec tous les autres et il se crée des rela­tions de tra­vail hori­zon­tales et trans­ver­sales. Comme les tâches de pure exé­cu­tion ne néces­si­tant aucune ini­tia­tive sont main­te­nant auto­ma­ti­sées, les tra­vailleurs sont appe­lés à être réac­tifs, à être capables de répondre eux-mêmes à l’im­pré­vu et à déci­der eux-mêmes plu­tôt qu’à réa­li­ser des gestes auto­ma­tiques. Pour cela, ils ont besoin de dis­po­ser d’in­for­ma­tions mul­tiples que leur four­ni­ra le réseau auquel ils sont liés : en quelque sorte, le réseau de com­mu­ni­ca­tion se sub­sti­tue à la hié­rar­chie, les diri­geants agis­sant moins par voie de direc­tives et d’ins­truc­tions que par des pro­jets et des objec­tifs. Les rela­tions au sein de l’en­tre­prise prennent un carac­tère contrac­tuel : cha­cun s’en­gage à l’é­gard de ses par­te­naires sur des résul­tats, une qua­li­té, des délais.

Il est plus dif­fi­cile aujourd’­hui de tra­cer les contours d’une entre­prise. En effet les rela­tions contrac­tuelles qui se créent au sein de l’en­tre­prise ne dif­fèrent guère de celles qui existent entre deux entre­prises. À la limite, peu importe pour le sala­rié d’un bureau ou d’un ate­lier que son cor­res­pon­dant appar­tienne ou non à la même firme : de toute façon, il est en contrat avec lui. C’est ain­si que se sont déve­lop­pées toutes les formes d’ex­ter­na­li­sa­tion qui font de l’en­tre­prise un être éco­no­mique et juri­dique aux contours flous. L’en­tre­prise ne se com­porte plus comme une enti­té close, avec ses diri­geants et ses sala­riés, enfer­mée dans ses murs, mais comme un élé­ment par­mi d’autres au sein d’une chaîne com­plexe dont les maillons sont reliés entre eux par des contrats. Elle concentre sa propre acti­vi­té sur son métier cen­tral. Elle exter­na­lise ce qui n’est pas au cœur de sa pro­duc­tion. C’est la course à l’ex­ter­na­li­sa­tion sous toutes ses formes (out­sour­cing, faci­li­ty mana­ge­ment, main­te­nance sous-trai­tée, recours crois­sant au tra­vail inté­ri­maire, self-employ­ment).

Une consé­quence impor­tante du déve­lop­pe­ment des sys­tèmes de com­mu­ni­ca­tion modernes est la géné­ra­li­sa­tion du « juste à temps » dans l’en­semble des acti­vi­tés de pro­duc­tion et de tran­sac­tion. Une par­tie impor­tante des tra­vailleurs de l’in­dus­trie et des ser­vices est concer­née par les consé­quences de ces chan­ge­ments de rythme dans les modes de pro­duc­tion et d’é­change. L’ac­cent mis sur les délais conduit à des ten­sions au sein des équipes de pro­duc­tion dès qu’il y a un inci­dent ou une urgence. Il en résulte une péni­bi­li­té d’un type nou­veau, par­ti­cu­liè­re­ment sen­sible chez les mana­gers. Le juste à temps n’est pos­sible que parce qu’il existe des moyens de com­mu­ni­ca­tion qui l’ont per­mis. Les entre­prises indus­trielles ont com­men­cé à tra­vailler en flux ten­dus – c’est-à-dire sans stocks – dès lors que les tran­sac­tions entre four­nis­seur et uti­li­sa­teur pou­vaient être trai­tées ins­tan­ta­né­ment. L’ex­ten­sion du juste à temps à toutes les tran­sac­tions au sein et hors de l’en­tre­prise a été ren­due pos­sible par les mes­sa­ge­ries élec­tro­niques et les télé­phones cellulaires.

L’une des pre­mières qua­li­tés de l’en­tre­prise est aujourd’­hui la réac­ti­vi­té, c’est-à-dire la capa­ci­té à répondre sans délai à des évé­ne­ments tou­chant aus­si bien les mar­chés que les tech­niques de pro­duc­tion. Cette réac­ti­vi­té impose des modes de fonc­tion­ne­ment souples et décen­tra­li­sés. Elle implique aus­si la flexi­bi­li­té : celle-ci peut être soit une flexi­bi­li­té interne (temps de tra­vail, mobi­li­té pro­fes­sion­nelle, poly­va­lence, pas­se­relles entre les qua­li­fi­ca­tions, mobi­li­té géo­gra­phique), soit une flexi­bi­li­té externe (contrats de tra­vail tem­po­raires, faci­li­tés de licen­cie­ments et plus géné­ra­le­ment sou­plesse des contrats de tra­vail), soit encore cette forme inter­mé­diaire de flexi­bi­li­té que consti­tuent l’ex­ter­na­li­sa­tion des acti­vi­tés et la sous-trai­tance. Or, cette flexi­bi­li­té externe est source de pré­ca­ri­té et donc de chô­mage, d’ex­clu­sion, de malaise social : il faut que les entre­prises soient mises en situa­tion de pré­fé­rer sys­té­ma­ti­que­ment la flexi­bi­li­té interne. Il faut que des poli­tiques d’employabilité fassent obs­tacles à la pré­ca­ri­sa­tion qu’en­traîne la flexi­bi­li­té externe. Il faut que la légis­la­tion mette de l’ordre dans les pro­ces­sus d’ex­ter­na­li­sa­tion. Si la flexi­bi­li­té et la pré­ca­ri­té deviennent syno­nymes, les socié­tés euro­péennes n’ac­cep­te­ront plus les poli­tiques de flexi­bi­li­té pour­tant néces­saires conduites par les entreprises.

3. Des inégalités nouvelles

Dans son ouvrage Work of nations, le pro­fes­seur Robert Reich, ancien ministre amé­ri­cain du Tra­vail, dis­tingue, au sein de l’é­co­no­mie amé­ri­caine, quatre caté­go­ries de tra­vailleurs. Il y a d’a­bord ce qu’il appelle les « mani­pu­la­teurs de sym­boles ». Le pro­duit de leur tra­vail, ce sont des idées ou des infor­ma­tions. Leurs outils sont les nou­veaux outils tech­no­lo­giques et notam­ment Inter­net. Puis viennent les ensei­gnants, les per­son­nels de san­té, etc., tous ceux qui jouent un rôle de ser­vice public. Troi­sième caté­go­rie : les ser­vices aux par­ti­cu­liers, qui ne sont pas des rouages dans des machines à pro­duire du bien ou du ser­vice mais sont en rela­tion directe avec le consom­ma­teur. Enfin le qua­trième quart est consti­tué des tra­vailleurs « rou­ti­niers », ouvriers d’u­sines ou employés fai­sant un tra­vail répétitif.

Les mani­pu­la­teurs de sym­boles ont tout à gagner à la mon­dia­li­sa­tion. Les der­niers ont tout à perdre : ils peuvent être faci­le­ment rem­pla­cés par des ouvriers ou des employés de pays à bas salaires. Les deux autres caté­go­ries se déve­lop­pe­ront plus ou moins sui­vant les déci­sions prises par les pou­voirs publics et la capa­ci­té d’a­dap­ta­tion de l’é­co­no­mie. Les ser­vices aux per­sonnes se déve­lop­pe­ront si des mesures sont prises dans ce sens. Quant aux fonc­tions de la seconde caté­go­rie – ensei­gne­ment, san­té, etc. – elles sont en crise dans tous les pays euro­péens. Leur ave­nir dépend du choix qui est fait en ce qui concerne leur financement.

L’ef­fet de la mon­dia­li­sa­tion, selon cette ana­lyse, est donc clair. Les uns tirent avan­tage de la mon­dia­li­sa­tion. Dans cette caté­go­rie des « mani­pu­la­teurs de sym­boles », la qua­li­té et la fia­bi­li­té de la pres­ta­tion n’ont pas de prix et les salaires peuvent atteindre des niveaux très éle­vés. Les rou­ti­niers ont tout à perdre dans les pays industriels.

L’in­ter­na­tio­na­li­sa­tion et l’in­ten­si­fi­ca­tion de la concur­rence au plan mon­dial sont une consé­quence directe de l’ins­tan­ta­néi­té et du faible coût de la com­mu­ni­ca­tion. Dès lors que l’on peut don­ner des ordres finan­ciers ins­tan­ta­né­ment à des dizaines de mil­liers de kilo­mètres de dis­tance, les tran­sac­tions, qu’elles soient finan­cières, moné­taires, com­mer­ciales ou d’é­changes de don­nées, changent de nature et font de la pla­nète entière un mar­ché unique.

Les grands groupes inter­na­tio­naux dépendent d’in­ves­tis­seurs dont les prin­ci­pales pré­oc­cu­pa­tions sont finan­cières et non pas indus­trielles. Les grandes déci­sions d’ou­ver­ture ou de fer­me­ture de sites de pro­duc­tion, de spé­cia­li­sa­tion des sites, de déve­lop­pe­ment ou de réduc­tion sont prises loin des sites de pro­duc­tion eux-mêmes, par des déci­deurs qui peuvent n’a­voir aucune infor­ma­tion autre que finan­cière sur les consé­quences de ces déci­sions. L’é­loi­gne­ment fait qu’ils s’en pré­oc­cupent peu. Sur place en revanche, la ges­tion de l’u­sine ou des bureaux, le mana­ge­ment des res­sources humaines, la ges­tion de l’emploi, la for­ma­tion, les rému­né­ra­tions sont réa­li­sés de façon beau­coup plus décen­tra­li­sée que dans le pas­sé. Le res­pon­sable local a tous les pou­voirs…, sauf que des déci­deurs inter­na­tio­naux ont un pou­voir de vie et de mort sur le site. Les tra­vailleurs, mais aus­si tout leur envi­ron­ne­ment admi­nis­tra­tif, poli­tique, social, éco­no­mique se sentent tra­his lorsque des déci­sions de fer­me­ture sont prises, alors que le mana­ge­ment du site jouait le jeu du déve­lop­pe­ment local. Les auto­ri­tés publiques sont trop sou­vent impuis­santes devant de telles déci­sions. C’est un des para­doxes de la glo­ba­li­sa­tion que cette coexis­tence de deux pou­voirs éco­no­miques sur les hommes : un pou­voir loin­tain et aveugle et un pou­voir proche mais sus­cep­tible d’être bru­ta­le­ment remis en cause.

Mon­dia­li­sa­tion et nou­velles tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion : ce sont deux phé­no­mènes insé­pa­rables qui ont conduit et condui­ront plus encore dans l’a­ve­nir les entre­prises euro­péennes à modi­fier pro­fon­dé­ment leur orga­ni­sa­tion et leur mode de fonc­tion­ne­ment. L’ap­pa­ri­tion et le déve­lop­pe­ment des nou­velles tech­no­lo­gies ont ren­du pos­sible l’ac­tuelle mon­dia­li­sa­tion de l’é­co­no­mie. Dès lors que les com­mu­ni­ca­tions entre les centres de déci­sion sont ins­tan­ta­nées et peu coû­teuses, les déci­sions d’in­ves­tis­se­ment ne sont plus limi­tées à un pays ou à une région. Dès lors que la socié­té de l’in­for­ma­tion rem­place la socié­té de pro­duc­tion indus­trielle de masse, c’est-à-dire où ce qui fait la richesse d’une entre­prise ou d’une socié­té est sa capa­ci­té à gérer, trans­for­mer, par­ta­ger, dif­fu­ser des don­nées, la loca­li­sa­tion des entre­prises et des pro­duc­tions perd une grande par­tie de son importance.

La concur­rence achar­née que se livrent les entre­prises au plan inter­na­tio­nal a pour effet de leur inter­dire de « prendre leur temps », c’est-à-dire de régler en dou­ceur l’a­dap­ta­tion pro­gres­sive de leurs pro­duits et de leurs pro­ces­sus de pro­duc­tion et de com­mer­cia­li­sa­tion. L’a­dap­ta­tion est bru­tale, parce que dans la com­pé­ti­tion inter­na­tio­nale, celui qui prend du retard est vite dis­tan­cé. Les niveaux éle­vés de chô­mage et les crises sociales qui frappent les pays d’Eu­rope occi­den­tale s’ex­pliquent par l’im­pos­si­bi­li­té dans laquelle ils sont d’as­su­rer en dou­ceur les adap­ta­tions aux nou­velles tech­no­lo­gies. Un pays qui cher­che­rait à s’a­bri­ter der­rière ses fron­tières pour prendre le temps d’a­dap­ter ses struc­tures éco­no­miques et sociales serait vite rat­tra­pé par la pres­sion de l’é­co­no­mie mondiale.

Poster un commentaire