Editorial

Dossier : Le dossier nucléaireMagazine N°569 Novembre 2001
Par Christian PIERRET

L” accès à l’éner­gie est une pré­oc­cu­pa­tion majeure dans un contexte où la satis­fac­tion des besoins d’un monde en crois­sance entraî­ne­ra une pro­gres­sion de la demande éner­gé­tique com­prise, selon les experts, entre 50 et 150 % d’i­ci 2050.

Dès lors, il s’a­git de trou­ver un juste équi­libre éner­gé­tique mon­dial pour que nous puis­sions conti­nuer à dis­po­ser d’ap­pro­vi­sion­ne­ments sûrs, à des prix abor­dables et dans des condi­tions res­pec­tueuses de l’environnement.

Il est remar­quable de consta­ter que les pays les plus per­for­mants en matière de limi­ta­tion des émis­sions de CO2 s’ap­puient de façon impor­tante sur l’éner­gie nucléaire, les éner­gies renou­ve­lables et la maî­trise de l’énergie.

Ain­si, dans les années 1970 mar­quées par deux chocs pétro­liers, la fai­blesse en éner­gies fos­siles de la France a été astu­cieu­se­ment contour­née grâce au choix de l’op­tion nucléaire, mais éga­le­ment à des pro­grammes volon­ta­ristes d’é­qui­pe­ment hydro­élec­trique et d’é­co­no­mies d’éner­gie. Même si ce n’é­tait pas son objec­tif pre­mier, force est de consta­ter que ce pro­gramme a de plus ser­vi une cause envi­ron­ne­men­tale, celle de la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique et contre les pol­lu­tions acides.

Pour l’a­ve­nir, la sécu­ri­té d’ap­pro­vi­sion­ne­ment, la com­pé­ti­ti­vi­té de l’é­co­no­mie et la prise en compte des exter­na­li­tés néga­tives dues à la pro­duc­tion et à l’u­sage de l’éner­gie res­te­ront les piliers de notre poli­tique énergétique.

Dans ce cadre, le nucléaire appa­raît incon­tour­nable. Il serait en effet irra­tion­nel de se pas­ser d’un moyen de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té qui :

  • en fonc­tion­ne­ment, ne rejette ni pous­sières ni gaz à effet de serre ni pol­luant acide (oxydes de soufre et d’azote) ;
  • reste extrê­me­ment peu dépen­dant du coût du com­bus­tible et pro­pose des prix plus stables que les modes de pro­duc­tion concurrents ;
  • et de sur­croît, demeure le moyen le plus com­pé­ti­tif pour la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té dans des cen­trales fonc­tion­nant en base, comme le confirment les plus récentes études natio­nales et euro­péennes, qui prennent en compte les coûts com­plets, pré­sents et futurs, y com­pris la ges­tion des déchets et le démantèlement.

Pour main­te­nir son avan­tage actuel, l’éner­gie nucléaire doit tou­te­fois pro­gres­ser et pré­pa­rer l’a­ve­nir en fai­sant un effort constant d’exem­pla­ri­té dans quatre direc­tions : l’in­for­ma­tion, la pro­gres­sion de la sûre­té des cen­trales, la mise en place de solu­tions pour la ges­tion des déchets de haute acti­vi­té à vie longue et le main­tien de sa compétitivité.

L’o­pi­nion publique entend à juste titre com­prendre et peser sur la déter­mi­na­tion des grandes déci­sions éner­gé­tiques. Les convic­tions des experts, les argu­ments scien­ti­fiques et tech­niques ne suf­fisent pas tou­jours. Il s’a­git donc d’ins­tau­rer un cli­mat de confiance et de déve­lop­per un dia­logue construc­tif sur l’éner­gie nucléaire entre l’in­dus­trie, les pou­voirs publics et les citoyens. L’ac­cès à l’in­for­ma­tion sur les risques et les mesures prises pour les réduire doit en par­ti­cu­lier être ren­for­cé, afin notam­ment de lut­ter contre une dés­in­for­ma­tion cri­ti­quable et mon­trer les actions pro­tec­trices prises par les exploi­tants et le contrô­leur dans les champs de la san­té publique et de la sûreté.

Il n’y a par ailleurs pas de temps à perdre pour réa­li­ser l’a­chè­ve­ment du cycle du com­bus­tible nucléaire. Grâce à une poli­tique constante de retrai­te­ment – recy­clage, les déchets ultimes sont aujourd’­hui condi­tion­nés de façon sûre et com­pa­tible avec leur éli­mi­na­tion à long terme. Le risque asso­cié est maî­tri­sé, loca­li­sé et décroît avec le temps. Bien enten­du, il ne faut pas bana­li­ser le pro­blème posé par les déchets radio­ac­tifs, comme le démontre bien au contraire le vote de la très impor­tante loi du 30 décembre 1991. Pour­suivre les recherches enga­gées dans ce cadre avec vigueur et débattre des choix et des résul­tats obte­nus semble le choix le plus juste.

La sûre­té doit éga­le­ment res­ter un objec­tif majeur de toute poli­tique nucléaire. Outre le contrôle rigou­reux de ses propres ins­tal­la­tions, la France y contri­bue en encou­ra­geant l’a­dop­tion de règles de sûre­té com­munes et l’é­mer­gence de réfé­rences inter­na­tio­nales par le déve­lop­pe­ment de pro­grammes bila­té­raux tels le réac­teur EPR ou les coopé­ra­tions inter­na­tio­nales menées pour le déve­lop­pe­ment de la sûre­té dans les pays d’Eu­rope de l’Est.

L’im­por­tance du parc nucléaire fran­çais en exploi­ta­tion et les pers­pec­tives de renou­vel­le­ment de ce parc néces­sitent enfin que soient conser­vées les com­pé­tences les plus stra­té­giques. Pour cela, les recherches menées par le CEA et les indus­triels sont fon­da­men­tales. La pré­pa­ra­tion des réac­teurs du futur condi­tionne éga­le­ment le main­tien de la com­pé­ti­ti­vi­té du nucléaire et la com­pé­tence des équipes. La déci­sion de construc­tion, que j’es­père pro­chaine, d’une cen­trale de réfé­rence de l’E­PR per­met­tra aux gou­ver­ne­ments futurs d’a­voir tous les élé­ments en main le moment venu, c’est-à-dire en 2010–2020, pour déci­der de la construc­tion d’une série de plu­sieurs réacteurs.

Il s’a­git plus lar­ge­ment de pré­pa­rer l’a­ve­nir en main­te­nant les atouts de l’in­dus­trie nucléaire fran­çaise, en la ren­for­çant pour lui per­mettre d’être en bonne posi­tion à la fois dans les coopé­ra­tions inter­na­tio­nales qui se font jour au niveau euro­péen et mon­dial, mais aus­si dans l’in­tense com­pé­ti­tion qui naî­tra de la contrac­tion de cer­tains mar­chés. C’est le sens de la créa­tion du hol­ding AREVA, qui, en moder­ni­sant et en sim­pli­fiant les struc­tures orga­ni­sa­tion­nelles et capi­ta­lis­tiques du sec­teur nucléaire fran­çais, forme un grand groupe indus­triel à par­tir des acti­vi­tés de CEA-Indus­trie, de Coge­ma et de Framatome.

La pré­pa­ra­tion de l’a­ve­nir éner­gé­tique mon­dial et, en par­ti­cu­lier, la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique passent par une poli­tique glo­bale fon­dée sur l’u­ti­li­sa­tion ration­nelle de l’éner­gie, le nucléaire, les éner­gies renou­ve­lables et l’u­ti­li­sa­tion de tech­no­lo­gies propres pour la com­bus­tion des éner­gies fossiles.

Le constat pour l’éner­gie nucléaire est clair. Forte de ses avan­tages éco­no­miques et envi­ron­ne­men­taux, l’éner­gie nucléaire reste une com­po­sante incon­tour­nable du bilan éner­gé­tique mon­dial, euro­péen et fran­çais. Indis­pen­sable au pro­grès de l’hu­ma­ni­té, il faut trai­ter avec sérieux et prag­ma­tisme son développement.

La France, un des lea­ders du » nucléaire » dans le monde, assume clai­re­ment ses choix. D’au­tant mieux qu’elle pour­sui­vra la voie d’un nucléaire res­pon­sable et ouvert sur les infor­ma­tions néces­saires à la transparence. 

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