Éditorial

Dossier : L'EuropeMagazine N°586 Juin/Juillet 2003Par : Bertrand CABARET (58), président du groupe X-Europe

La Jaune et la Rouge avait déci­dé, il y a un an envi­ron, de consa­crer à l’Eu­rope son numé­ro de juin 2003. La rédac­tion de la revue s’é­tait à l’é­poque tour­née vers X‑Europe pour lui deman­der de pré­pa­rer cette livrai­son. En tant que Pré­sident de cette asso­cia­tion, je lui en fus, et lui en reste, vive­ment reconnaissant.

Le mois de juin 2003 nous parais­sait très oppor­tun car nous avions pré­sents à l’es­prit les tra­vaux de la Conven­tion que le pré­sident Gis­card d’Es­taing a la pres­ti­gieuse mais lourde charge de mener à bonne fin pré­ci­sé­ment pour cette date. Nous évo­quions aus­si entre nous les ques­tions de long terme, qu’elles soient poli­tiques, éco­no­miques ou de défense, par­ti­cu­liè­re­ment dans les domaines où les poly­tech­ni­ciens sont for­te­ment repré­sen­tés et char­gés de res­pon­sa­bi­li­tés : indus­trie, arme­ment, finances, trans­ports, logis­tique, etc., car à l’a­val des tra­vaux de la Conven­tion, les ques­tions de défi­ni­tion pré­cise des com­pé­tences euro­péennes nous sem­blaient devoir rapi­de­ment se poser1.

Mais la guerre en Irak et ses consé­quences sur les rela­tions inter­na­tio­nales n’é­taient pas encore inter­ve­nues. Devant les incer­ti­tudes engen­drées par ces évé­ne­ments, cou­rant février et mars, quelle atti­tude fal­lait-il tenir ?

À pro­pos des ques­tions ins­ti­tu­tion­nelles, nous sommes par­tis de l’i­dée que « les Consti­tu­tions sont faites pour s’en­tendre quand on ne s’en­tend pas tou­jours sur tout », au nom de laquelle nous pen­sons, contrai­re­ment à l’am­biance défai­tiste qui sub­merge les Euro­péens face au dur constat de leurs diver­gences, que la meilleure façon de faire l’Eu­rope aujourd’­hui est, plus que jamais, de lui per­mettre d’ac­cou­cher d’une Constitution.

Ensuite, sur les ques­tions de com­pé­tences euro­péennes, réso­lu­ment opti­mistes quant à l’a­ve­nir de l’Eu­rope, par rai­son, sans sau­ter comme des cabris à sa seule évo­ca­tion, nous avons main­te­nu notre cap ini­tial : insis­ter sur « l’ap­pro­fon­dis­se­ment », plus que sur « l’é­lar­gis­se­ment » car le pre­mier se révèle, à l’u­sage, plus dif­fi­cile à mettre en œuvre. D’autre part, s’il pre­nait trop de retard, la construc­tion euro­péenne serait mena­cée comme un édi­fice auquel on ajoute des étages sans avoir ren­for­cé les fon­da­tions. Enfin, last but not least, en tant qu’in­gé­nieurs nous pen­sons avoir été for­més pour nous atta­quer aux pro­blèmes difficiles.

Vous trou­ve­rez dans ce numé­ro d’a­bord une ana­lyse sur les ques­tions actuelles par Madame Noëlle Lenoir, ministre délé­guée aux Affaires euro­péennes, que je remer­cie tout par­ti­cu­liè­re­ment, puis deux articles pré­sen­tant, dans une pers­pec­tive his­to­rique, d’une part les tra­vaux de la Conven­tion pour l’a­ve­nir de l’Eu­rope, par Dickran Ind­joud­jian, d’autre part la ques­tion de la poli­tique étran­gère et de défense, par le géné­ral Fran­çois Bres­son, pré­sident du groupe X‑Défense.

Vous trou­ve­rez par ailleurs des prises de posi­tion et des ana­lyses extrê­me­ment per­ti­nentes de cama­rades chefs de grandes entre­prises comme Ber­trand Col­lomb, Gérard Mes­tral­let et Michel Pébe­reau, trai­tant soit glo­ba­le­ment de l’in­ser­tion de l’in­dus­trie dans l’a­ve­nir euro­péen, soit plus spé­cia­le­ment de l’élec­tri­ci­té ou de l’a­dap­ta­tion des mar­chés finan­ciers et des régle­men­ta­tions éco­no­miques de l’U­nion européenne.

Il nous a sem­blé aus­si inté­res­sant d’exa­mi­ner quelques sujets plus pré­cis. C’est ain­si que Jean Blon­deau nous pré­sente Euro­next, fusion de Bourses euro­péennes, Michel Gérard, Jean-Didier Blan­chet et Chris­tian Bros­sier, la ques­tion des trans­ports de mar­chan­dises à tra­vers les Alpes et Michel Wal­rave, une réflexion sur les trans­ports en Europe.

Enfin deux articles mani­festent concrè­te­ment la vita­li­té de notre asso­cia­tion. Le pre­mier émane du pre­mier pré­sident d’X-Europe, Georges-Yves Ker­vern, créa­teur de l’as­so­cia­tion sur la sol­li­ci­ta­tion de Louis Leprince-Rin­guet qui s’é­ton­nait de ne voir que si peu d’in­gé­nieurs impli­qués dans les ques­tions euro­péennes, alors qu’ils ont des moyens propres pour les abor­der. Le deuxième est écrit par Auré­lien Tignol, élève de l’École.

Les pro­po­si­tions de Georges-Yves Ker­vern reposent sur l’a­na­lyse des méca­nismes des orga­ni­sa­tions dans le temps et dans l’es­pace. Elles sont un encou­ra­ge­ment pour l’ac­tion et une réflexion sur la poli­tique euro­péenne à long terme.

Par la voix d’Au­ré­lien Tignol, créa­teur avec quelques autres d’un « binet Europe », les jeunes pro­mo­tions et les élèves nous donnent des nou­velles de ce binet. Vous ne serez pas éton­nés de savoir que les plus anciens d’X-Europe, et moi sin­gu­liè­re­ment, fondent de grands espoirs pour l’a­ve­nir à tra­vers cette remar­quable initiative.

Même si ce numé­ro ne touche pas tous les pro­blèmes de l’Eu­rope, il donne des éclai­rages sur l’ac­tua­li­té euro­péenne dont nous espé­rons qu’ils seront pour vous d’un réel inté­rêt. Cepen­dant, l’ar­ticle de Dickran Ind­jou­dian tente, lui, de rendre compte aus­si fidè­le­ment que pos­sible des évé­ne­ments les plus récents.

Il sus­ci­te­ra cer­tai­ne­ment du cour­rier et des com­men­taires qui pour­ront être fort utiles à X‑Europe : n’hé­si­tez donc pas à vous expri­mer et à envoyer vos réac­tions à la Revue. Nous pen­sons pro­fon­dé­ment que la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne a un rôle émi­nent à jouer dans la construc­tion euro­péenne. Fai­sons nôtre cette pen­sée de Robert Schu­man qu’on dirait avoir été écrite pour nous qui savons tous, d’ex­pé­rience, l’im­por­tance de l’es­prit d’en­tre­prise : « À une époque où tout est fer­men­ta­tion, il faut savoir oser. Entre­prendre vaut mieux que se rési­gner, et l’at­tente de la per­fec­tion est une piètre excuse à l’i­nac­tion. » Écrite en 1958 à l’oc­ca­sion de son élec­tion à l’u­na­ni­mi­té à la Pré­si­dence du pre­mier Par­le­ment euro­péen, et évo­quant bien enten­du l’a­ve­nir de l’Eu­rope, cette phrase n’a pas pris une ride.

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1.
Selon la ligne défi­nie dès le départ par Louis Leprince-Rin­guet, nous cher­chons en effet à avoir tou­jours un temps d’a­vance sur les évé­ne­ments. Faut-il rap­pe­ler qu’en 1989, sous les sar­casmes de cer­tains, X‑Europe avait tenu un col­loque sur le sujet : « Faut-il une Consti­tu­tion à l’Eu­rope ? » que notre cama­rade Martre avait conclu en disant : « L’Eu­rope sera consti­tu­tion­nelle ou ne sera pas. »

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