Types de consommation de bois dans le monde, en équivalent bois rond (EBR).

Du bois-énergie pour les pays du Sud

Dossier : Énergie et environnementMagazine N°597 Septembre 2004Par : Jacques VALEIX (73), Alain BERTRAND et Philippe GIRARD, Cirad

La difficile équation du développement durable

La difficile équation du développement durable

Il est pré­vu que la popu­la­tion mon­diale, qui comp­tait six mil­liards d’ha­bi­tants en l’an 2000, aug­men­te­ra de 50 % pour atteindre les neuf mil­liards d’ha­bi­tants en 2050, l’am­pleur d’une telle aug­men­ta­tion étant sans pré­cé­dent dans l’his­toire de l’hu­ma­ni­té. En outre, 90 % de cette aug­men­ta­tion devrait être loca­li­sée dans les pays du Sud, où les pro­blèmes de déve­lop­pe­ment sont les plus pré­gnants, avec de sur­croît un phé­no­mène de concen­tra­tion des popu­la­tions dans les grandes villes.

Les dis­pa­ri­tés de déve­lop­pe­ment ont donc de grandes chances de sub­sis­ter, de même que l’ac­cès inégal des habi­tants de la pla­nète à l’éner­gie. Ain­si, alors que la consom­ma­tion de car­bone fos­sile d’un habi­tant des États-Unis d’A­mé­rique est actuel­le­ment de l’ordre de 5 tonnes par an, toutes éner­gies confon­dues, elle n’est en moyenne que de 0,5 t/an, soit dix fois moins, dans un ensemble regrou­pant la Chine et l’Inde et qui est presque dix fois plus impor­tant en nombre d’ha­bi­tants. La plu­part des experts s’ac­cordent cepen­dant à pen­ser que la consom­ma­tion éner­gé­tique des pays du Sud devrait croître de façon consi­dé­rable au cours des 50 pro­chaines années, l’ir­rup­tion rapide et toute récente de la Chine sur le mar­ché pétro­lier mon­dial n’en étant que l’exemple le plus frappant.

Pour leur part, les diverses pres­sions (défo­res­ta­tion, sur­ex­ploi­ta­tion…) qui s’exercent sur les res­sources fores­tières des pays du Sud et pro­voquent l’in­quié­tude des opi­nions publiques des pays déve­lop­pés, comme d’ailleurs de la plu­part des grandes ins­tances inter­na­tio­nales (Nations Unies, Banque Mon­diale…), devraient se main­te­nir voire même s’am­pli­fier tout au long du XXIe siècle.

N’ou­blions pas cepen­dant que la » crise du bois de feu « , annon­cée1 à la Confé­rence des Nations Unies sur les sources d’éner­gie nou­velles et renou­ve­lables (Nai­ro­bi, 1981) et pré­voyant des rup­tures ou de graves pro­blèmes d’ap­pro­vi­sion­ne­ment, n’est fina­le­ment jamais arri­vée. En effet, au-delà du bois de feu pro­ve­nant des pré­lè­ve­ments effec­tués direc­te­ment en forêt, la grande diver­si­té des ori­gines des com­bus­tibles ligneux (bois morts, réma­nents, arbres de parcs agro­fo­res­tiers, boi­se­ments vil­la­geois, rési­dus d’ex­ploi­ta­tion fores­tière et de trans­for­ma­tion du bois, sous-pro­duits des acti­vi­tés de conver­sion des terres…) explique vrai­sem­bla­ble­ment cette situation.

Le bois-énergie, une ressource vitale pour les pays du Sud

Rap­pe­lons tout d’a­bord, non seule­ment que l’éner­gie consom­mée dans le monde pro­vient pour 80 % des com­bus­tibles fos­siles, contre un peu plus de 10 % de la bio­masse, mais aus­si que la part du pétrole devrait dimi­nuer très sen­si­ble­ment à l’ho­ri­zon 2050.

Dans un tel contexte et dans ce compte éner­gé­tique à rebours, les popu­la­tions rurales des pays tro­pi­caux ont tou­jours insuf­fi­sam­ment accès à l’élec­tri­ci­té ou à la force motrice néces­saires au déve­lop­pe­ment de leurs acti­vi­tés, une grande pro­por­tion de l’éner­gie qu’elles uti­lisent, à savoir essen­tiel­le­ment du bois de feu, étant des­ti­née à des usages domes­tiques et notam­ment à la cuis­son des ali­ments. De plus, l’im­por­tance des flux migra­toires, entre le monde rural et les villes, de même que la forte crois­sance démo­gra­phique des pays du Sud, notam­ment celle de leurs popu­la­tions urbaines, exa­cerbent les dés­équi­libres entre l’offre et la demande en res­sources énergétiques.


Types de consom­ma­tion de bois dans le monde, en équi­valent bois rond (EBR).


Certes, le migrant se déplace dans un pre­mier temps avec ses cou­tumes, mais les exi­gences de la vie urbaine et les besoins de moder­ni­té font rapi­de­ment bas­cu­ler de nom­breuses villes du Sud du bois de feu au char­bon de bois, seule la fai­blesse des reve­nus des ménages frei­nant le pas­sage à des com­bus­tibles tels que le gaz butane2 ou le pétrole lam­pant. La demande des popu­la­tions urbaines en bois-éner­gie, en tant que com­bus­tible domes­tique de base, peut donc être consi­dé­rée comme incom­pres­sible. D’ores et déjà, les com­bus­tibles issus de la bio­masse, dont le bois de feu et le char­bon de bois, repré­sentent jus­qu’à 90 % des besoins éner­gé­tiques des ménages en Afrique sub­sa­ha­rienne, 70 % dans la Chine rurale et entre 30 et 90 % de ces besoins en Amé­rique latine.

Il est d’ailleurs vrai­sem­blable qu’une grande par­tie des 2,8 mil­liards de per­sonnes qui gagnent moins de 2 $US par jour et qui, de ce fait, sont soit à l’é­cart de l’é­co­no­mie, soit n’y par­ti­cipent que fai­ble­ment, dépende lar­ge­ment de l’emploi de la bio­masse comme source d’éner­gie. C’est bien sûr le cas en ce qui concerne les consom­ma­tions de proxi­mi­té en bois de feu, cette acti­vi­té étant très lar­ge­ment sous-ten­due, en milieu rural, par les femmes qui passent plu­sieurs heures par jour à la cor­vée de bois. C’est éga­le­ment le cas des filières bois-éner­gie, qui incluent la car­bo­ni­sa­tion, le trans­port et la vente3 de char­bon de bois, et qui pro­curent, dans un cadre plus ou moins infor­mel, des reve­nus directs signi­fi­ca­tifs, tant dans les villes (com­merces) que dans les cam­pagnes (bûche­rons4, char­bon­niers).

Le bois-énergie dans la production de bois : une grande diversité géographique de situations

À l’é­chelle mon­diale, il est inté­res­sant de noter que c’est un peu plus de la moi­tié de la pro­duc­tion de bois qui sert à pro­duire de l’éner­gie, la dif­fé­rence étant essen­tiel­le­ment des­ti­née aux uti­li­sa­tions de bois d’œuvre et de bois de tri­tu­ra­tion. La répar­ti­tion entre ces dif­fé­rents usages appa­raît tou­te­fois très contras­tée d’un pays à l’autre, voire d’un conti­nent à l’autre, comme le montre la figure ci-dessus.

Ain­si, excep­té l’A­frique du Sud, la majo­ri­té des pays afri­cains se carac­té­rise par la pré­do­mi­nance de l’u­ti­li­sa­tion à des fins éner­gé­tiques des bois. Il en est de même du conti­nent asia­tique, à l’ex­cep­tion tou­te­fois du Japon et, dans une moindre mesure, de la Chine, d’une part, de l’A­mé­rique cen­trale, d’autre part. L’A­mé­rique du Sud oscille, quant à elle, entre un modèle de type » pays déve­lop­pé « , à l’i­mage du Chi­li, et un modèle de type » pays en déve­lop­pe­ment « , à l’i­mage de la Boli­vie et du Pérou, le Bré­sil, pays – conti­nent aux mul­tiples facettes, com­bi­nant pour sa part ces dif­fé­rents modèles.

Le bois-éner­gie repré­sente donc encore près des trois quarts de la consom­ma­tion totale des bois dans les pays en déve­lop­pe­ment, ce qui consti­tue une carac­té­ris­tique majeure d’un grand nombre de pays tro­pi­caux. En revanche, dans les pays déve­lop­pés, la part du bois-éner­gie ne repré­sente que moins du quart de la consom­ma­tion totale des bois. Dans cer­tains pays indus­tria­li­sés tou­te­fois, cette part a ten­dance à croître de nou­veau, à l’ins­tar des pays scan­di­naves qui ont mis en place des poli­tiques éner­gé­tiques volon­ta­ristes de pro­mo­tion de leur biomasse.

L’émergence de solutions locales prônant une gestion viable des ressources forestières à des fins énergétiques

Le prin­ci­pal écueil à évi­ter est celui de l’ex­ploi­ta­tion pré­da­trice des res­sources, non orga­ni­sée dans l’es­pace et dans le temps, ne pre­nant pas en compte l’au­toé­co­lo­gie et la rési­lience natu­relle des espèces fores­tières exploi­tées, s’af­fran­chis­sant des modes d’or­ga­ni­sa­tion des com­mu­nau­tés locales et igno­rant le cadre juri­dique réglant ce type d’ac­ti­vi­tés. Cette image n’a mal­heu­reu­se­ment rien de théo­rique puis­qu’elle cor­res­pond à un type de com­por­te­ment bien connu, notam­ment dans cer­tains pays du Sud où le fon­cier public pré­do­mine et où l’ac­cès aux res­sources fores­tières se fait de manière incontrôlée.

Les cen­trales bagasse-charbon :
une uti­li­sa­tion ration­nelle des sous-pro­duits agro-industriels

Les cen­trales bagasse-char­bon ont été déve­lop­pées par la SIDEC, rele­vant de l’an­cien groupe Char­bon­nages de France, afin de répondre aux besoins éner­gé­tiques des sucre­ries de l’île de la Réunion. La pro­duc­tion de bagasse, com­bus­tible issu de l’a­gri­cul­ture, pose un pro­blème de sai­son­na­li­té impor­tant comme l’illustre le graphe ci-après. C’est pour­quoi ces cen­trales uti­lisent le char­bon et la bagasse dans les mêmes chau­dières, afin d’as­su­rer la sta­bi­li­té de la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té. Mal­gré le carac­tère nova­teur de cette tech­no­lo­gie, les cen­trales exis­tantes pré­sentent d’ex­cel­lents ren­de­ments qui assurent leur ren­ta­bi­li­té. À titre d’exemple, la dis­po­ni­bi­li­té de la cen­trale du Gol s’est éle­vée en 2001 à 99 %.

LES CENTRALES BAGASSE-CHARBON

Source : SIDEC (déve­lop­peur et exploi­tant des cen­trales bagasse-charbon)

Le gra­phique pré­cé­dent montre la sai­son­na­li­té du com­bus­tible bagasse qui n’est uti­li­sé que de juillet à décembre, ain­si que la sai­son­na­li­té de la pro­duc­tion nette d’élec­tri­ci­té qui est ven­due à EDF, les cen­trales fonc­tion­nant clai­re­ment au ralen­ti au cours de la période mai — juin. Notons éga­le­ment que le char­bon est uti­li­sé tout au long de l’an­née, rem­pla­cé en part variable par la bagasse pen­dant six mois par an. En défi­ni­tive, ces cen­trales per­mettent la valo­ri­sa­tion d’un pro­duit agri­cole – la bagasse – et assurent une pro­duc­tion élec­trique en base peu oné­reuse, de l’ordre de 6,1 c€kWhe produit.

Toute la pro­duc­tion d’éner­gie issue des cen­trales bagasse-char­bon n’est pas des­ti­née à ali­men­ter le réseau. Une part de l’éner­gie pro­duite prend la forme de vapeur des­ti­née à l’u­sage de l’in­dus­trie sucrière. Ain­si, seule­ment 77 %, soit 89 ktep des 115,4 ktep de bagasse brû­lés dans les cen­trales ther­miques bagasse-char­bon, sont des­ti­nés à la pro­duc­tion d’électricité.

Cette solu­tion, déjà dif­fu­sée dans l’île Mau­rice, pour­rait faire l’ob­jet de larges appli­ca­tions dans les pays en déve­lop­pe­ment et contri­buer ain­si signi­fi­ca­ti­ve­ment à l’élec­tri­fi­ca­tion rurale des zones concer­nées par de telles plantations.

Il est donc fon­da­men­tal de mettre en place des sys­tèmes viables de ges­tion des res­sources fores­tières qui intègrent la plu­ra­li­té des acteurs et des attentes, de même que les carac­té­ris­tiques et prin­ci­paux para­mètres de pilo­tage des éco­sys­tèmes fores­tiers, mais qui sachent éga­le­ment orien­ter, dans l’es­pace et dans le temps, les dyna­miques d’ex­ploi­ta­tion des res­sources ligneuses. De tels sys­tèmes doivent donc non seule­ment assu­rer dura­ble­ment et au moindre coût éco­no­mique et social l’ap­pro­vi­sion­ne­ment des consom­ma­teurs urbains en bois-éner­gie, mais aus­si mettre effec­ti­ve­ment en place, en zone rurale, des modes de ges­tion durable des res­sources fores­tières ain­si exploitées.

Divers pays du Sud mettent par exemple en place des sys­tèmes de ges­tion de leurs res­sources fores­tières qui se veulent éco­lo­gi­que­ment durables, socia­le­ment équi­tables et éco­no­mi­que­ment viables.

Ain­si, en zone sahé­lienne, sur la base des tra­vaux menés par le Cirad et ses par­te­naires, la poli­tique adop­tée dans ce domaine par le Niger mérite une atten­tion par­ti­cu­lière. Rap­pe­lons que ce pays comp­tait 2 mil­lions d’ha­bi­tants en 1950, en compte actuel­le­ment 11 mil­lions et devrait atteindre 50 mil­lions d’ha­bi­tants à l’ho­ri­zon 2050. Dès 1989, c’est-à-dire depuis main­te­nant quinze ans, le Niger s’est enga­gé dans une poli­tique de déve­lop­pe­ment fores­tier, bap­ti­sée Stra­té­gie éner­gie domes­tique, qui agit tout d’a­bord sur l’offre et la demande de com­bus­tibles domes­tiques, sur les éco­no­mies d’éner­gie, les éner­gies de sub­sti­tu­tion et la diver­si­fi­ca­tion éner­gé­tique, ain­si que sur les amé­lio­ra­tions à appor­ter aux divers pro­cé­dés. Elle com­bine ensuite et met en cohé­rence ses inter­ven­tions à dif­fé­rents niveaux spa­tiaux, à savoir celui du bas­sin d’ap­pro­vi­sion­ne­ment d’une grande ville, à l’i­mage du Sché­ma direc­teur d’ap­pro­vi­sion­ne­ment (SDA) de la capi­tale, Nia­mey, et celui de la ges­tion locale des res­sources fores­tières en milieu rural, avec la mise en place, au niveau des com­mu­nau­tés vil­la­geoises et en accord avec l’ad­mi­nis­tra­tion fores­tière, de forêts vil­la­geoises et de » mar­chés ruraux » de bois-éner­gie. Elle agit enfin, grâce à divers outils régle­men­taires et inci­ta­tions éco­no­miques, notam­ment par le biais de la fis­ca­li­té fores­tière, sur la diver­si­té des acteurs éco­no­miques concernés.

Dans ce pro­ces­sus à pas de temps long, qui a pu accu­mu­ler et inté­grer, posi­ti­ve­ment et pro­gres­si­ve­ment, les diverses déci­sions et amé­lio­ra­tions qui lui ont été appor­tées, il est inté­res­sant de rele­ver les réa­li­sa­tions ain­si accomplies :

  • les com­mu­nau­tés locales ont été recon­nues comme inter­lo­cu­teurs légi­times de l’ad­mi­nis­tra­tion nigérienne ;
  • un contrat type de trans­fert de ges­tion des res­sources fores­tières aux com­mu­nau­tés locales a été élaboré ;
  • les droits exclu­sifs de chaque com­mu­nau­té concer­née sur les res­sources de leur ter­roir ont été reconnus ;
  • un cadre légis­la­tif et fis­cal inci­ta­tif pour les com­mu­nau­tés locales et les autres opé­ra­teurs éco­no­miques (bûche­rons, trans­por­teurs…) a été mis en place ;
  • 250 mar­chés ruraux de bois-éner­gie ont pu être mis en place, cor­res­pon­dant à une sur­face totale de forêts sous amé­na­ge­ment sim­pli­fié de 700 000 ha ;
  • les besoins en bois-éner­gie de la ville de Nia­mey ont pu être cou­verts à hau­teur de 20 %, en 2002, par l’ap­pro­vi­sion­ne­ment pro­ve­nant des mar­chés ruraux, le solde étant le fait du sys­tème d’ex­ploi­ta­tion incontrôlée.


L’exemple nigé­rien est déjà en cours de trans­po­si­tion au Mali et il n’est pas invrai­sem­blable qu’il finisse par pro­vo­quer l’in­té­rêt des admi­nis­tra­tions fores­tières et envi­ron­ne­men­tales du Tchad et du Bur­ki­na Faso.

BOIS-ÉNERGIE ET BIOMASSE-ÉNERGIE :
une place à part dans la balance éner­gé­tique française

La consom­ma­tion de bois dans l’ha­bi­tat indi­vi­duel est esti­mée en France à un peu plus de 7 Mtep. L’é­co­no­mie de com­bus­tible mar­chand que l’on peut lui asso­cier est de l’ordre de la moi­tié, le ren­de­ment moyen des ins­tal­la­tions au bois étant très infé­rieur à celui d’une chau­dière au gaz ou au fioul.

L’u­ti­li­sa­tion type est l’in­sert, suc­ces­seur du poêle, foyer fer­mé ins­tal­lé dans la che­mi­née d’une mai­son indi­vi­duelle, ali­men­té par une res­source de proxi­mi­té et uti­li­sé en asso­cia­tion avec une ins­tal­la­tion de chauf­fage cen­tral, le plus sou­vent élec­trique. Ce type d’u­ti­li­sa­tion a été favo­ri­sé par le déve­lop­pe­ment du chauf­fage élec­trique dont il allège le coût. Les nou­velles régle­men­ta­tions ther­miques dans le neuf et les pro­grès de l’i­so­la­tion dans l’an­cien entraînent actuel­le­ment un pla­fon­ne­ment de ce mar­ché. Les chau­dières de chauf­fage cen­tral à bois, en mai­son ou en petit col­lec­tif, concentrent aujourd’­hui les efforts de l’A­deme car ces tech­no­lo­gies consti­tuent le deuxième seg­ment du mar­ché de l’ha­bi­tat. Son décol­lage est lié à une struc­tu­ra­tion de la filière et à une mobi­li­sa­tion des acteurs locaux.

Ce bilan de la consom­ma­tion de bois éner­gie doit être com­plé­té par les auto­con­som­ma­tions de l’a­gri­cul­ture, mal appré­hen­dées, et par celles de l’in­dus­trie (comme la liqueur noire uti­li­sée en pape­te­rie, notam­ment pour auto­pro­duire l’élec­tri­ci­té), qui contri­buent au bilan pour plus de 1 Mtep.

Au-delà de la contri­bu­tion au bilan éner­gé­tique natio­nal, pour un total de plus de 1,5 Mtep, d’une par­tie des déchets sou­vent englo­bés à la bio­masse (ordures ména­gères, bio­gaz de décharge), le second poste en impor­tance stra­té­gique concerne les bio­car­bu­rants. Deux familles de bio­car­bu­rants sont déve­lop­pées en France depuis 1992 :

  • l’é­tha­nol, issu de la fer­men­ta­tion de sucres de bet­te­raves ou de céréales et trans­for­mé en ETBE (Éthyl-Ter­tio-Butyl-Éther) par réac­tion avec l’i­so­bu­ty­lène. L’ETBE peut être intro­duit dans les super­car­bu­rants sans plomb jus­qu’à un taux de 15 %. La pro­duc­tion annuelle d’ETBE est agréée jus­qu’à un total de 219 000 t (dont 53 % d’o­ri­gine fossile).
  • les esters méthy­liques d’huiles végé­tales ou EMVH (essen­tiel­le­ment col­za) obte­nus par tran­ses­té­ri­fi­ca­tion de l’huile avec le métha­nol. Cette réac­tion génère un copro­duit, la gly­cé­rine, à rai­son de 10 % du poids d’es­ters syn­thé­ti­sés. La pro­duc­tion annuelle d’EMVH est agréée jus­qu’à un total de 332 500 t (dont envi­ron 10 % d’o­ri­gine fossile).

 
Plus de 300 ktep sont ain­si intro­duits dans nos réser­voirs de car­bu­rants
. Les pro­jec­tions 2010 montrent qu’une poli­tique volon­ta­riste pour­rait per­mettre un fort déve­lop­pe­ment, de l’ordre de 1,4 Mtep, des bio­car­bu­rants, cette évo­lu­tion étant indis­pen­sable si la France sou­haite res­pec­ter la direc­tive euro­péenne qui fixe à 5,75 % le taux d’in­cor­po­ra­tion des bio­car­bu­rants en 2010.

Pour l’heure, les bio­éner­gies consti­tuent en France 4,5 % de la consom­ma­tion d’éner­gie pri­maire. Le bois en four­nit la plus grosse part, sous forme ther­mique. La majo­ri­té de ces consom­ma­tions, qui pro­viennent de sources renou­ve­lables, inter­vient dans des condi­tions éco­no­miques équi­li­brées : pro­pen­sion des ménages à se chauf­fer au bois (le chauf­fage consti­tue de loin le poste prin­ci­pal), pro­pen­sion des indus­triels à valo­ri­ser leurs déchets (déchets de bois, liqueur noire, graisses ani­males, bagasse…).

La France ne se déboise pas, bien au contraire, et un meilleur entre­tien de la forêt per­met­trait même d’aug­men­ter l’offre en bois-éner­gie. Cette offre ren­con­tre­ra une demande si le rap­port coût/service ren­du est attrac­tif, ce qui est évi­dem­ment réa­li­sable soit en maî­tri­sant le coût, soit en amé­lio­rant le service.

De même, dans l’o­céan Indien, le cas de l’ap­pro­vi­sion­ne­ment éner­gé­tique de Mada­gas­car en bois-éner­gie mérite d’être cité. La majo­ri­té des villes de Mada­gas­car, dont Anta­na­na­ri­vo, Fia­na­rant­soa et Ant­si­ra­bé, pour ne citer que les plus impor­tantes, sont en effet appro­vi­sion­nées à plus de 90 % en char­bon de bois pro­ve­nant de plan­ta­tions fores­tières. Il s’a­git en l’oc­cur­rence et pour l’es­sen­tiel de plan­ta­tions fores­tières pay­sannes qui se déve­loppent dans la Grande Île depuis plus d’un siècle, sans inci­ta­tion admi­nis­tra­tive, ni pro­jet, ni bailleurs de fonds. Un sou­ci de sécu­ri­sa­tion fon­cière ain­si que l’in­ci­ta­tion éco­no­mique appor­tée au mar­ché du bois-éner­gie ont suf­fi à ini­tier et à confor­ter un tel sys­tème d’ex­ploi­ta­tion, qui est non seule­ment en vigueur aujourd’­hui mais qui conti­nue éga­le­ment sa phase d’ex­pan­sion spa­tiale. Ce sont ain­si près de 150 000 ha de plan­ta­tions d’eu­ca­lyp­tus, gérées avec des rota­tions très courtes, com­prises géné­ra­le­ment entre deux et cinq ans, qui sont direc­te­ment gérés par des pay­sans mal­gaches et exploi­tés en vue de la pro­duc­tion de char­bon de bois. Dès lors, les pay­sans mal­gaches, sou­vent abu­si­ve­ment accu­sés de défo­res­ta­tion dans la Grande Île, ne pour­raient-ils pas plu­tôt être pré­sen­tés comme » des pay­sans de l’arbre » ?

Enfin, l’exemple très dif­fé­rent du Bré­sil, compte tenu de son posi­tion­ne­ment, très ori­gi­nal et très volon­ta­riste, dans l’u­ti­li­sa­tion éner­gé­tique de la bio­masse, mérite éga­le­ment d’être men­tion­né. Ce pays émergent est en effet très enga­gé dans la pro­duc­tion et la consom­ma­tion de bio­car­bu­rants, de même que dans l’u­ti­li­sa­tion du char­bon de bois, dans le sec­teur de la sidé­rur­gie, comme réduc­teur et en sub­sti­tu­tion au coke.

L’ex­pé­rience bré­si­lienne en matière de bio­car­bu­rants, sans être exempte de défaut, est excep­tion­nelle à bien des titres. Ain­si, le plan » Pro-alcool « , créé en 1975, a ren­du obli­ga­toire l’in­cor­po­ra­tion de 12 % d’al­cool éthy­lique anhydre dans l’es­sence, cette pro­por­tion ayant depuis été por­tée à 25 %. Le déve­lop­pe­ment de moteurs fonc­tion­nant avec 100 % d’al­cool, suite au second choc pétro­lier de 1979, fut un tel suc­cès qu’à la fin des années quatre-vingt les voi­tures fonc­tion­nant à l’al­cool repré­sen­taient 90 % de la flotte du pays. Tou­te­fois, après une dimi­nu­tion amor­cée en 1993 des sub­ven­tions cor­res­pon­dantes, ce sont des véhi­cules bicom­bus­tibles, c’est-à-dire sus­cep­tibles de fonc­tion­ner indif­fé­rem­ment à l’es­sence, à l’al­cool ou au mélange de ces deux consti­tuants, qui se sont sub­sti­tués pro­gres­si­ve­ment aux véhi­cules fonc­tion­nant à l’alcool.

Dans le sec­teur bré­si­lien de la sidé­rur­gie éga­le­ment, après une large dépen­dance de ses appro­vi­sion­ne­ments en char­bon de bois à par­tir des res­sources tirées des forêts natu­relles, ce sont actuel­le­ment des mil­lions d’hec­tares de plan­ta­tions d’eu­ca­lyp­tus qui y sont culti­vés à des fins éner­gé­tiques, ce phé­no­mène étant unique au monde.

Véri­table pré­cur­seur, le Bré­sil explore donc très acti­ve­ment les stra­té­gies pos­sibles de pro­duc­tion et de conver­sion ther­mo­chi­mique de sa bio­masse, iti­né­raires tech­ni­co-éco­no­miques qui pour­raient faire école dans bien d’autres pays du Sud au cours du XXIe siècle.

D’une énergie domestique traditionnelle à une énergie rurale moderne

La pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment et le déve­lop­pe­ment éco­no­mique en Afrique passent assez lar­ge­ment par l’in­ten­si­fi­ca­tion de l’a­gri­cul­ture. Dès lors, l’ac­cès à un appro­vi­sion­ne­ment éner­gé­tique fiable et com­pé­ti­tif devient l’élé­ment incon­tour­nable du déve­lop­pe­ment d’ac­ti­vi­tés agri­coles et arti­sa­nales pour la mise en mar­ché des pro­duits. Il est donc indis­pen­sable, en sus des efforts qui seront inévi­ta­ble­ment accom­plis pour assu­rer l’ap­pro­vi­sion­ne­ment éner­gé­tique de leurs grandes villes, de bien iden­ti­fier et de pro­mou­voir les tech­no­lo­gies les plus mûres et les mieux adap­tées à la pro­duc­tion décen­tra­li­sée d’éner­gie en milieu rural. Les sources d’ap­pro­vi­sion­ne­ment cor­res­pon­dantes peuvent alors pro­ve­nir soit de plan­ta­tions fores­tières à crois­sance rapide ins­tal­lées à cet effet, soit de déchets et de sous-pro­duits des filières fores­tières ou agri­coles déjà en place.

À titre d’exemple, en zone tro­pi­cale, c’est une pro­por­tion pou­vant atteindre 75 % du volume de bois sur pied des arbres exploi­tés qui se retrouve d’une part en forêt, sous la forme de déchets d’ex­ploi­ta­tion, d’autre part dans les usines de pre­mière et deuxième trans­for­ma­tion, sous la forme de sous-pro­duits. Ce pour­cen­tage de déchets est d’ailleurs d’au­tant plus éle­vé que le tis­su indus­triel est faible et que le sec­teur de la seconde trans­for­ma­tion est peu déve­lop­pé. De plus, le manque d’in­for­ma­tions sur la dis­po­ni­bi­li­té, sur l’exis­tence et sur l’ef­fi­ca­ci­té des tech­no­lo­gies cor­res­pon­dantes consti­tue le prin­ci­pal frein à la dis­sé­mi­na­tion des solu­tions de pro­duc­tion d’éner­gie à base de déchets, qu’il s’a­gisse de l’u­ti­li­sa­tion de la cogé­né­ra­tion par com­bus­tion, de tur­bines ou de moteurs à vapeur, de pro­duc­tion de vapeur en aval d’une tur­bine ou d’un moteur, voire encore de pro­duc­tion de cli­ma­ti­sa­tion à par­tir d’un excé­dent de vapeur5.

De telles approches sont d’ailleurs en cours de mise en place par des socié­tés fores­tières situées dans des zones encla­vées du bas­sin du Congo. Elles méri­te­raient d’être tes­tées dans des bourgs ruraux, afin d’u­ti­li­ser comme vec­teur du déve­lop­pe­ment en milieu rural l’élec­tri­ci­té pro­duite grâce à un pro­cé­dé de cogé­né­ra­tion. Cela sup­pose le déve­lop­pe­ment de nom­breux par­te­na­riats, entre le sec­teur public et le sec­teur pri­vé, entre les pays du Nord, déten­teurs de tech­no­lo­gies, et les pays du Sud, déten­teurs d’im­por­tants gise­ments de bio­masse, qu’ils soient actuels ou poten­tiels, à l’i­mage des ini­tia­tives de par­te­na­riat » public-pri­vé » prô­nées lors du récent Som­met mon­dial pour le déve­lop­pe­ment durable de Johan­nes­burg (2002).

Une contribution attendue à la réduction des émissions des gaz à effet de serre

La mise en place pro­gres­sive des mar­chés de droit d’é­mis­sions et sur­tout celle poten­tielle du Méca­nisme de déve­lop­pe­ment propre (MDP), en vue de lut­ter contre les émis­sions de gaz à effet de serre et le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, sont à même de sen­si­ble­ment inflé­chir bien des stra­té­gies éner­gé­tiques des pays du Sud mais aus­si l’in­té­rêt des bailleurs de fonds et des grandes com­pa­gnies pri­vées pour ces pays.

La valo­ri­sa­tion éner­gé­tique de la bio­masse par voie thermochimique

Le bois et les autres formes de bio­masse font par­tie des prin­ci­pales sources d’éner­gie qui soient renou­ve­lables, tout en étant à même de four­nir des com­bus­tibles à la fois solides, liquides ou gazeux. Le bois et a for­tio­ri la bio­masse peuvent être trans­for­més puis uti­li­sés de dif­fé­rentes manières pour la pro­duc­tion d’éner­gie. Ain­si, la pyro­lyse, la gazéi­fi­ca­tion et la com­bus­tion consti­tuent les prin­ci­pales trans­for­ma­tions mises en œuvre de nos jours.

La pyro­lyse est une trans­for­ma­tion se dérou­lant en atmo­sphère aus­si inerte que pos­sible (absence d’oxy­gène). Le maté­riau ini­tial est ain­si décom­po­sé en une frac­tion solide, en liquide et en gaz. La pro­por­tion de ces dif­fé­rents pro­duits est fonc­tion des para­mètres que sont notam­ment la tem­pé­ra­ture, la pres­sion, la vitesse de chauf­fage et le temps de séjour. De façon géné­rale, la tem­pé­ra­ture de réac­tion n’ex­cède pas 600 °C. Enfin, en fonc­tion de la matière pre­mière et de l’a­van­ce­ment de la réac­tion, les réac­tions mises en jeu peuvent être endo­ther­miques puis exo­ther­miques, voire ather­miques. Au-delà des uti­li­sa­tions clas­siques (bar­be­cue, acti­va­tion…), la frac­tion solide peut être uti­li­sée en sub­sti­tu­tion dans les chau­dières pour la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té. Les liquides peuvent pour leur part être uti­li­sés dans les moteurs pour la géné­ra­tion d’élec­tri­ci­té, ou après raf­fi­nage dans les trans­ports. Les gaz enfin, quand ils sont valo­ri­sés, sont brû­lés pour entre­te­nir la réac­tion ther­mo­chi­mique avec l’une ou l’autre de ces frac­tions, en fonc­tion de l’ob­jec­tif final de l’installation.

La gazéi­fi­ca­tion du bois consiste à décom­po­ser en pré­sence d’un gaz réac­tif (air, O2, CO2, H2O, etc…) le maté­riau ini­tial pour obte­nir des pro­duits gazeux. À la dif­fé­rence de la pyro­lyse, la gazéi­fi­ca­tion du bois met en jeu des réac­tions d’oxy­da­tion par­tielle du maté­riau ini­tial. Les pro­duits gazeux obte­nus sont prin­ci­pa­le­ment com­po­sés de H2, CO, CO2 et CH4. Les tem­pé­ra­tures de gazéi­fi­ca­tion sont supé­rieures à 800 °C et peuvent atteindre plus de 1 300 °C en fonc­tion du solide uti­li­sé et du pro­cé­dé employé. Il est à noter que la gazéi­fi­ca­tion est une réac­tion glo­ba­le­ment endo­ther­mique. Les gaz pro­duits sont brû­lés pour la pro­duc­tion de cha­leur, ou injec­tés dans un moteur pour la pro­duc­tion élec­trique. Selon les condi­tions de gazéi­fi­ca­tion, essen­tiel­le­ment de tem­pé­ra­ture, la gazéi­fi­ca­tion est à même de four­nir un gaz riche en hydro­gène et en monoxyde de car­bone qui peut être uti­li­sé pour la syn­thèse de car­bu­rant. Ces voies sont éga­le­ment très por­teuses d’a­ve­nir pour la pro­duc­tion d’hy­dro­gène et mobi­lisent assez lar­ge­ment l’in­té­rêt de la com­mu­nau­té scien­ti­fique internationale.

La com­bus­tion du bois est une trans­for­ma­tion en pré­sence d’oxy­gène qui décom­pose de façon com­plète le maté­riau ini­tial car­bo­né en CO2 et H2O tout en libé­rant de l’éner­gie (éner­gie de com­bus­tion). L’agent oxy­dant employé est tou­jours de l’oxy­gène, prin­ci­pa­le­ment pui­sé dans l’air. Tout comme la gazéi­fi­ca­tion, les tem­pé­ra­tures de com­bus­tion sont supé­rieures à 800 °C. Les réac­tions de com­bus­tion sont tou­jours exo­ther­miques. La com­bus­tion four­nit de la cha­leur qui sera uti­li­sée pour le chauf­fage urbain, la pro­duc­tion de vapeur et, par la suite, celle d’électricité.

Ces trois voies sont ras­sem­blées sous le terme géné­rique de conver­sion ther­mo­chi­mique, déno­mi­na­tion qui fait réfé­rence à un ensemble de pro­ces­sus qui inter­viennent sous l’ac­tion de la cha­leur et pro­duisent des chan­ge­ments de nature chi­mique des com­po­sés consti­tuant les pro­duits d’origine.

Il existe, d’ores et déjà, un grand nombre de solu­tions tech­niques uti­li­sables, qui reposent sur l’une ou l’autre de ces trans­for­ma­tions. Cer­taines sont éprou­vées depuis de nom­breuses années et sont assez lar­ge­ment dif­fu­sées, tan­dis que d’autres n’en sont encore qu’au stade de la recherche-déve­lop­pe­ment. C’est la rai­son pour laquelle le Cirad pour­suit la conduite de tra­vaux scien­ti­fiques dans ce domaine.

Certes, face au ren­ché­ris­se­ment pro­gres­sif des res­sources fos­siles, par nature épui­sables, et au défi pla­né­taire que consti­tue l’ef­fet de serre, la maî­trise des consom­ma­tions éner­gé­tiques devrait repré­sen­ter le levier d’ac­tion le plus signi­fi­ca­tif. L’ins­tal­la­tion de nou­velles plan­ta­tions fores­tières est aus­si à même d’aug­men­ter la séques­tra­tion nette de car­bone, à condi­tion qu’elles soient gérées dura­ble­ment, les éco­sys­tèmes fores­tiers ayant en effet une capa­ci­té limi­tée à sto­cker le car­bone atmo­sphé­rique. De manière com­plé­men­taire, l’u­ti­li­sa­tion accrue du bois à des fins éner­gé­tiques contri­bue­ra à réduire les dépen­dances à l’é­gard des com­bus­tibles fos­siles et les émis­sions qui en découlent. On estime à ce pro­pos que les émis­sions nettes de car­bone déri­vant d’une uni­té d’élec­tri­ci­té pro­duite à par­tir de la bio­éner­gie, dont le bois, sont de 10 à 20 fois infé­rieures à celles déri­vant de l’élec­tri­ci­té pro­duite à par­tir de com­bus­tibles fos­siles. C’est dire toute l’im­por­tance qu’il convient d’ac­cor­der aux tech­no­lo­gies per­met­tant le rem­pla­ce­ment des éner­gies fos­siles par des sources éner­gé­tiques à carac­tère renouvelable.

Pour l’heure, l’a­dop­tion du pro­to­cole de Kyo­to défi­ni en 1997 et, par voie de consé­quence, l’im­pli­ca­tion des pays du Sud dans le méca­nisme de déve­lop­pe­ment propre qu’il ins­tau­re­ra dès sa mise en œuvre sont sus­pen­dus à la signa­ture de la Rus­sie. Tou­jours est-il que l’U­nion euro­péenne, sans attendre les pro­grès de la diplo­ma­tie inter­na­tio­nale, s’est d’ores et déjà enga­gée, dès 2004, dans une poli­tique volon­ta­riste en la matière, en adres­sant des signaux clairs à son indus­trie, pays par pays, et en met­tant en place un mar­ché de per­mis d’é­mis­sions, ins­tru­ment qui devrait de fac­to contri­buer à la limi­ta­tion des gaz à effet de serre.

De l’utilisation énergétique rationnelle des ressources forestières au développement durable

Les pro­duits fores­tiers consti­tuent un élé­ment impor­tant du déve­lop­pe­ment des pays du Sud. Leur exploi­ta­tion ration­nelle contri­bue en effet à la lutte contre la pau­vre­té et à l’a­mé­lio­ra­tion des condi­tions de vie des popu­la­tions, notam­ment des femmes. Tou­te­fois, la ten­dance habi­tuelle du déve­lop­pe­ment est, sur le plan éner­gé­tique, à la dimi­nu­tion pro­gres­sive des usages tra­di­tion­nels de la bio­masse, au pro­fit de com­bus­tibles fos­siles. Or, une telle évo­lu­tion prive le milieu rural de reve­nus, aug­mente les dés­équi­libres sociaux et éco­no­miques entre les villes et les cam­pagnes, dimi­nue enfin la valeur patri­mo­niale des espaces fores­tiers et accroît de ce fait le risque de voir les popu­la­tions se dés­in­té­res­ser de leur ges­tion durable, lui pré­fé­rant des solu­tions plus radi­cales comme la conver­sion des terres concer­nées à des fins agri­coles. Il convient donc d’en­cou­ra­ger et de pro­mou­voir l’ex­ploi­ta­tion et la ges­tion ration­nelles des forêts, d’ac­croître la valeur du bois sur pied et d’as­su­rer une tran­si­tion maî­tri­sée au pro­fit des usages modernes de la biomasse.

Au-delà donc des nom­breux débats, tant natio­naux qu’in­ter­na­tio­naux, qui traitent de la lutte contre la pau­vre­té, de l’in­suf­fi­sance de l’aide publique au déve­lop­pe­ment, de la mar­gi­na­li­sa­tion éco­no­mique et sociale du conti­nent afri­cain, des rela­tions ten­dues entre démo­gra­phie, déve­lop­pe­ment et envi­ron­ne­ment, il appa­raît néces­saire que les pays du Sud sai­sissent le carac­tère stra­té­gique de leurs res­sources fores­tières, qu’il s’a­gisse de les valo­ri­ser sous forme de maté­riau (bois d’œuvre, bois d’in­dus­trie, bois de ser­vice…), d’en tirer des pro­duits diver­si­fiés (fruits, condi­ments, gommes, molé­cules, sub­stances natu­relles…), que ce soit pour la san­té ou pour l’a­li­men­ta­tion, mais aus­si de les uti­li­ser de manière ration­nelle et durable à des fins éner­gé­tiques. Il en va de l’in­té­rêt même des pays concer­nés, assez rare­ment déten­teurs de com­bus­tibles fos­siles mais pos­sé­dant plus géné­ra­le­ment d’as­sez impor­tantes res­sources natu­relles renou­ve­lables. C’est éga­le­ment une occa­sion pri­vi­lé­giée de ren­for­cer les par­te­na­riats Nord-Sud, à la fois dans le cadre de la lutte contre la pau­vre­té et des objec­tifs du mil­lé­naire défi­nis par les Nations Unies, et dans celui de la lutte contre le réchauf­fe­ment climatique.

__________________________________________
1. Voir notam­ment :
– Eck­holm E., 1976 ; La terre sans arbres, la des­truc­tion des sols à l’é­chelle mon­diale ; Robert Laf­font, 329 p. ; Paris.
– Eck­holm E., Foley G., Bar­nard G., Tim­ber­lake L., 1984 ; Fuel­wood : the ener­gy cri­sis that won’t go away ; Ear­th­can Publi­ca­tions ; 107 p. ; London.
2. Cer­tains pays, à l’i­mage du Maroc, accordent des inci­ta­tions pour déve­lop­per l’u­ti­li­sa­tion du gaz butane, ce qui consti­tue un réel effet d’au­baine pour les classes moyennes.
3. Au pro­fit essen­tiel­le­ment des popu­la­tions urbaines et périurbaines.
4. Au Mali, deux tiers des bûche­rons et des char­bon­niers sont des femmes.
5. Dans des condi­tions éco­no­miques diver­si­fiées, la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té à par­tir de plan­ta­tions pri­vées a d’ores et déjà démon­tré sa fai­sa­bi­li­té, tant tech­nique qu’é­co­no­mique, à l’i­mage des exemples suivants :
1) 5 000 ha de plan­ta­tions d’eu­ca­lyp­tus au Nica­ra­gua per­met­tant d’a­li­men­ter une cen­trale mixte » bagasse-bois » de 15 MWe, avec revente des sur­plus sur le réseau ;
2) ins­tal­la­tion en Malai­sie (État du Sabah) de 10 MWe, ali­men­tée en par­tie à par­tir de plan­ta­tions d’a­ca­cias pour l’au­to­pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té dans un com­plexe d’in­dus­tries du bois.

Jacques VALEIX (73),
direc­teur du dépar­te­ment Forêts du Cirad,
Alain BERTRAND,
socioé­co­no­miste de l’unité propre de recherche “ Usages locaux
des res­sources fores­tières et poli­tiques publiques ” du Cirad,
Phi­lippe GIRARD,

chef de l’unité propre de recherche “ Bio­masse-éner­gie ” du Cirad

Poster un commentaire