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Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°636 Juin/Juillet 2008Rédacteur : Jean SALMONA

In vino veritas
 

Dans une expé­rience de dégus­ta­tion à l’aveugle de vins dont on ne don­nait que les prix, conduite par Cal­tech et Stan­ford, l’analyse au scan­ner des cor­tex des dégus­ta­teurs a révé­lé que c’étaient les vins pré­ten­du­ment les plus chers qui pro­cu­raient le plus de plai­sir, même lorsqu’il s’agissait du même vin pré­sen­té deux fois avec des prix différents.
How much does taste real­ly matter ?
Inter­na­tio­nal Herald Tri­bune, 9 mai 2008

Quatuors oubliés

Le seul nom de Vincent d’Indy évoque pour l’amateur éclai­ré un aca­dé­misme un peu vieillot. Quant à Saint-Saëns, il n’est guère mieux loti, et seuls trouvent grâce cer­tains Concer­tos pour pia­no et, pour le diver­tis­se­ment, Le Car­na­val des ani­maux.
Eh bien, voi­ci deux enre­gis­tre­ments qui vont modi­fier radi­ca­le­ment l’image de ces deux com­po­si­teurs, et pour les­quels nous vous sug­gé­rons de sou­mettre vos amis à une écoute à l’aveugle. Les trois Qua­tuors de Vincent d’Indy, tels qu’enregistrés par le Qua­tuor Joa­chim1, seront pour vous, nous pesons nos mots, une décou­verte majeure : com­po­sés entre 1891 et 1932, ce sont des œuvres de tout pre­mier plan, au niveau des qua­tuors de Debus­sy, Ravel, Fau­ré. Thèmes exquis, har­mo­nies sub­tiles, modu­la­tions d’un chro­ma­tisme raf­fi­né, ces pièces, qui four­millent d’innovations, aux anti­podes de l’académisme, évoquent à la fois Proust, Seu­rat, Gui­mard. Le Sex­tuor, qui figure sur le même enre­gis­tre­ment, est moins original.

Les deux Qua­tuors de Saint-Saëns, enre­gis­trés par le Qua­tuor Viot­ti2, sont d’une eau tout à fait dif­fé­rente, mais l’esprit est le même : lyrisme sub­til et plai­sir sen­suel. Le pre­mier, com­po­sé en 1899, est proche à la fois de Men­dels­sohn et de Franck. Le second, de 1919 (Saint-Saëns, qui a connu Liszt et Ber­lioz, est né en 1835) est ce que l’on peut ima­gi­ner de plus raf­fi­né (avec Richard Strauss) en musique rigou­reu­se­ment tonale. Les deux Sonates pour vio­lon et pia­no, plus clas­siques mais fortes et ori­gi­nales, enre­gis­trées par Oli­vier Char­lier et Jean Hubeau, accom­pagnent les Qua­tuors.

Szymanowski

Que Szy­ma­nows­ki (1882−1937) soit le plus grand com­po­si­teur polo­nais du XXe siècle nous est au fond indif­fé­rent : peu nous chaut la natio­na­li­té d’un com­po­si­teur, sauf s’il s’est ins­pi­ré du folk­lore de son pays, ce qui n’est pas le cas pour Szy­ma­nows­ki. Mais qu’il soit l’un des très grands créa­teurs du monde moderne, tous arts confon­dus, voi­là une évi­dence qui échappe sans doute à nombre d’auditeurs, qui peut les détour­ner de décou­vrir sa musique (comme l’amateur de vin pré­fère a prio­ri les grands crus titrés aux vins d’appellation modeste), et que vient confir­mer avec éclat un cof­fret des enre­gis­tre­ments réa­li­sés par Simon Rat­tle de 1993 à 2006 avec l’Orchestre et les chœurs de la ville de Bir­min­gham et une pléiade de solistes dont Leif Ove And­snes et Tho­mas Zehet­maïr3, par­mi les­quels les deux Concer­tos pour vio­lon, les Sym­pho­nies 3 (Chant de la nuit) et 4 (pour pia­no et orchestre), les Chants d’amour de Hafiz, l’opéra Le Roi Roger, le Sta­bat Mater. On ne sau­rait résu­mer une musique aus­si riche et sen­suelle, parente à la fois de Ravel, Rous­sel, Scria­bine, Stra­vins­ki, mais tout à fait ori­gi­nale et mer­veilleu­se­ment orches­trée. Il faut la décou­vrir comme on découvre un vin igno­ré d’un cépage incon­nu, l’esprit en éveil et le goût aigui­sé, prêt à toutes les aventures.

Voix anciennes et récentes

Ovide et ses Méta­mor­phoses étaient à la mode en 1608, et il est abon­dam­ment cité dans La Dafne, de Mar­co da Gaglia­no, enre­gis­tré par les solistes et l’ensemble Fuo­co e Cenere, diri­gé par Jay Bern­feld4. Il s’a­git d’un opé­ra aux poly­pho­nies com­plexes, encore proche de la musique de la Renais­sance, musique à la fois savante et joyeuse.
Le Sta­bat Mater n’est pas une des œuvres les plus connues de Vival­di et son écoute à l’a­veugle pour­rait vous le faire attri­buer à Haen­del. Si vous êtes satu­ré par les Sai­sons et les innom­brables Concer­tos, oubliez qu’il s’agit de Vival­di et goû­tez ces arias mer­veilleu­se­ment mélo­diques, enre­gis­trées par l’Ensemble Matheus5.
Enfin, notre cama­rade Ferey pour­suit l’édition des œuvres de Paul Lad­mi­rault avec des œuvres pour chœur6 : Chan­sons écos­saises, Chœurs de voix mixtes a capel­la, etc. Pièces jolies et sans pré­ten­tion autre que de réjouir un groupe d’amis, un soir, avec quelque bon vin.
Lad­mi­rault était bre­ton, mais nous sug­gé­re­rons, pour ces musiques, comme pour celles qui pré­cèdent, de ser­vir à vos amis un Mau­ry vin­tage, et à l’aveugle, bien entendu.

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1. 2 CD CALLIOPE.
2. 2 CD APAX.
3. 4 CD EMI.
4. 1 CD ARION.
5. 1 CD NAÏVE.
6. 1 CD SKARBO.

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