Delphine Fayol (05), ingénieriste du vivant

Dossier : AtypiXMagazine N°Delphine Fayol (05), ingénieriste du vivant
Par Delphine FAYOL (05)

La curio­si­té : Del­phine a été à bonne école pour l’aiguiser. Une ado­les­cence en Alle­magne, sur les bancs de l’école alle­mande, lui a ouvert les yeux à une culture si proche et pour­tant irré­duc­tible à la nôtre.

Comme beau­coup de jeunes tau­pins, elle a appré­cié la pré­pa « à cause de son côté plu­ri­dis­ci­pli­naire, qui repous­sait l’heure du choix de la spé­cia­li­sa­tion. Je vou­lais com­prendre le monde qui nous entoure dans toute sa com­plexi­té. » Quant l’opportunité s’est pré­sen­tée d’aller faire sa qua­trième année de l’X à l’étranger, elle l’a sai­sie très naturellement.

A Cor­nell, à l’aise dans un envi­ron­ne­ment cos­mo­po­lite, elle réa­lise à nou­veau qu’il n’y a pas de pen­sée unique. Elle y mène une vie stu­dieuse, loin de l’ambiance bon enfant de l’X : aux États-Unis, ce sont les under­gra­duates qui portent le folklore.

Mais elle y prend conscience d’autre chose. « L’X m’a trans­mis la curio­si­té intel­lec­tuelle. Mais je n’aurais jamais été ten­tée par la start-up si je n’étais pas allée aux États-Unis. A l’X, je voyais ma car­rière dans un grand labo où j’aurais eu à mettre en œuvre des direc­tives claires.

Mais je suis reve­nue des États-Unis plus opti­miste. Les Amé­ri­cains croient en leur capa­ci­té à chan­ger le monde. Je me suis dit que nous autres Fran­çais ne sommes pas plus bêtes qu’eux. L’entrepreneuriat, c’est la pos­si­bi­li­té d’aller hors des sen­tiers battus. »

L’événement déclen­cheur, c’est ce col­loque anni­ver­saire des 10 ans du groupe XMP-Bio­tech dont elle est l’une des orga­ni­sa­trices. Elle y assiste à la pré­sen­ta­tion de Fabien Guille­mot sur la bioim­pres­sion 3D de tis­sus. Ce cher­cheur INSERM est sur le point de créer une start-up, Poie­tis (dont le nom pro­vient de poie­sis, fabri­ca­tion en grec, et tis­su), pour déve­lop­per la tech­no­lo­gie de bioim­pres­sion et les appli­ca­tions asso­ciées en fabri­ca­tion de tis­sus personnalisés.

La tech­no­lo­gie est sub­tile : il s’agit, par dépôt de micro­gouttes de sus­pen­sions cel­lu­laires, de créer un tis­su vivant : de l’impression 3D, la vie en plus. Del­phine rap­pelle Fabien. Après un pas­sage par le cycle Stan­ford Ignite des­ti­né à des jeunes pro­fes­sion­nels qui veulent se lan­cer dans l’aventure de l’entrepreneuriat, Del­phine rejoint Poie­tis à Noël 2014 au sein de l’équipe de direction.

« Le vivant me fas­ci­nait par sa part d’inconnu et son côté rebelle à la mise en équa­tion. » En inté­grant l’X, elle avait trou­vé un large éven­tail de cours qui répon­dait à ce désir. Et un stage au labo­ra­toire Matière et Sys­tèmes Com­plexes de Paris 7 lui avait fait décou­vrir l’ingénierie tis­su­laire, cette branche de la méde­cine régé­né­ra­trice qui vise à recréer en labo des tis­sus humains pour répa­rer des tis­sus blessés.

Elle avait appré­cié ce tra­vail d’ingénieur au che­vet de cette grande machine qu’est l’être humain. Au retour des États-Unis, c’est dans ce même labo­ra­toire qu’elle avait atta­qué son doc­to­rat sur l’utilisation du mar­quage magné­tique de cel­lules pour géné­rer des struc­tures mul­ti­cel­lu­laires orga­ni­sées et elle avait tra­vaillé sur l’ingénierie des vais­seaux san­guins et sur la for­ma­tion de tis­sus car­ti­la­gi­neux à par­tir de cel­lules souches.

Après son doc­to­rat, elle sou­hai­tait rejoindre le monde indus­triel pour se rap­pro­cher des appli­ca­tions de ses recherches. Elle était ain­si entrée chez Ber­tin Tech­no­lo­gies, pour y par­ti­ci­per à un pro­jet d’industrialisation de la pro­duc­tion de cel­lules souches pour de la thé­ra­pie cel­lu­laire : ces cel­lules devaient ensuite être réin­jec­tées dans le cœur après un infarc­tus pour contri­buer à sa régénération.

Ce pro­jet, conduit avec une start-up, lui avait fait décou­vrir d’autres facettes du métier : la régle­men­ta­tion, les normes, l’électronique, le contrôle com­mande, la concep­tion des équi­pe­ments… et apprendre le lan­gage des déve­lop­peurs de machines, qui aujourd’hui lui est pré­cieux chez Poietis.

Del­phine est aujourd’hui à la tête d’une équipe de cinq per­sonnes. Elle mesure à leur regard la res­pon­sa­bi­li­té qui est la sienne. « Les col­la­bo­ra­teurs attendent de moi des idées claires sur la direc­tion à prendre. Il n’y a rien de pire que de créer des bar­rières entre nous. »

Elle se féli­cite de l’agenda extra­or­di­nai­re­ment varié de sa start-up. Son atti­rance de tou­jours pour le bio­mé­di­cal et l’ingénierie tis­su­laire, pro­messes de nou­velles thé­ra­pies, y trouve sens.

A ses heures per­dues, Del­phine est pour l’association Fra­te­li la « mar­raine » d’une jeune Tou­lou­saine pour­sui­vant des études d’ingénieur. Entre ces deux jeunes femmes que peu d’années séparent s’est éta­blie une rela­tion de confiance et d’amitié.

Elle garde aus­si le temps des loi­sirs. Avec son mari, pen­dant l’été, elle s’offre de longs voyages à vélo en Fin­lande, en Alle­magne, sur les che­mins de Saint-Jacques ou tout sim­ple­ment en France. Et elle sou­hai­te­rait avoir plus de temps à consa­crer à la peinture.

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