Controverses démographiques

Dossier : ExpressionsMagazine N°646 Juin 2009

Un décapant de choix

Je me suis aper­çu que balayer les idées reçues (les « véri­tés offi­cielles ») néces­site l’emploi de déter­gents effi­caces et le dos­sier de novembre s’a­vère un déca­pant de choix… Per­son­nel­le­ment je n’ai pas été sur­pris des conclu­sions, mais je ne dis­po­sais pas de l’ar­gu­ment de base choc que consti­tuent les pyra­mides des âges rela­tives de 1997 et 2007. Fran­çois Deniau (58)

Un vieillissement retardé

Le vieillis­se­ment chro­no­lo­gique n’est pas le vieillis­se­ment bio­lo­gique et la san­té des sexa­gé­naires est bien meilleure aujourd’­hui qu’au­tre­fois ou même que naguère. Nous avons donc la pos­si­bi­li­té de recu­ler de quelques années l’âge de la retraite et nous dis­po­sons d’un peu plus de temps pour réagir que ne le montrent les ana­lyses brutes, même si le point démo­gra­phique fon­da­men­tal, l’âge de la méno­pause, n’a pra­ti­que­ment pas varié. Nico­las Zar­pas (58)

Vieillissement contre surpopulation

Il y a deux opi­nions, celle de ceux qui pensent que le vieillis­se­ment est le plus grand pro­blème et celle de ceux qui pensent que la sur­po­pu­la­tion est le plus grand pro­blème. Pierre Bou­tron (59)

Il faut ralentir la croissance de la population mondiale

Mais qui paie­ra nos retraites si la popu­la­tion ne croît plus ? Voi­là la crainte prin­ci­pale sou­vent inavouée parce qu’elle est très égoïste

Nous sommes trop nom­breux sur la Terre. Il faut oser le dire et prendre des mesures dès main­te­nant… car à part la Chine, aucun pays ne semble avoir pris de mesure concrète pour ralen­tir la crois­sance de la popu­la­tion. Et j’en­tends aus­si dire avec fier­té sur les médias, et avec convic­tion dans La Jaune et La Rouge, que la France est un des rares pays euro­péens où la nata­li­té a repris, et que la nata­li­té reste insuf­fi­sante. Com­ment peut-on être égoïste à ce point ?

Car il faut vrai­ment ralen­tir la crois­sance de la popu­la­tion mon­diale, par­tout. Si l’on veut don­ner des conseils à d’autres pays, il faut mon­trer l’exemple ici, et faire ce qu’il faut dans les ins­tances inter­na­tio­nales, pour ne pas être enva­hi, pas for­cé­ment paci­fi­que­ment, par les excès de popu­la­tion ailleurs. Jacques-Phi­lippe Dupré (56)

Réduire drastiquement le nombre des naissances

Le nombre des hommes n’a jamais ces­sé d’aug­men­ter. Nous attei­gnons la limite de nos res­sources. C’est le pro­blème prin­ci­pal d’au­jourd’­hui et il est irres­pon­sable d’ap­pe­ler à un renou­veau démo­gra­phique de l’Eu­rope. Au contraire, l’Eu­rope doit don­ner l’exemple et réduire dras­ti­que­ment le nombre des nais­sances. Dans toutes les réunions inter­na­tio­nales, quel qu’en soit le sujet prin­ci­pal, le numé­ro un de l’ordre du jour devrait être la sur­po­pu­la­tion du globe. Charles Billet (35)

Les seniors sont les victimes

Les seniors sont les grandes vic­times de la mau­vaise appré­cia­tion des véri­tables enjeux de la démo­gra­phie. Situés peu ou prou entre l’âge de 60 ans, début de la vieillesse sup­po­sée et celui de 73 ans, début véri­table (en 2007), ils sont pra­ti­que­ment mis hors cir­cuit. Ils sont aujourd’­hui 6 mil­lions, soit envi­ron 10% de la popu­la­tion. En 2030, ils seront 13 mil­lions, soit 20 % du total. C’est un pro­blème de taille majeure, lar­ge­ment occul­té aujourd’­hui par l’a­veu­gle­ment sur le pré­ten­du vieillis­se­ment de la popu­la­tion. Quant au pro­blème de l’im­mi­gra­tion, c’est une réa­li­té de notre temps, comme elle l’a été à des degrés divers à toutes les époques. Paul Ber­nard (44)

Des idées voi­sines ont été expri­mées par Hen­ri Duprat (45), Pierre Mou­lin (49), Hubert Lévy-Lam­bert (53) et bien d’autres que nous remer­cions ici.

Le commentaire de Christian Marchal (58)

Mer­ci à ceux qui ont approu­vé, de façon par­fois enthou­siaste. Mer­ci aus­si pour les cri­tiques, une cri­tique hon­nête est tou­jours utile. Ces cri­tiques, quant à elles, et c’est une sur­prise, ne sont pas des cri­tiques » poli­ti­que­ment cor­rectes « . Pour­tant la plu­part des dos­siers de novembre atta­quaient vigou­reu­se­ment ces véri­tés offi­cielles, mais il ne s’est trou­vé per­sonne suf­fi­sam­ment moti­vé pour les défendre et c’est un indice important.

L’immigration maintient la population européenne

Les cri­tiques douces, telles que celles de Nico­las Zar­pas ou de Pierre Bou­tron, font preuve d’un grand opti­misme. Elles estiment que la popu­la­tion de l’Eu­rope aug­mente encore grâce à la crois­sance de l’es­pé­rance de vie. C’é­tait vrai avant l’an 2000, mais ne l’est plus du tout aujourd’­hui à cause de l’a­van­cée du vieillis­se­ment. C’est l’im­mi­gra­tion qui empêche la popu­la­tion euro­péenne de décroître.

Mais, on peut dou­ter qu’une action » dans les ins­tances inter­na­tio­nales « , et non sur le ter­rain, change quoi que ce soit aux flux d’im­mi­gra­tion, comme le pro­pose Jacques-Phi­lippe Dupré.

À la limite de la subsistance

En ce qui concerne les cri­tiques plus dures, L’Eu­rope doit-elle » don­ner l’exemple et réduire dras­ti­que­ment le nombre des nais­sances » ? On peut répondre que l’Eu­rope a déjà fait plus que sa part avec moins de 1,5 enfant par femme et un nombre de décès qui chaque année dépasse de plus d’un mil­lion le nombre de naissances.

Certes les pro­blèmes de l’en­vi­ron­ne­ment sont graves, mais ce ne sont plus ceux de l’ex­plo­sion démo­gra­phique. Nous avons tous les moyens de faire face. C’est une ques­tion de volonté

Mais il faut aus­si réfu­ter le reste : « Le nombre des hommes n’a jamais ces­sé d’aug­men­ter. Nous attei­gnons la limite de nos res­sources « , dit Charles Billet. Au contraire, constam­ment pous­sée par la pres­sion démo­gra­phique, mais frei­née par la limi­ta­tion des res­sources, l’hu­ma­ni­té a vécu une suite de hauts et de bas, tou­jours à la limite de la sub­sis­tance. Ce sont les pro­grès tech­niques qui per­mettent une meilleure uti­li­sa­tion des res­sources, condi­tion d’une aug­men­ta­tion démo­gra­phique. La révo­lu­tion néo­li­thique il y a envi­ron dix mille ans – l’in­ven­tion de l’a­gri­cul­ture – per­met un décu­ple­ment de la population.

La révo­lu­tion agri­cole médié­vale du XIIe siècle entraîne en deux siècles un dou­ble­ment de la popu­la­tion fran­çaise, mais le qua­tor­zième siècle est un siècle de catas­trophes : mau­vaises récoltes, Grande Peste, guerre de Cent Ans. En 1450 la popu­la­tion fran­çaise est retom­bée au niveau de 1100. Puis vien­dront suc­ces­si­ve­ment la Renais­sance, l’im­pri­me­rie et les grandes décou­vertes, les ency­clo­pé­dies, la révo­lu­tion indus­trielle, l’al­pha­bé­ti­sa­tion de masse et aujourd’­hui la révo­lu­tion cog­ni­tive. Chaque étape donne un accrois­se­ment des res­sources et la pro­gres­sion démo­gra­phique correspondante.

Aujourd’­hui cette condi­tion mul­ti­mil­lé­naire de l’hu­ma­ni­té est en passe de deve­nir un sou­ve­nir his­to­rique : la pres­sion démo­gra­phique tombe de plus en plus. Il est deve­nu très facile de ne pas avoir d’en­fant alors qu’il est tou­jours aus­si dif­fi­cile qu’au­tre­fois d’en avoir.

Les deux tiers de l’humanité ne renouvellent plus leurs générations

Le résul­tat ne se fait pas attendre : les pays qui ne renou­vellent plus leurs géné­ra­tions, par­fois de beau­coup, repré­sentent aujourd’­hui plus des deux tiers de l’hu­ma­ni­té. C’est la remar­quable pro­gres­sion de l’es­pé­rance de vie, essen­tiel­le­ment dans les trois quarts du tiers-monde, qui pour une ou deux décen­nies est le véri­table moteur démo­gra­phique de l’hu­ma­ni­té moderne. Bien enten­du cette pro­gres­sion s’ac­com­pagne d’un vieillis­se­ment géné­ral rapide.

Maîtriser le vieillissement

La maî­trise du vieillis­se­ment est un pro­blème autre­ment plus dif­fi­cile. Il nous faut d’a­bord recon­naître que rare­ment dans notre his­toire une jeu­nesse aura été aus­si mal accueillie par les adultes. Oh ! certes elle a été bien nour­rie et bien soi­gnée, mais en regard qu’a-t-on ? Une édu­ca­tion natio­nale dété­rio­rée, une dette publique énorme que l’on se pré­oc­cupe peu de rem­bour­ser et que l’on met donc sur le dos des jeunes sans leur deman­der leur avis, une pro­por­tion jamais atteinte, près d’un tiers, d’en­fants ayant vu leurs parents se sépa­rer, un chô­mage mas­sif et une pau­pé­ri­sa­tion géné­rale des jeunes Européens.

Améliorer la situation des jeunes

Si l’on ne veut pas que la France et l’Eu­rope deviennent dans trente ans des asiles de vieillards sans res­sources, il est tout à fait néces­saire d’a­mé­lio­rer radi­ca­le­ment la situa­tion des jeunes et en par­ti­cu­lier des jeunes femmes trop sou­vent contraintes à faire des choix dou­lou­reux entre vie pro­fes­sion­nelle et vie fami­liale. Le moyen le plus radi­cal pour que les hommes poli­tiques se pré­oc­cupent de ce pro­blème essen­tiel serait que les citoyens mineurs soient désor­mais repré­sen­tés dans les élec­tions par ceux qui en ont la res­pon­sa­bi­li­té juri­dique, de pré­fé­rence leur mère. Cette » démo­cra­tie com­plète » per­met­trait aux hommes poli­tiques de prendre les mesures néces­saires sans pour autant y lais­ser leur carrière.

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