Un laboratoire d’Eurofins.

Contrôle de qualité des aliments : traçabilité et authenticité

Dossier : La chimie et les hommesMagazine N°576 Juin/Juillet 2002
Par Yves-Loïc MARTIN (87)
Par Gérard J. MARTIN
Par Maryvonne L. MARTIN

La sécurité alimentaire… à la poursuite du » risque zéro »

La sécurité alimentaire… à la poursuite du » risque zéro »

Les pro­duits agroa­li­men­taires sont désor­mais sou­mis, dans les pays déve­lop­pés tout au moins, à des normes de qua­li­té de plus en plus exi­geantes, vigi­lantes quant à la sécu­ri­té. À cet égard, comme l’illustre le drame de l’en­cé­pha­lo­pa­thie spon­gi­forme bovine (ESB), l’am­pleur et la gra­vi­té des dan­gers encou­rus, une pos­sible » mon­dia­li­sa­tion » des conta­mi­na­tions inter­pellent une com­mu­nau­té scien­ti­fique appe­lée à garan­tir, dans l’ur­gence, des diag­nos­tics fiables dans des condi­tions éco­no­mi­que­ment supportables.


Un labo­ra­toire d’Eurofins.

Du fait de la com­plexi­té des matrices agroa­li­men­taires et de leurs inter­ac­tions avec l’en­vi­ron­ne­ment, des risques de conta­mi­na­tion inter­viennent à tous les stades de l’é­la­bo­ra­tion des pro­duits, depuis les bio­syn­thèses à par­tir des matières pre­mières pri­maires (eau, gaz car­bo­nique…) jus­qu’aux étapes d’emballage et de conser­va­tion. Depuis une ving­taine d’an­nées, les labo­ra­toires s’ap­pliquent à tra­quer un nombre crois­sant de pol­luants, qu’ils soient d’o­ri­gine chi­mique ou bac­té­rio­lo­gique, dans des matrices de toutes natures et à des seuils de plus en plus bas.

Cepen­dant, dans un sec­teur agro-indus­triel constam­ment inno­vant à tous les stades de la pro­duc­tion, de la trans­for­ma­tion et de la dis­tri­bu­tion, la mul­ti­pli­ca­tion des types de pol­luants et des vec­teurs de conta­mi­na­tion pos­sibles a ren­du le contrôle de plus en plus com­plexe. Si l’on se réfère au thème de ce numé­ro, » la chi­mie et les hommes « , force est de consta­ter que les pro­grès de la chi­mie, mis au ser­vice de la pro­duc­tion agri­cole et de l’a­li­men­ta­tion, ne sont pas exempts de réper­cus­sions négatives.

Ain­si l’u­ti­li­sa­tion inten­sive de fer­ti­li­sants, les nitrates en par­ti­cu­lier, est source de pol­lu­tions des sols et des eaux, sus­cep­tibles de se trans­mettre à toute la chaîne ali­men­taire. La pro­tec­tion des cultures et les exi­gences de sto­ckage ont sus­ci­té la mise au point d’une gamme de plus en plus large de pro­duits phy­to­sa­ni­taires dont les traces se retrouvent par­fois dans les légumes, les fruits, les céréales et même dans les pro­duits transformés.

Par ailleurs, l’a­dop­tion d’un sys­tème de dis­tri­bu­tion des pro­duits sous forme embal­lée a conduit à se pré­oc­cu­per, d’une part des risques de conta­mi­na­tion par les embal­lages eux-mêmes (migra­tion d’i­so­cya­nates aro­ma­tiques ou ali­pha­tiques issus des adhé­sifs et d’a­mines pri­maires déri­vées), d’autre part de la dif­fu­sion, au tra­vers de l’emballage, de pol­luants chi­miques, de gaz toxiques ou de microor­ga­nismes. Récem­ment les médias ont mis l’ac­cent sur les dan­gers pour la san­té humaine de la dis­sé­mi­na­tion de pol­luants résul­tant d’ac­ti­vi­tés chi­miques ou de l’in­ci­né­ra­tion des déchets.

Cer­tains, comme les PCB (Poly­Chlo­ri­na­ted Biphe­nyles), sont direc­te­ment pro­duits par l’in­dus­trie chi­mique, ce qui per­met d’en contrô­ler l’u­ti­li­sa­tion, d’autres, tels les dioxines (diben­zo-para-dioxines, diben­zo­fu­ranes poly­chlo­rés), sont des sous-pro­duits. Ces pol­luants lipo­philes très toxiques ne se dégradent pas faci­le­ment et peuvent donc se retrou­ver dans de nom­breux ali­ments, notam­ment les matières grasses.

La dis­tri­bu­tion molé­cu­laire du deu­té­rium n’est pas statistique
La distribution moléculaire du deutérium n’est pas statistique
Le rap­port du nombre d’atomes de deu­té­rium D sur les sites méthy­lène (CH2) et méthyle (CH3) de l’éthanol de vin n’est pas dans le rap­port 23 ; mais atteint 2,5÷3. Sur­faces pro­por­tion­nelles au nombre d’atomes

Plus récem­ment de nou­velles inter­ro­ga­tions ont été sus­ci­tées par la com­mer­cia­li­sa­tion de pro­duits issus de plantes géné­ti­que­ment modi­fiées. Ces pro­duits avaient déjà enva­hi le mar­ché des États-Unis et occu­paient une place signi­fi­ca­tive dans leurs expor­ta­tions lorsque le débat sur les réper­cus­sions éco­lo­giques des Orga­nismes géné­ti­que­ment modi­fiés (OGM) a pris en Europe des formes viru­lentes allant jus­qu’à des opé­ra­tions média­ti­sées d’ar­ra­chage de cultures expé­ri­men­tales en plein champ.

Ce débat est désor­mais lar­ge­ment relayé en Amé­rique du Nord, où, par exemple, le pol­len de blé modi­fié a été ren­du res­pon­sable de la mor­ta­li­té de larves du papillon » Monarch « , une espèce pro­té­gée. Cepen­dant, même si les réti­cences expri­mées par de nom­breuses asso­cia­tions ont réveillé la méfiance des consom­ma­teurs amé­ri­cains, il est deve­nu dif­fi­cile de faire machine arrière. En effet près de la moi­tié des récoltes amé­ri­caines de soja, de coton et de maïs pro­vient de plantes géné­ti­que­ment modi­fiées et les OGM de légumes et céréales occupent une place impor­tante dans l’a­li­men­ta­tion y com­pris celle des enfants en bas âge.

La dis­sé­mi­na­tion de ces orga­nismes dans l’en­vi­ron­ne­ment par pol­li­ni­sa­tion croi­sée rend d’ores et déjà impos­sible l’a­dop­tion de normes excluant la pré­sence de traces d’OGM en deçà d’un seuil de 1 pour 1000. Les polé­miques por­tant sur l’in­té­rêt et les dan­gers de la culture d’OGM à grande échelle sont loin d’être closes. S’il semble admis que le risque toxique ou aller­gi­sant est actuel­le­ment faible, les mili­tants anti-OGM ne se satis­font pas des objec­tifs affi­chés qui visent, d’une part à limi­ter l’u­ti­li­sa­tion de pes­ti­cides par pro­duc­tion de semences résis­tantes aux rava­geurs, et d’autre part, à amé­lio­rer la qua­li­té nutri­tive des ali­ments, en aug­men­tant notam­ment la part des pro­téines et en dimi­nuant celle des lipides.

La teneur en deu­té­rium de l’eau varie sur la Terre
La teneur en deutérium de l’eau varie sur la Terre
D/H repré­sente le rap­port des nombres d’atomes iso­topes (deu­té­rium D et hydro­gène H) expri­mé en par­ties par million.
À Nantes, l’eau contient envi­ron 150 atomes de deu­té­rium pour 1 mil­lion d’atomes d’hydrogène.

Pour eux les béné­fices atten­dus dans le cadre de la lutte contre la faim dans le Tiers-Monde et contre un recours abu­sif aux trai­te­ments chi­miques ne jus­ti­fient pas que l’on s’en­gage dans une modi­fi­ca­tion des espèces sus­cep­tible de com­por­ter, à plus ou moins long terme, des risques éco­lo­giques incontrôlables.Dans ce contexte, les craintes sus­ci­tées par des risques sani­taires impar­fai­te­ment maî­tri­sés confortent l’in­té­rêt crois­sant du consom­ma­teur pour des pro­duits dits » natu­rels « , sup­po­sés exempts de toxi­ci­té et dont » l’his­toire » peut être retra­cée avec cer­ti­tude. Cet engoue­ment pour le » natu­rel » a même favo­ri­sé l’é­mer­gence de nou­veaux pro­duits, les ali­ca­ments ou nutra­ceu­tiques, qui sans être des médi­ca­ments sont cré­di­tés d’ef­fets béné­fiques sur la san­té. Cepen­dant, bien que » natu­rels » les pro­duits dits » bio » et les pré­pa­ra­tions à base de plantes n’é­chappent pas aux risques de conta­mi­na­tion, de mani­pu­la­tions frau­du­leuses ou de dosages dan­ge­reux ; et ils doivent donc être contrô­lés et authentifiés.

Défauts de conformité et fraudes

Si les conta­mi­na­tions ali­men­taires sont le plus sou­vent d’o­ri­gine acci­den­telle, de nom­breux défauts de confor­mi­té résultent de fraudes déli­bé­rées à moti­va­tion éco­no­mique. Bien qu’elles puissent prendre acci­den­tel­le­ment un carac­tère cri­mi­nel, comme ce fut le cas pour l’ad­di­tion de métha­nol à des vins ita­liens ou la pré­sence d’a­ni­line dans de l’huile d’o­live espa­gnole, ces fraudes sont géné­ra­le­ment inof­fen­sives. La majo­ri­té des fal­si­fi­ca­tions visent un pro­fit en sub­sti­tuant aux ingré­dients de l’é­ti­quette des com­po­sés meilleur mar­ché et géné­ra­le­ment de moindre qualité.

Ana­lyse dis­cri­mi­nante de vins à par­tir des teneurs isotopiques
de l’éthanol de vin
Analyse discriminante de vins à partir des teneurs isotopiques de l’éthanol de vin
Elle dis­tingue les pro­ve­nances (B) et même les mil­lé­simes (bas de la figure).

La fraude, aiguillon du pro­grès scientifique ! 
le cas de l’a­rôme vanille

La vanil­line natu­relle extraite des gousses de vanille atteint des prix plus de cent fois supé­rieurs à ceux de la vanil­line de syn­thèse. Aus­si, la ten­ta­tion est grande de sub­sti­tuer la seconde à la pre­mière. Cette ten­ta­tion entre­tient depuis long­temps une com­pé­ti­tion au plus haut niveau entre chi­mistes, les uns cher­chant à rendre la sub­sti­tu­tion indé­tec­table, les autres s’ef­for­çant de détec­ter la fraude ! Dans les années 70, les pro­cé­dures de contrôle de l’a­rôme vanille, fon­dées sur des ana­lyses com­po­si­tion­nelles, res­taient peu effi­caces et des extraits de vanille pré­ten­du­ment Bour­bon haut de gamme étaient bien sou­vent des extraits indo­né­siens à faible teneur en vanil­line enri­chis par de la vanil­line de syn­thèse. Une pre­mière manche fut gagnée par le contrôle lorsque la spec­tro­mé­trie de masse don­na accès aux rap­ports iso­to­piques glo­baux D/H et sur­tout 13C/12C de la molé­cule de vanil­line. Mais la méthode fut rapi­de­ment mise en échec. En effet le rap­port 13C/12C étant plus éle­vé dans l’es­pèce natu­relle que dans l’es­pèce syn­thé­tique, le rap­port iso­to­pique » natu­rel » put être simu­lé par addi­tion au pro­duit hémi­syn­thé­tique (déri­vé de lignine) ou syn­thé­tique (pré­pa­ré à par­tir de phé­nols) d’une faible quan­ti­té (infé­rieure à 100 mg/kg) de vanil­line mar­quée au car­bone-13 sur le groupe méthoxyle. Des pro­to­coles de cou­pure furent alors mis au point, pour iso­ler le frag­ment méthoxyle afin d’en contrô­ler l’en­ri­chis­se­ment. Mais vint aus­si le soup­çon d’une simu­la­tion du rap­port » natu­rel » par addi­tion de pro­duit enri­chi sur le site car­bo­nyle, ce qui sus­ci­ta en retour la mise au point d’une méthode de décar­boxy­la­tion, des­ti­née à contrô­ler l’en­ri­chis­se­ment en 13C du carbonyle.

Cepen­dant l’ha­bi­le­té des chi­mistes à mani­pu­ler les teneurs en car­bone-13 pour les cal­quer sur celles du pro­duit natu­rel finit par faire échec aux méthodes fon­dées sur la spec­tro­mé­trie de masse. Le relais fut pris alors par la réso­nance magné­tique nucléaire. En déter­mi­nant simul­ta­né­ment quatre variables (D/H)i, asso­ciées aux quatre sites CH de la molé­cule de vanil­line, la méthode SNIF-NMR four­nit une empreinte iso­to­pique dont la puis­sance dis­cri­mi­nante, éven­tuel­le­ment ren­for­cée par une exploi­ta­tion conjointe des rap­ports iso­to­piques du car­bone et de l’oxy­gène, non seule­ment assure une dis­tinc­tion des trois ori­gines, ex-gousses, hémi­syn­thèse et syn­thèse, mais per­met d’i­den­ti­fier, au sein de cha­cun de ces groupes, des sous-groupes asso­ciés, à des ori­gines géo­gra­phiques dif­fé­rentes, à des matières pre­mières dif­fé­rentes, ou encore à des pro­cé­dés de syn­thèse différents.

Aujourd’­hui, cette com­pé­ti­tion scien­ti­fique, au demeu­rant fort sti­mu­lante, est-elle ter­mi­née ? Force est de consta­ter, même si la morale n’y trouve pas son compte, que seul un coût de fabri­ca­tion du pro­duit frau­du­leux proche du béné­fice atten­du devient suf­fi­sam­ment dissuasif !


La fraude peut ain­si por­ter sur un non-res­pect de la com­po­si­tion régle­men­taire ou tra­di­tion­nelle du pro­duit, sur une usur­pa­tion de noto­rié­té ou sur la contre­fa­çon d’un pro­cé­dé de fabri­ca­tion. Par exemple, les mani­pu­la­tions frau­du­leuses des jus de fruits, dont la consom­ma­tion annuelle par tête, de l’ordre de 5 litres en France, atteint 30 litres aux États-Unis, ont un impact éco­no­mique considérable.

Bien que la régle­men­ta­tion impose aux jus, com­mer­cia­li­sés sous forme de » pur jus » haut de gamme ou sous forme de concen­trés redi­lués, d’être pré­pa­rés exclu­si­ve­ment à par­tir du fruit, des ajouts illé­gaux de sucres, d’a­cide citrique, d’a­cide malique, d’eau… ont été consta­tés. En 1980, aux USA, un » jus de pomme » pré­pa­ré à par­tir de sucres, d’a­cides, d’eau, de colo­rants et d’a­rômes et ne conte­nant pas de pomme a même été mis sur le marché.

En fait, les fal­si­fi­ca­tions abondent dans toutes les caté­go­ries de pro­duits agroa­li­men­taires (cf. enca­dré). Citons, dans le domaine des vins et spi­ri­tueux, les chap­ta­li­sa­tions ou sur­chap­ta­li­sa­tions illé­gales, les ajouts d’eau, les trom­pe­ries sur l’o­ri­gine géo­gra­phique des vins et sur la nature des alcools de fruits et de céréales… Dans le sec­teur des arômes, les enjeux éco­no­miques engen­drés par le coût très éle­vé de la vanil­line natu­relle, bio­syn­thé­ti­sée par la plante Vanilla pla­ni­fo­lia, com­pa­ré à celui de l’é­qui­valent de syn­thèse, expliquent la fré­quence des non-confor­mi­tés du pro­duit pré­ten­du » natu­rel » (cf. encadré).

Long­temps désar­més devant ces types de fraudes, les labo­ra­toires ont béné­fi­cié au cours des der­nières décen­nies d’un accrois­se­ment spec­ta­cu­laire de la puis­sance ana­ly­tique, au double plan des concepts et de l’instrumentation.

Le contrôle analytique : détecter les contaminations, assurer la traçabilité, garantir l’authenticité

Bien que l’a­mé­lio­ra­tion des pro­cé­dés de contrôle entraîne inva­ria­ble­ment la sophis­ti­ca­tion accrue des fraudes, le chi­miste ana­lyste dis­pose désor­mais des moyens appro­priés pour détec­ter la plu­part des conta­mi­na­tions ou fal­si­fi­ca­tions. L’a­na­lyse de matrices agroa­li­men­taires sou­vent com­plexes fait appel à des tech­no­lo­gies modernes, implan­tées sur des ins­tru­ments haut de gamme, et exploi­tant les déve­lop­pe­ments métho­do­lo­giques les plus récents. Confron­tés à des pro­blé­ma­tiques très diverses, les ana­lystes ont dû adap­ter spé­ci­fi­que­ment leurs outils et leurs cibles aux objec­tifs requis.

Détection de composés exogènes, l’analyse compositionnelle

Dans la plu­part des conta­mi­na­tions ou dégra­da­tions sus­cep­tibles d’af­fec­ter la san­té humaine, il s’a­git de détec­ter des molé­cules pol­luantes exo­gènes, d’o­ri­gine chi­mique ou bio­lo­gique, absentes en prin­cipe de l’é­chan­tillon étu­dié. Le plus sou­vent, ces molé­cules doivent être iden­ti­fiées et quan­ti­fiées. Le chi­miste s’a­dresse donc aux méthodes conven­tion­nelles d’ex­trac­tion, sépa­ra­tion et iden­ti­fi­ca­tion struc­tu­rale des molécules.

Le cli­mat influence la répar­ti­tion isotopique
Le climat influence la répartition isotopique
Une ana­lyse fac­to­rielle dis­cri­mi­nante regroupe les pays en fonc­tion de cri­tères de tem­pé­ra­ture et d’humidité.
On dis­tingue sans ambi­guï­té un vin d’un pays chaud et sec comme la Tuni­sie (Tn), le Maroc (Ma), d’un vin pro­ve­nant d’un pays plus froid et humide comme la Suisse (CH) ou le Maine-et-Loire (F49).

À cet égard, les tech­niques d’ex­trac­tion par fluide super­cri­tique offrent une alter­na­tive inté­res­sante à l’ex­trac­tion par sol­vant orga­nique dans le cas des ali­ments non gras. Plus géné­ra­le­ment, le per­fec­tion­ne­ment et la diver­si­fi­ca­tion des tech­niques chro­ma­to­gra­phiques ont sus­ci­té un essor consi­dé­rable de l’a­na­lyse chi­mique com­po­si­tion­nelle, incluant la sépa­ra­tion des iso­mères optiques.

Par ailleurs, la spec­tro­mé­trie de masse et les spec­tro­sco­pies infra­rouge et de réso­nance magné­tique nucléaire four­nissent de puis­sants outils de déter­mi­na­tion de la struc­ture et de la sté­réo­chi­mie des molé­cules, quelle qu’en soit la complexité.

De même, l’a­na­lyse élé­men­taire, com­bi­nant le cas échéant les tech­niques par plas­ma aux spec­tro­sco­pies ato­miques ou à la spec­tro­mé­trie de masse, mesure dans des condi­tions de rapi­di­té et d’ef­fi­ca­ci­té accrues la com­po­si­tion en élé­ments traces et, en par­ti­cu­lier, la teneur en métaux toxiques.

Toutes ces méthodes ont béné­fi­cié au cours des deux der­nières décen­nies d’a­mé­lio­ra­tions spec­ta­cu­laires en termes, d’une part de sen­si­bi­li­té, de répé­ta­bi­li­té et de repro­duc­ti­bi­li­té des mesures, d’autre part de rapi­di­té, de com­mo­di­té et de flexi­bi­li­té dans l’ob­ten­tion des résul­tats. Par ailleurs, le cou­plage des tech­niques de sépa­ra­tion, quan­ti­fi­ca­tion et iden­ti­fi­ca­tion (cou­plage de la chro­ma­to­gra­phie gazeuse ou de la chro­ma­to­gra­phie liquide avec la spec­tro­mé­trie de masse par exemple), en enchaî­nant auto­ma­ti­que­ment dif­fé­rentes étapes de l’a­na­lyse a ouvert de nou­velles pers­pec­tives dans l’é­tude de matrices agroa­li­men­taires com­plexes (arômes, pro­duits finis…).

Ces pro­grès tech­niques ont per­mis d’é­la­bo­rer des stra­té­gies ana­ly­tiques adap­tées à la déter­mi­na­tion en rou­tine des prin­ci­paux types de pol­luants orga­niques, de myco­toxines, et de microor­ga­nismes (lis­te­ria…). Ain­si, compte tenu de la grande diver­si­té des pes­ti­cides orga­no­phos­pho­rés ou orga­no­chlo­rés employés dans l’a­gri­cul­ture, les recherches récentes ont por­té sur la mise au point de tech­niques d’a­na­lyse » mul­ti­ré­si­dus » performantes.

Par exemple, une gamme de plus de 250 rési­dus de pes­ti­cides et pro­duits de dégra­da­tion peut être détec­tée dans des fruits et légumes, après une phase d’ex­trac­tion, au moyen d’é­qui­pe­ments de chro­ma­to­gra­phie gazeuse avec détec­tion par spec­tro­mé­trie de masse et de chro­ma­to­gra­phie liquide avec détec­tion par fluo­res­cence. Les limites de détec­tion se situent entre 0,02 et 1 mil­li­gramme par kilo.

Pour le même type de pro­duits, l’u­ti­li­sa­tion d’un équi­pe­ment cou­plant la chro­ma­to­gra­phie gazeuse à la spec­tro­mé­trie de masse en tan­dem (GC-MS-MS) auto­rise l’in­tro­duc­tion directe de l’é­chan­tillon et atteint, pour plus d’une ving­taine de rési­dus de pes­ti­cides, des limites de détec­tion de l’ordre de 2 nano­grammes par gramme.

Dans ce contexte, les indus­triels en sont venus à déplo­rer que l’a­mé­lio­ra­tion conti­nue des per­for­mances incite à la fixa­tion de normes qu’ils jugent par­fois décon­nec­tées de la dan­ge­ro­si­té, et qu’ils ont de plus en plus de mal à res­pec­ter dans les condi­tions d’en­vi­ron­ne­ment actuelles.

D’un autre point de vue, le » pro­fil com­po­si­tion­nel » d’un pro­duit com­plexe signe son ori­gine, il consti­tue donc un cri­tère d’authenticité.

De l’é­ti­quette au conte­nu… les sur­prises du consommateur

Le consom­ma­teur, qui consulte la com­po­si­tion d’un pro­duit décrite sur l’é­ti­quette, est sou­vent éton­né par la lon­gueur et la diver­si­té de la liste. Il serait encore plus impres­sion­né dans cer­tains cas par la liste des ingré­dients pré­sents mais non men­tion­nés ! En dépit des sanc­tions encou­rues dans les pays indus­tria­li­sés, pra­ti­que­ment aucun type de pro­duit haut de gamme ou com­mer­cia­li­sé en grand ton­nage n’é­chappe au risque de mani­pu­la­tion. La grande presse se fait régu­liè­re­ment l’é­cho des scan­dales les plus reten­tis­sants, soit parce qu’ils concernent des acteurs répu­tés soit parce que la san­té humaine a été mise en dan­ger. Nous y pui­se­rons quelques exemples de mal­ver­sa­tions qui, en réveillant la méfiance des consom­ma­teurs, font subir un énorme pré­ju­dice à toute une région.

Il en ain­si dans le sec­teur des vins, en par­ti­cu­lier celui des appel­la­tions d’o­ri­gine contrô­lée (AOC) très sen­sible aux atteintes à la répu­ta­tion de ses grands crus. Très contrô­lé, ce sec­teur doit pour­tant faire face à de nom­breuses condam­na­tions pour fal­si­fi­ca­tions diverses telles que : ajout de com­po­sés illi­cites ; mouillage ; chap­ta­li­sa­tion, ou sur­chap­ta­li­sa­tion illé­gale ; fraude sur l’ap­pel­la­tion d’o­ri­gine ou sur le mil­lé­sime ; etc. Ain­si quatre » Châ­teaux » bor­de­lais ont été récem­ment condam­nés par la cour d’ap­pel de Bor­deaux. L’un d’eux, le pres­ti­gieux » Châ­teau-Gis­cours « , était accu­sé notam­ment d’a­voir ajou­té dans les cuves en béton ou en acier des douelles de chêne – mor­ceaux de bois employés dans la confec­tion des bar­riques – afin de don­ner au vin un goût boi­sé. Fraude plus gros­sière, un vin ven­du en Alle­magne sous l’é­ti­quette » Cha­blis » était en fait un mélange de vins alle­mands et fran­çais bon marché.

Mais les réper­cus­sions des fraudes ne sont pas uni­que­ment éco­no­miques. Ain­si rap­pe­lons qu’en Ita­lie du Sud une faute d’or­tho­graphe sur un bidon d’al­cool (la lettre » m » effa­cée dans le mot » meta­nol ») a trans­for­mé en homi­cide une ten­ta­tive d’a­dul­té­ra­tion d’un vin par enri­chis­se­ment, cau­sant le décès de plu­sieurs per­sonnes. Plus récem­ment, en Égypte, une citoyenne bri­tan­nique a suc­com­bé à l’ab­sorp­tion de Caber­net-Sau­vi­gnon ache­té dans un super­mar­ché local.

Dans le sec­teur des huiles, les impor­tantes dif­fé­rences de prix entre ori­gines végé­tales incitent à la sub­sti­tu­tion. Les ser­vices de la répres­sion des fraudes ont ain­si obte­nu devant le tri­bu­nal de Grasse une condam­na­tion à un an de pri­son avec sur­sis, assor­tie d’une amende, pour fal­si­fi­ca­tion de 4 mil­lions de litres d’huile. L’a­dul­té­ra­tion por­tait sur la sub­sti­tu­tion d’huile de tour­ne­sol à des huiles d’a­ra­chide et d’o­live plus oné­reuses. Dans le même ordre d’i­dées, la Guar­dia Civil de Tor­to­sa a déman­te­lé en 1998 un réseau inter­na­tio­nal de contre­bande qui se livrait à l’im­por­ta­tion d’huile de noi­sette turque, décla­rée huile de tour­ne­sol dans plu­sieurs ports de Bel­gique, Pays-Bas et Alle­magne, et ulté­rieu­re­ment éti­que­tée huile d’o­live en Espagne. Orga­ni­sée à grande échelle, la fraude attei­gnait 3 000 mil­lions de pesetas.

Citons encore la condam­na­tion d’un pro­duc­teur de sirop d’é­rable du Ver­mont accu­sé d’a­voir tein­té son pro­duit avec du sirop de bet­te­rave, car elle sus­ci­ta l’in­di­gna­tion au sein de cet État. Une part impor­tante de l’é­co­no­mie du Ver­mont repose en effet sur la com­mer­cia­li­sa­tion de ce pro­duit et le Conseil de l’In­dus­trie veille au main­tien d’une répu­ta­tion de qua­li­té supérieure.

Dans le domaine des jus de fruits, par­ti­cu­liè­re­ment expo­sé à des fal­si­fi­ca­tions diverses, nous pren­drons comme exemple celui de deux com­pa­gnies lour­de­ment péna­li­sées ($100,000) et dont les diri­geants ont été empri­son­nés pour avoir ven­du entre 1990 et 1994 dans 11 États et dans de nom­breuses écoles des USA du jus » d’o­range » fabri­qué avec du sucre de bet­te­rave, de l’a­cide citrique, des ami­no­acides, de la pulpe d’o­range et un pré­ser­va­teur non auto­ri­sé. En 1993 par exemple, l’é­di­tion natio­nale du New York Times aler­tait les consom­ma­teurs sur le fait que, selon les orga­nismes de contrôle, 10 % des » jus de fruits » com­mer­cia­li­sés aux USA non seule­ment n’é­taient pas de vrais jus de fruits mais pou­vaient même conte­nir des sub­stances nocives. Le coût pour le consom­ma­teur de la pro­duc­tion clan­des­tine de jus adul­té­rés était esti­mé à 1,2 mil­liard de dol­lars. En France (1995), la Direc­tion géné­rale de la consom­ma­tion, de la concur­rence et de la répres­sion des fraudes a consta­té que plus de la moi­tié des pré­lè­ve­ments de jus de fruits effec­tués dans le sec­teur de l’hô­tel­le­rie et de la res­tau­ra­tion n’é­taient pas conformes.

Cepen­dant, pour ter­mi­ner sur une note plus opti­miste, obser­vons que la dif­fu­sion des nou­velles méthodes iso­to­piques d’au­then­ti­fi­ca­tion, par­ti­cu­liè­re­ment per­for­mantes, contri­bue à décou­ra­ger les fraudes. Le consom­ma­teur béné­fi­cie indé­nia­ble­ment depuis quelques années de » pur jus » de fruits de meilleure qualité.

Identification de l’origine des molécules, les méthodes isotopiques

Le pro­blème se pose en termes métho­do­lo­gi­que­ment dif­fé­rents lorsque des espèces chi­miques, de même nature que des com­po­sants nor­ma­le­ment pré­sents dans le pro­duit mais de pro­ve­nance dif­fé­rente, ont été intro­duites illé­ga­le­ment. Dans le cas de la chap­ta­li­sa­tion des vins par exemple, tous les sucres, qu’ils aient appar­te­nu au rai­sin ou qu’ils aient été ajou­tés au moût sous forme de sucre de bet­te­rave ou de canne, ont été trans­for­més par la fer­men­ta­tion en molé­cules d’é­tha­nol a prio­ri chi­mi­que­ment identiques.

L’aimant supraconducteur d’un spectromètre de résonance magnétique nucléaire.
L’aimant supra­con­duc­teur d’un spec­tro­mètre de réso­nance magné­tique nucléaire.

Une situa­tion ana­logue se pré­sente lorsque, dis­po­sant d’é­chan­tillons d’é­tha­nol pur de dif­fé­rentes pro­ve­nances (rai­sin, grain, prune…), on s’in­ter­roge sur la nature du fruit ou de la céréale dont cha­cun est issu. Ce pro­blème, d’i­den­ti­fi­ca­tion d’o­ri­gine de consti­tuants du pro­duit, fut long­temps un défi pour le chi­miste. C’est seule­ment au cours des années 1980, grâce essen­tiel­le­ment aux méthodes exploi­tant les teneurs iso­to­piques, que l’au­then­ti­fi­ca­tion de l’o­ri­gine de nom­breuses molé­cules a pu prendre un large essor.

Dans la nature, les prin­ci­paux iso­topes qui com­posent les molé­cules orga­niques s’ac­com­pagnent de leurs iso­topes lourds minoritaires.

Ain­si, alors que l’é­tha­nol, CH3CH2OH, est prin­ci­pa­le­ment consti­tué par les iso­topes de masse 12 (12C), 1 (1H) et 16 (16O), res­pec­ti­ve­ment, il s’y trouve aus­si, en très faible quan­ti­té, des molé­cules, dites » iso­to­po­mères « , dans les­quelles un ou plu­sieurs de ces iso­topes légers est rem­pla­cé par un ou plu­sieurs des iso­topes lourds cor­res­pon­dants : car­bone de masse 13 (13C), hydro­gène de masse 2 (deu­té­rium, 2H ou D), oxy­gène de masse 17 (17O) ou 18 (18O). Dans le cas de l’hy­dro­gène par exemple, l’a­bon­dance natu­relle du deu­té­rium, D, étant de l’ordre de 150 10-6 par rap­port à 1H, la pro­ba­bi­li­té de bisub­sti­tu­tion est très faible et on s’at­tache à l’ob­ser­va­tion, à côté des molé­cules légères, des iso­to­po­mères mono­deu­té­riés, près de dix mille fois moins abon­dants : CH2DCH2OH, CH3CHDOH et CH3CH2OD.

La spec­tro­mé­trie de masse de rap­ports iso­to­piques (IRMS), après com­bus­tion de l’é­chan­tillon, four­nit, d’une part, du gaz car­bo­nique sur lequel est mesu­ré le rap­port des nombres d’a­tomes 13C et 12C, Rc = 13C/12C, et d’autre part, de l’eau qui, après réduc­tion en hydro­gène gazeux, per­met la déter­mi­na­tion du rap­port des nombres d’a­tomes RH = D/H. La méthode donne donc accès aux rap­ports iso­to­piques moyens de la molé­cule. Une dimen­sion sup­plé­men­taire fut offerte par le pro­cé­dé SNIF-NMRTM (Site spe­ci­fic Natu­ral Iso­tope Frac­tio­na­tion deter­mi­ned by Nuclear Magne­tic Reso­nance), qui nous a conduits (enca­dré) à la créa­tion de la socié­té Euro­fins Scientific.

En effet, la réso­nance magné­tique nucléaire per­met d’ac­cé­der direc­te­ment à la dis­tri­bu­tion des iso­topes, du deu­té­rium en par­ti­cu­lier, sur les dif­fé­rents sites d’une molé­cule. Cette dis­tri­bu­tion dévie très for­te­ment d’une répar­ti­tion aléa­toire, et dépend de plus de l’o­ri­gine des molécules.

Dans l’é­tha­nol obte­nu par fer­men­ta­tion du rai­sin, par exemple, le rap­port des nombres d’a­tomes de deu­té­rium sur les sites méthy­lène et méthyle dif­fère consi­dé­ra­ble­ment du rap­port sta­tis­tique 23 puis­qu’il se situe aux envi­rons de 2,5÷3. Qui plus est, le même rap­port, mesu­ré sur de l’é­tha­nol déri­vé de la fer­men­ta­tion de sucre de bet­te­rave, atteint une valeur voi­sine de 2,7÷3. On conçoit aisé­ment qu’une détec­tion de la chap­ta­li­sa­tion des vins puisse tirer par­ti de cette observation.

Plus géné­ra­le­ment, le pro­fil iso­to­pique consti­tue une carte d’i­den­ti­té de la molé­cule sus­cep­tible de répondre à des inter­ro­ga­tions por­tant sur :

  • l’o­ri­gine natu­relle ou syn­thé­tique du pro­duit (vanil­line natu­relle ou vanil­line de synthèse),
  • la nature bota­nique du pré­cur­seur (ané­thole de fenouil ou ané­thole de badiane),
  • l’o­ri­gine géo­gra­phique de la plante (vin pro­ve­nant du Bor­de­lais, du Rous­sillon, du Valais),
  • l’an­née de pro­duc­tion (Arma­gnac du mil­lé­sime 1968 ou 1985),
  • l’ad­di­tion de molé­cules exo­gènes de même nature (jus de fruits » pur jus » ou jus enri­chi par du sucre de bet­te­rave, miel pur ou enrichi),
  • le pro­cé­dé de syn­thèse (le bre­vet de fabri­ca­tion de l’a­rôme ou de l’a­li­ca­ment a‑t-il été détourné ?),
  • etc.

Identification génétique, les méthodes biologiques

Les tech­niques de la bio­chi­mie (répli­ca­tion d’ADN, tests immu­no­lo­giques) sont incon­tour­nables pour l’i­den­ti­fi­ca­tion géné­tique. Elles carac­té­risent notam­ment dif­fé­rents types de viandes et de pois­sons. Elles per­mettent ain­si de s’at­ta­quer aux fraudes por­tant sur la sub­sti­tu­tion d’es­pèces ani­males répu­tées nobles par des espèces meilleur mar­ché (pré­sence de porc dans un pâté dit de gibier…).

C’est aus­si grâce aux méthodes bio­lo­giques que la sur­veillance des orga­nismes géné­ti­que­ment modi­fiés (OGM) est deve­nue pos­sible. Ain­si des tech­niques uti­li­sant la réac­tion PCR (Poly­me­rase Chain Reac­tion) en temps réel, et des sys­tèmes appro­priés de sondes et d’a­morces, per­mettent de détec­ter de très faibles quan­ti­tés d’ADN avec une bonne spé­ci­fi­ci­té. Même si une amé­lio­ra­tion des déter­mi­na­tions quan­ti­ta­tives est encore recher­chée, on peut consi­dé­rer que la tra­ça­bi­li­té géné­tique est désor­mais assu­rée dans des condi­tions satis­fai­santes pour les espèces les plus fré­quem­ment modi­fiées : soja, maïs, colza…

Sécurité, authenticité : entre attentes et réalités

Avec la mon­dia­li­sa­tion des échanges, les pro­blèmes de sécu­ri­té ali­men­taire se sont consi­dé­ra­ble­ment ampli­fiés au cours de la der­nière décennie.

Le monde agri­cole, for­te­ment trau­ma­ti­sé par les abat­tages mas­sifs des­ti­nés à endi­guer la pro­pa­ga­tion de l’en­cé­pha­lo­pa­thie spon­gi­forme bovine et de la fièvre aph­teuse, doit aus­si faire face aux dan­gers de pol­lu­tion des sols, de l’eau et des végétaux.

Par ailleurs les consom­ma­teurs, effrayés par la gra­vi­té des risques pour la san­té humaine, et désta­bi­li­sés par les débats contra­dic­toires et les incer­ti­tudes scien­ti­fiques qui entourent les inno­va­tions bio­tech­no­lo­giques, se détournent plus ou moins bru­ta­le­ment de cer­tains pro­duits, contri­buant à dégra­der l’é­co­no­mie de filières agroa­li­men­taires entières.

Face à ces réac­tions, les agri­cul­teurs et les indus­triels adoptent en géné­ral une posi­tion prag­ma­tique fon­dée sur les lois du mar­ché. Ain­si, dans la mesure où les réti­cences de l’o­pi­nion publique sus­citent une mévente des pro­duits issus d’or­ga­nismes modi­fiés, les fer­miers amé­ri­cains com­mencent à sépa­rer les cultures tra­di­tion­nelles des cultures OGM et ils tendent à réduire la pro­por­tion de ces der­nières. Par ailleurs les indus­triels de la trans­for­ma­tion exigent dans cer­tains cas une assu­rance de l’ab­sence d’OGM, ce qui impose une stricte sépa­ra­tion non seule­ment des cultures mais aus­si des sys­tèmes de trans­port et de sto­ckage des céréales.

En réac­tion à ces inquié­tudes, la demande de pro­duits dits » natu­rels » s’ac­cen­tue, ce qui appelle une modi­fi­ca­tion des pra­tiques agri­coles, mais aus­si, la mise en place de cri­tères fiables de tra­ça­bi­li­té. À cet égard, comme nous l’a­vons vu, les notions » d’au­then­ti­ci­té » et de » tra­ça­bi­li­té « , deve­nues acces­sibles au contrôle, se sont pro­gres­si­ve­ment affir­mées et dif­fu­sées auprès du public ce qui sus­cite des exi­gences accrues en termes de pré­ci­sion de l’étiquetage.

Du point de vue régle­men­taire, les inter­ven­tions des États suivent sou­vent les réac­tions de l’o­pi­nion publique plu­tôt qu’elles ne les pré­cèdent, et elles prennent en compte les per­for­mances tech­niques acces­sibles. Il est indé­niable que pour cer­taines caté­go­ries de pro­duits, telles que les jus de fruits, le déve­lop­pe­ment de stra­té­gies de contrôle effi­caces a contri­bué à décou­ra­ger les fraudes et donc à amé­lio­rer la qualité.

Cepen­dant, pour des rai­sons éco­no­miques, le contrôle de rou­tine des échan­tillons ne peut sou­vent être réa­li­sé que par pré­lè­ve­ments aléa­toires ce qui n’ex­clut pas que des pro­duits gros­siè­re­ment adul­té­rés conti­nuent à circuler.

Quoi qu’il en soit, la pré­ser­va­tion de la qua­li­té ne peut se sous­traire à la com­pé­ti­tion per­ma­nente entre les efforts consa­crés aux inno­va­tions métho­do­lo­giques et les efforts aus­si­tôt entre­pris pour les contourner ! 

SNIF – NMR Concept – Eurofins
SNIF – NMR Concept – Eurofins

Les auteurs : une his­toire en famille !

1980 – Étape 1
Gérard J. et Mary­vonne L. Mar­tin, pro­fes­seurs-cher­cheurs à l’U­ni­ver­si­té de Nantes, découvrent, par un encart publié dans la » grande presse « , un spon­sor inat­ten­du, le minis­tère des Finances – Direc­tion géné­rale des impôts : celui-ci pro­pose l’at­tri­bu­tion d’un prix d’un mil­lion de francs à l’in­ven­teur d’une méthode de détec­tion de la chap­ta­li­sa­tion des vins. GJM s’in­té­resse à une pos­si­bi­li­té d’es­pion­nage par le deutérium.

1981 – Étape 2
GJM et MLM, avec l’ac­cord du CNRS, qui n’a pas sou­hai­té par­ti­ci­per, déposent un bre­vet por­tant sur un pro­cé­dé de détec­tion de la chap­ta­li­sa­tion fon­dé sur la réso­nance magné­tique nucléaire (RMN). Pre­mières publi­ca­tions scien­ti­fiques sur le » Frac­tion­ne­ment iso­to­pique natu­rel spé­ci­fique étu­dié par RMN « .

1982 – Étape 3
GJM lau­réat du concours ouvert par la Dgi. Le prix est uti­li­sé à l’ac­qui­si­tion d’un nou­vel équi­pe­ment de RMN, et à des bourses d’é­tudes pour doctorants.

1982–1987 – Étape 4
Recherches de base sur le phé­no­mène de frac­tion­ne­ment iso­to­pique natu­rel spé­ci­fique et explo­ra­tion de nou­velles pos­si­bi­li­tés d’ap­pli­ca­tions. Le CNRS rachète le bre­vet fran­çais et l’é­tend aux États-Unis et en Europe.
À la demande de la Com­mis­sion euro­péenne (DG 6), amé­lio­ra­tion des per­for­mances et nor­ma­li­sa­tion du pro­cé­dé de contrôle de la chaptalisation.

1987–1990 – Étape 5
Le pro­cé­dé SNIF-NMR est adop­té par l’Of­fice inter­na­tio­nal de la vigne et du vin (OIV) puis par la Com­mu­nau­té euro­péenne dans le règle­ment 267690. Une banque de don­nées iso­to­piques sur les vins est créée au niveau euro­péen et les labo­ra­toires de contrôle des pays pro­duc­teurs sont équi­pés en RMN pour la mise en œuvre de la méthode.

1987–1990 – Étape 6
Créa­tion à Nantes de la Socié­té Euro­fins. Gilles Mar­tin, fils aîné des sus­nom­més, diplô­mé de l’É­cole cen­trale de Paris et Mas­ter USA, en prend la direction.
En 1990, Yves-Loïc Mar­tin, fils cadet, diplô­mé de l’É­cole poly­tech­nique, rejoint Euro­fins dans le cadre d’un doc­to­rat, au cours duquel il éla­bore une nou­velle méthode de trai­te­ment quan­ti­ta­tif du signal RMN.

1990–2002 – Étape 7
La poli­tique de diver­si­fi­ca­tion et de déve­lop­pe­ment externe enga­gée par la direc­tion a fait pas­ser l’en­tre­prise Euro­fins de six sala­riés en 1987 à 1 900 sala­riés en 2001. Intro­duite à la Bourse de Paris en 1997 et à celle de Franc­fort en 1999, la socié­té, deve­nue Euro­fins Scien­ti­fic, compte actuel­le­ment 52 labo­ra­toires répar­tis dans huit pays en Europe et aux États-Unis. Les com­pé­tences com­plé­men­taires de ces labo­ra­toires per­mettent de cou­vrir l’en­semble des pro­blèmes de contrôle inté­res­sant les pro­duits agroalimentaires.
Yves-Loïc Mar­tin est actuel­le­ment direc­teur tech­nique des Labo­ra­toires Euro­fins Scientific.

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