Codéveloppement : vers de nouveaux partenariats

Dossier : La ChineMagazine N°684 Avril 2013
Par Jérôme FOUREL (92)
Par Ély KATEMBO

Des partenariats en émergence

En dépit, voire à cause de sa puis­sance finan­cière face à un Occi­dent en crise, la Chine semble avoir déjà assi­mi­lé le fait qu’une logique pure­ment finan­cière d’acquisition de socié­tés étran­gères serait inopé­rante (syn­drome du « péril jaune »).

L’enjeu, pour elle, est de bâtir de véri­tables par­te­na­riats entre socié­tés chi­noises et étran­gères sur des axes bien défi­nis où la coopé­ra­tion est pertinente.

REPÈRES
Pre­mière éco­no­mie mon­diale il y a deux siècles (33 % du PNB mon­dial en 1820 en pari­té de pou­voir d’achat), la Chine devrait rega­gner ce pre­mier rang mon­dial dès 2016, dépas­sant les États-Unis. En 2011, elle était deve­nue le pre­mier par­te­naire com­mer­cial de 125 pays.
L’Union euro­péenne est le prin­ci­pal par­te­naire com­mer­cial de la Chine, qui devrait deve­nir le prin­ci­pal par­te­naire com­mer­cial de l’Union dès 2013. Enfin, la for­mi­dable puis­sance indus­trielle et com­mer­ciale de la Chine la conduit à être de loin le pre­mier impor­ta­teur de matières pre­mières et le pre­mier déten­teur mon­dial de devises.

Pre­mier axe, la péné­tra­tion du mar­ché chi­nois. Ain­si, le conglo­mé­rat chi­nois, Fosun, a pris 7 % du capi­tal de Club Med en juin 2010 afin de faci­li­ter son déve­lop­pe­ment dans un mar­ché chi­nois du tou­risme en crois­sance très rapide.

Deuxième axe, la péné­tra­tion conjointe de mar­chés tiers (au pre­mier chef, les pays émer­gents) : ain­si, le fonds sou­ve­rain chi­nois, Chi­na Invest­ment Corp, a inves­ti 4 mil­liards de dol­lars dans GDF-Suez fin 2011, par­tie inté­grante d’une alliance pour déve­lop­per ensemble des pro­jets éner­gé­tiques à tra­vers le monde.

Tout reste à faire en termes de coopé­ra­tion en Afrique, où émerge rapi­de­ment la « Chinafrique ».

La Chi­na­frique

La « Chi­na­frique » n’est pas neuve : les pre­mières rela­tions com­mer­ciales entre la Chine et l’Afrique datent du IIe siècle avant J.-C., l’épisode le plus fameux étant les expé­di­tions de l’amiral Zheng He en Soma­lie et au Kenya au XVe siècle. Plus récem­ment, la Chine com­mu­niste main­tint des liens avec plu­sieurs régimes afri­cains, mais sous un angle essen­tiel­le­ment poli­ti­co-éco­no­mique : sous la guerre froide, comme « grand frère » alter­na­tif à l’URSS ; ensuite, des ral­lie­ments d’États afri­cains pour qu’ils ne recon­naissent plus Taï­wan comme État.

Les échanges dans les années 1990 furent faibles mais explosent depuis dix ans, la Chine repré­sen­tant 14,7 mil­liards d’euros (envi­ron 18 %) des IDE (inves­tis­se­ments directs étran­gers) en Afrique en 2011. La rela­tion afri­ca­no-chi­noise est essen­tiel­le­ment mer­can­tile : achat de pétrole et de matières pre­mières en échange de construc­tion d’infrastructures et de dif­fé­rentes formes de cré­dit aux États africains.

Cette real­po­li­tik (sans le côté « mis­sion­naire » des Occi­den­taux), dic­tée par les besoins d’approvisionnement de l’industrie chi­noise, per­met aus­si une recon­nais­sance de la Chine utile politiquement.

Se déve­loppe en paral­lèle une puis­sante dia­spo­ra chi­noise en Afrique – dont le dyna­misme éco­no­mique dépla­ce­ra peut-être d’autres dia­spo­ras plus anciennes.

Ely Katem­bo, fon­da­teur du groupe Katembo

Troi­sième axe, la mise à niveau tech­no­lo­gique. En par­ti­cu­lier, des fonds fran­co-chi­nois et euro­chi­nois seront requis pour per­mettre l’alliance du capi­tal et du talent, notam­ment via l’apport de tech­no­lo­gies euro­péennes en matière d’énergies propres et d’infrastructures durables, afin que l’urbanisation chi­noise se fasse dans des condi­tions envi­ron­ne­men­tales saines.

Mondialiser les cerveaux

Mal­gré des pro­blèmes mana­gé­riaux et cultu­rels, la Chine peut comp­ter dans son inter­na­tio­na­li­sa­tion sur une popu­la­tion consi­dé­rable de « cer­veaux » for­més dans les meilleures uni­ver­si­tés et entre­prises de la pla­nète : les flux annuels d’étudiants chi­nois à l’étranger étaient de 340 000 en 2011 et devraient atteindre 550 000 en 2014.

Alors que ces « cer­veaux » bicul­tu­rels res­taient très majo­ri­tai­re­ment en Occi­dent dans les années 1990, le retour en Chine d’une par­tie impor­tante d’entre eux s’accélère depuis 2005 du fait de l’évolution des oppor­tu­ni­tés et coûts res­pec­tifs en Occi­dent et en Chine, mou­ve­ment encore accen­tué par la crise sys­té­mique occidentale.

La Chine est déjà le deuxième pays client de la France der­rière les États-Unis : il y a urgence à ce que la France soit proac­tive dans la mise en place de logiques de codé­ve­lop­pe­ment rai­son­né, en s’appuyant notam­ment sur les 180 poly­tech­ni­ciens chi­nois, les plus de 800 ingé­nieurs chi­nois pas­sés par un des éta­blis­se­ments de Paris­Tech et les quelques cen­taines d’X fran­çais sinophones.

LE DOUZIÈME PLAN QUINQUENNAL (2011−2015)

Depuis 1953, la Répu­blique popu­laire de Chine construit son déve­lop­pe­ment éco­no­mique et indus­triel via des plans quin­quen­naux. Y sont don­nés de nom­breux objec­tifs quan­ti­ta­tifs et qua­li­ta­tifs et des indi­ca­teurs, dont le degré d’atteinte déter­mi­ne­ra la car­rière des fonc­tion­naires concernés.

Voi­ci quelques élé­ments du 12e Plan.

OBJECTIFS POUR 2015 VISANT À CONVERTIR UNE ÉCONOMIE FONDÉE SUR L’EXPORT EN UNE ÉCONOMIE FONDÉE SUR LA CONSOMMATION DOMESTIQUE, ET À RÉDUIRE LES INÉGALITÉS DE REVENUS

  • Crois­sance annuelle du PNB : 7%.
  • Expan­sion du sec­teur des ser­vices en pour­cen­tage du PNB : + 4%.
  • Accrois­se­ment du reve­nu dis­po­nible annuel des cita­dins à 26 810 ren­min­bi (RMB) au moins et de celui des pay­sans à 8 310 RMB au moins.
  • Expan­sion de la cou­ver­ture d’assurance des cita­dins à 100 mil­lions de personnes.
  • Construc­tion de 36 mil­lions de loge­ments afin d’augmenter le parc à coût abor­dable pour les citadins.
    Dans le bud­get 2011, le gou­ver­ne­ment avait pro­mis la construc­tion en 2011 de 10 mil­lions d’habitations sub­ven­tion­nées, avec une allo­ca­tion de 103 mil­liards de RMB du gou­ver­ne­ment cen­tral, entre 400 et 500 mil­liards de RMB des auto­ri­tés locales, en com­plé­ment de 500 à 900 mil­liards de RMB atten­dus des pro­mo­teurs commerciaux.
  • Aug­men­ta­tion de l’espérance de vie d’un an d’ici cinq ans (objec­tif de « bien-être »).

OBJECTIFS DE POLITIQUE INDUSTRIELLE POUR 2015

  • R&D : accrois­se­ment des dépenses R&D de 1,75% du PNB à 2,2% du PNB (niveau de la France); dépôt de 3,3 bre­vets pour 10000 per­sonnes d’ici 2015.
  • Sou­tien de sept indus­tries stra­té­giques émer­gentes consi­dé­rées comme cri­tiques pour aug­men­ter for­te­ment la valeur ajou­tée de l’industrie : éner­gies propres ; tech­no­lo­gies de l’information de pro­chaine géné­ra­tion ; bio­tech­no­lo­gies ; pro­duc­tion d’équipements haut de gamme ; éner­gies alter­na­tives ; nou­veaux maté­riaux ; véhi­cules propres. Ces indus­tries devront pas­ser de 5% du PNB en 2010 à 8% en 2015 et 15% en 2020.
    Les auto­ri­tés (natio­nales et locales) et le sec­teur pri­vé dépen­se­ront envi­ron 14 000 mil­liards de RMB en cinq ans, et un fonds spé­cial sera mis en place pour pro­mou­voir ce déve­lop­pe­ment et l’industrie du capitalrisque
    (à titre de réfé­rence, sur le seul sujet « smart grid », la Chine dépen­se­ra 75 mil­liards d’euros d’ici 2030, soit le quart des dépenses mondiales).

OBJECTIFS CONCERNANT LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT ET D’ÉNERGIE

  • Au moins 70% d’autoroutes au stan­dard « Classe 2 » et au-dessus.
  • 83 000 km d’autoroutes nationales.
  • 42 hubs inté­grés de circulation.
  • Aug­men­ta­tion des capa­ci­tés éner­gé­tiques ins­tal­lées : hydro­élec­triques de 120 mil­lions de kW ; éoliennes off­shore de 70 mil­lions de kW ; nucléaires de 40 mil­lions kW ; solaires de 5 mil­lions de kW.

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