Château Angélus : le carillon du renouveau

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°553 Mars 2000Rédacteur : Laurens DELPECH

Long­temps, le Châ­teau Angé­lus a été le seul endroit où l’on pou­vait entendre le carillon de l’angélus son­né par les trois églises situées au sud de Saint-Émi­lion : Maze­rat, Saint-Mar­tin-de-Maze­rat et Saint-Émi­lion. Puis, peu à peu, les églises se sont tues, mais l’Angélus est tou­jours là. C’est même deve­nu un des meilleurs vins de Saint-Émi­lion : il a accé­dé en 1996 au rang de pre­mier grand cru classé.

Le ter­roir est excep­tion­nel : 26 hec­tares de vignes en amphi­théâtre, expo­sées plein sud et très bien drai­nées, à un kilo­mètre à vol d’oiseau du clo­cher de l’église de Saint-Émi­lion. La forme du ter­roir, son expo­si­tion per­mettent à Angé­lus de béné­fi­cier de ce pri­vi­lège des très grands crus : la pré­co­ci­té. Les rai­sins mûrissent ici plus vite que dans les pro­prié­tés avoi­si­nantes et ils sont prêts à être récol­tés assez vite, ce qui per­met de réduire l’aléa cli­ma­tique, mais aus­si et sur­tout de récol­ter des rai­sins par­fai­te­ment mûrs, matière pre­mière indis­pen­sable pour faire un grand vin, dont le degré alcoo­lique natu­rel rend la chap­ta­li­sa­tion inutile…

L’âge moyen des vignes est d’environ trente ans. Il y a 50 % de mer­lot, 45 % de caber­net franc et 5% de caber­net sau­vi­gnon. La vigne est conduite de façon à obte­nir des petits ren­de­ments, la culture est tra­di­tion­nelle avec labours (sans uti­li­sa­tion de désher­bants), effeuillage un mois avant les ven­danges, tri à la vigne lors des ven­danges, puis sur table à l’entrée du chai…

La fer­men­ta­tion en cuve inox dure une semaine, sui­vie de trois semaines de macé­ra­tion. Le vin est éle­vé en bar­riques de chêne (dont 60 à 100 % de neuves) pen­dant dix à dix-huit mois. C’est éga­le­ment en bar­riques, comme en Bour­gogne, qu’a lieu la fer­men­ta­tion malo­lac­tique. Celle-ci ache­vée, l’équipe d’Angélus, assis­tée de Michel Rol­land, le grand oeno­logue de la Rive Droite, déguste toutes les cuvées pour déter­mi­ner celles qui feront par­tie de l’Angélus et celles des­ti­nées au Carillon de l’Angélus, le second vin de la pro­prié­té. Il est pro­duit chaque année envi­ron 100 000 bou­teilles de grand vin et 20 000 de deuxième vin.

Il fal­lait, pour ani­mer l’amphithéâtre de l’Angélus, un met­teur en scène de génie : Hubert de Boüard assume ce rôle avec aisance et pro­fes­sion­na­lisme depuis plu­sieurs années. Habi­tué au suc­cès, il a déci­dé de res­ter sur la scène de l’Angélus, tout en se lan­çant un nou­veau défi : reprendre le Châ­teau La Fleur-Saint-Georges, à Lalande-de-Pome­rol, et y pro­duire un des meilleurs vins du Libour­nais. Un pari déjà tenu avec la pre­mière cuvée produite…

La Fleur-Saint- Georges s’étend sur 17 hec­tares d’un ter­roir excep­tion­nel de croupes gra­ve­leuses et d’argiles sableuses. Hubert de Boüard y applique les mêmes recettes qu’à Angé­lus : sélec­tion par­cel­laire rigou­reuse, tris sévères, vini­fi­ca­tion soi­gnée et éle­vage atten­tif en bar­riques de chêne. La Fleur- Saint-Georges est un vin élé­gant, aux tan­nins soyeux, aux arômes sub­tils et élé­gants. Depuis 1998, les meilleures cuves sont sélec­tion­nées pour être mises en bou­teilles sous le nom de “ La Fleur de Boüard ”, un superbe lalande qui ferait rou­gir bien des pomerols…

La Fleur de Boüard 1998

Belle cou­leur rubis pro­fond avec des reflets vio­lets. Nez de fruits noirs et d’épices avec des notes toas­tées. Un vin ample et velou­té à la trame ser­rée, à la fois élé­gant et sen­suel. Il est encore mar­qué par le bois car nous dégus­tons un échan­tillon pré­le­vé sur fût : ce vin ne sera mis en bou­teille que dans quelques mois.

Carillon de l’Angélus 1996

Robe sombre encore jeune. Le bou­quet, nais­sant, est fin, élé­gant et frui­té, avec une pre­mière note d’évolution (forte pro­por­tion de mer­lot dans l’assemblage). En bouche, il est équi­li­bré, frais et gras, avec une bonne matière et beau­coup de finesse. Belle longueur.

Château Angélus 1996

Cou­leur intense, pourpre sombre à reflets vio­lines. Bou­quet expres­sif et com­plexe avec des arômes de fruits rouges mûrs, les sen­teurs grillées et brû­lées du bois et quelques notes d’épices. En bouche, on trouve une belle den­si­té et beau­coup de com­plexi­té. Les tan­nins sont ser­rés, droits. Très belle longueur.

Château Angélus 1995

À Bor­deaux, après 1990, 1995 est le pre­mier mil­lé­sime où les rai­sins ont été cueillis dans un par­fait état de matu­ri­té. Angé­lus 1995 est un vin très colo­ré, d’un noir presque opaque. Au nez appa­raissent des arômes de pru­neau confit, de vio­lette, de tabac blond, d’épices… En bouche, l’attaque est suave, il y a beau­coup de matière mais les tan­nins n’ont aucune rudesse, le vin est ample et soyeux, bien rond. Très belle finale sur des notes de fruits mûrs. Sen­sa­tion géné­rale d’équilibre et de finesse et d’une très belle concen­tra­tion. Un très grand vin, agréable à dégus­ter, mais qui a son ave­nir devant lui.

Château Angélus 1993 (en magnum)

Sa cou­leur sombre se marque de pre­mières nuances tui­lées. Au nez, on sent des arômes de cuir (il y a 60% de mer­lot dans ce mil­lé­sime d’Angélus) accom­pa­gnés de notes de cas­sis, de myr­tille, de fruits confits. La bouche est ample, har­mo­nieuse avec une finale per­sis­tante sur des notes de fumé et de cuir.

Château Angélus 1992

Robe gre­nat. Nez flat­teur de fruits rouges, mais aus­si de réglisse et de tabac. Les notes de figues sèches viennent rap­pe­ler la belle matu­ri­té des rai­sins au moment de la ven­dange, cas excep­tion­nel en 1992, mil­lé­sime dif­fi­cile à Bor­deaux. La bouche est har­mo­nieuse, élé­gante et se ter­mine par une trame de tan­nins soyeux. Un vin qui a com­men­cé à atteindre son apo­gée et pour­ra s’apprécier pen­dant encore au moins dix ans.

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