Changer dans la continuité

Dossier : ÉditorialMagazine N°682 Février 2013
Par Yves DEMAY (77)

Cet été, j’ai rejoint l’École poly­tech­nique. Trente-cinq ans après ma pre­mière ren­trée, « tout » n’a pas changé.

L’École est tou­jours clas­sée pre­mière et la qua­li­té des étu­diants se main­tient. En sep­tembre 2012, les X sont repar­tis à La Cour­tine, comme c’était déjà le cas en 1977. Les pro­mo­tions sont encore struc­tu­rées par les sec­tions spor­tives. Les pro­fes­seurs se plaignent tou­jours de l’absentéisme pour les cours en amphi­théâtre. La pré­sence en « petites classes » reste satis­fai­sante. Une cam­pagne Kès digne des pré­cé­dentes a eu lieu. Des arbres ont pous­sé autour des bâti­ments. Cer­tains ont vieilli. Les caserts ont été réno­vés. Ce que nous appe­lions « le cou­loir de la mort » tant il était gla­cial s’est trans­for­mé en salles d’enseignement neuves.

Mais il y a deux chan­ge­ments majeurs.

Le lien entre ensei­gne­ment et recherche s’est consi­dé­ra­ble­ment déve­lop­pé. Dans le pro­jet scien­ti­fique col­lec­tif, dans le stage recherche, et de façon plus dif­fuse au cours du reste de la sco­la­ri­té, le contact avec les labo­ra­toires est deve­nu une réa­li­té vécue par les élèves. Du reste, plus du quart d’entre eux conti­nue ses études par une thèse.

L’autre chan­ge­ment, c’est l’ouverture inter­na­tio­nale. 20 % des élèves du cycle poly­tech­ni­cien, encore davan­tage en mas­ter et en doc­to­rat sont de natio­na­li­té étrangère.

L’internationalisation, c’est aus­si la com­pé­ti­tion accrue entre les éta­blis­se­ments d’enseignement et de recherche. Plus qu’au siècle pré­cé­dent, les familles fran­çaises pensent à envoyer leurs enfants suivre des études supé­rieures à l’étranger.

L’enjeu pour l’École, c’est de gar­der sa posi­tion d’excellence à l’échelle des stan­dards mondiaux.

C’est aus­si un enjeu pour la France car, si les familles fran­çaises per­daient leur confiance dans l’éducation à la fran­çaise, c’est toute la com­pé­ti­ti­vi­té du pays qui fini­rait par en être affectée.

Pour cela, l’École doit mener son pro­jet au plus haut niveau. Elle doit for­mer des ingé­nieurs scien­ti­fiques, c’est-à-dire déve­lop­per une for­ma­tion à la fois plu­ri­dis­ci­pli­naire et solide scien­ti­fi­que­ment dans cha­cune des dis­ci­plines. Elle doit aus­si pour­suivre le déve­lop­pe­ment de la recherche, avec, en par­ti­cu­lier, une pré­sence plus forte des sciences du vivant et des ini­tia­tives pour l’ingénierie des sys­tèmes. Enfin, il faut faire un effort pour encou­ra­ger l’innovation et l’esprit entrepreneurial.

En fai­sant cela, l’École répond, j’en suis convain­cu, aux besoins de la socié­té et des entre­prises et mérite la confiance des contri­buables, des cher­cheurs, des étu­diants et de leurs futurs employeurs.

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Fran­cois Forestrépondre
23 mars 2013 à 22 h 27 min

Et le concours d’entrée

L’élé­ment qui façonne le plus l’é­cole est pro­ba­ble­ment le concours d’admission.


Hors ce der­nier a évo­lué au moins autant que les ensei­gne­ments, il com­prends aujourd’­hui 7 filières indé­pen­dantes : MP‑I : Math-Phy­sique, option Infor­ma­tique (110 places), MP‑P&SI : Math-Phy­sique, option Physique+Techno (80), PC : Phy­sique-Chi­mie (140), PSI : Math-Phy­sique-Tech­no (47) PT : Tech­no (ex pre­pa art et métier) (11 places) TSI : (2 places) Uni­ver­si­té : concours sur dos­sier + QCM + oral 1h (18 places) Aux­quelles s’a­joutent plu­sieurs filières de recru­te­ment d’é­lèves étrangers


Pour faire simple, ~40% du recru­te­ment est la conti­nua­tion du concours des années 70, les autres voies intro­dui­sant des matières qui exigent davan­tage de mémoire que de rigueur.


Cette évo­lu­tion a 2 travers :

1) Elle dis­suade les can­di­dats de faire des maths en pré­pa. Hors, le bac n’exi­geant plus de réelle démarche scien­ti­fique, c’est tout un modèle de pen­sée qui n’est plus enseigné.

2) L’é­cole va diplo­mer un nombre crois­sant d’é­lèves n’ayant pas les qua­li­tés scien­ti­fiques que les indus­triels et les poli­tiques asso­cie à l’école.


Bien sûr, j’ex­prime la pen­sée rétro­grade d’une per­sonne sans vision stra­té­gique, mais pour­quoi, à chaque fois que l’on nous parle du fan­tas­tique virage que prends l’é­cole pour entrer dans le 3e mil­lé­naire, oublie-t-on de nous par­ler des concours et des prof de taupe ? Pour­tant les seuls qui ont mar­qué mon esprit ?

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