Branaire-Ducru

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°526 Juin/Juillet 1997Rédacteur : Laurens DELPECH

Clas­sé qua­trième cru en 1855, Bra­naire-Ducru s’étend sur une super­fi­cie de 80 hec­tares, dont 50 de vignobles situés sur la com­mune de Saint-Julien. Ses voi­sins immé­diats sont Ducru- Beau­caillou et Gruaud-Larose (tous deux seconds crus clas­sés) ain­si que Bey­che­velle – un autre qua­trième cru clas­sé – Bra­naire est d’ailleurs une par­celle déta­chée au XVIIe siècle du domaine de Bey­che­velle. Il appar­tint à la famille Duluc qui fit bâtir le châ­teau vers 1824, puis fut ven­du en 1860 à Gus­tave Ducru, cou­sin de la famille Duluc.

En 1988, le châ­teau Bra­naire- Ducru est deve­nu la pro­prié­té d’un groupe d’investisseurs qui compte notam­ment par­mi ses membres le sucrier Debay­ser Wiart Desbief.

Bra­naire se trouve au coeur de l’appellation Saint- Julien (qui compte en tout 911 hec­tares), située au centre du Médoc, entre Mar­gaux et Pauillac. Le ter­roir est typi­que­ment médo­cain – des graves sur socle d’alios –, comme l’encépagement (Caber­net sau­vi­gnon : 75 %, Mer­lot : 22 % et Petit-Ver­dot : 3 %). L’âge moyen des vignes est de trente-cinq ans.

La répu­ta­tion actuelle de Bra­naire ne doit rien au hasard. En 1988, des tra­vaux consi­dé­rables ont été entre­pris pour réno­ver com­plè­te­ment les ins­tal­la­tions de vini­fi­ca­tion. Le cuvier, qui béné­fi­cie des der­niers raf­fi­ne­ments de la tech­nique, a été conçu autour de la notion de gra­vi­té : la ven­dange arrive dans les cuves par le haut, il n’est donc plus néces­saire de pom­per, ce qu’il vaut tou­jours mieux évi­ter car toute mani­pu­la­tion méca­nique risque d’abîmer la peau des rai­sins ; or c’est dans la pel­li­cule que l’on retrouve les com­po­sés aro­ma­tiques les plus impor­tants ; c’est aus­si la peau qui contient les tan­nins qui don­ne­ront au vin sa structure.

L’existence de vingt-huit cuves de tailles dif­fé­rentes per­met de recueillir le pro­duit de chaque par­celle, cépage par cépage, avant l’assemblage, sans qu’il soit besoin d’écourter la macé­ra­tion, de vider une cuve pour faire la place à de nou­veaux arrivants.

Depuis 1988, il existe un second vin, le châ­teau-Duluc, ce qui per­met de ren­for­cer la rigueur des assem­blages du pre­mier vin, le Bra­naire-Ducru. Après l’assemblage, le vin est éle­vé en bar­riques de chêne pen­dant dix-huit mois ; les bar­riques sont renou­ve­lées par moi­tié chaque année. La récolte, qui repré­sente vingt mille caisses envi­ron, est entiè­re­ment mise en bou­teilles au Château.

Une dégustation portant sur les trois meilleurs millésimes de la décennie quatre-vingts : 1982, 1986 et 1989, a donné les résultats suivants.

  • Le châ­teau-Duluc 89 a une belle robe fon­cée et un nez intense de cas­sis et de mûres. En bouche, les arômes de fruits s’accompagnent d’une saveur lac­tique, qui donne de la ron­deur et de la mâche.
  • Il était inté­res­sant de goû­ter à côté du second vin le pre­mier, dans le même mil­lé­sime. Au début, le Bra­naire-Ducru 89 n’apparaît guère dif­fé­rent du Duluc, sauf qu’il est plus fon­cé (très belle robe pourpre sou­te­nu, aux reflets fram­boise). Puis il s’ouvre pro­gres­si­ve­ment, dévoi­lant un nez com­plexe de cas­sis, mûres et fram­boise avec les notes de vanille du fût neuf et une légère touche de girofle. En bouche, il est rond, plein et concen­tré. Ses tan­nins fermes laissent pré­voir une belle évo­lu­tion : ce vin sera à son apo­gée au début du pro­chain millénaire.
  • La dégus­ta­tion du Bra­naire-Ducru 86 fait com­prendre l’intérêt d’un second vin (qui n’existait pas à cette époque). Si le nez, d’encre et de cèdre, où on peut aus­si recon­naître du cas­sis, des notes her­ba­cées et de la vanille, ne manque pas de dis­tinc­tion, la bouche est un peu déce­vante ; le vin est rond et plai­sant, mais la finale est abrupte. La récolte a dû être exces­sive et les assem­blages peu rigou­reux. Signa­lons cepen­dant que ce vin – déce­vant lors de la dégus­ta­tion – s’est révé­lé très agréable à table, démon­trant une fois de plus que la puis­sance n’est pas for­cé­ment un atout dès lors que le vin n’est plus goû­té seul, mais accom­pagne un repas.
  • Le Bra­naire-Ducru 82 a une jolie cou­leur rubis et un nez où les arômes fins de vio­lette et de cas­sis se marient à de puis­santes fla­veurs de cerises à l’eau-devie. Ce déli­cieux com­plexe aro­ma­tique donne une bouche par­ti­cu­liè­re­ment ronde et volup­tueuse. C’est un vin sen­suel et char­meur, qui atteint main­te­nant sa maturité.

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