Bordeaux : le retour du Soleil

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°617 Septembre 2006Rédacteur : Laurens DELPECH

On asso­cie sou­vent les vins de Bor­deaux à un cer­tain conser­va­tisme et, depuis quelque temps, à un pro­blème de com­mer­cia­li­sa­tion. En fait, si cer­tains vins ont du mal à se vendre, il y a deux caté­go­ries très pri­sées en France et à l’étranger : les très grands vins et les châ­teaux qui savent déve­lop­per à par­tir d’un ter­roir excep­tion­nel des vins de qua­li­té, avec cette finesse et cette fraî­cheur qui appar­tiennent à Bor­deaux et font tou­jours recher­cher les vins de cette région.

Les très grands vins montrent la voie à Bor­deaux et ont long­temps été les loco­mo­tives de l’appellation. Le monde entier s’arrache Che­val blanc, Mar­gaux, Yquem, Petrus 56 ou Lafite à des prix qui ne cessent de mon­ter. Ces grands vins sont deve­nus des pro­duits de luxe, par leur prix et leur rare­té et le com­mun des mor­tels n’y a accès que dans des occa­sions excep­tion­nelles. Mais un grand atout de Bor­deaux, c’est aus­si de savoir faire un très bon vin à un prix rai­son­nable, comme le montrent les exemples des crus bour­geois dans le Médoc (Chas­seS­pleen, Phé­lan­Sé­gur, Haut­Mar­bu­zet…) ou de Châ­teau d’Aiguilhe en Côtes de Cas­tillon. C’est pré­ci­sé­ment la per­sonne qui a fait le suc­cès d’Aiguilhe, le comte Ste­phan von Neip­perg, qui est à l’origine du renou­veau de Châ­teau Soleil.

Au départ, comme tou­jours en France, il y a un ter­roir, situé dans l’appellation Puis­se­guin Sain­tÉ­mi­lion, qui est d’une qua­li­té excep­tion­nelle puisque le Châ­teau Soleil avait déjà été recon­nu “Pre­mier Vin de l’appellation ” par l’INAO, lors du cin­quan­te­naire de l’AOC Puis­se­guin Sain­tÉ­mi­lion. En 2005, Châ­teau Soleil a été rache­té par un groupe de pas­sion­nés de vin dont l’objectif est de por­ter le vin au plus haut niveau qua­li­ta­tif pos­sible, celui des tout “Pre­miers ” crus de la région de Sain­tÉ­mi­lion, tout en res­tant dans une gamme de prix raisonnable.

La pro­prié­té est consti­tuée d’une ving­taine d’hectares, majo­ri­tai­re­ment situés sur le pla­teau cal­caire du vil­lage de Puis­se­guin. On retrouve le même type de ter­roir sur le pla­teau de Sain­tÉ­mi­lion, qui héberge la plu­part des grands crus clas­sés de l’appellation. L’encépagement, typique du Sain­tÉ­mi­lion­nais, est consti­tué pour près de 80 % de mer­lots, le reste se par­ta­geant éga­le­ment entre caber­nets sau­vi­gnons et caber­nets francs. Comme nous l’avons déjà men­tion­né, les équipes qui ont pris en main Châ­teau Soleil sont super­vi­sées par Ste­phan von Neip­perg. Pro­prié­taire, entre autres de Canon La Gaf­fe­lière, de La Mon­dotte et du Clos de l’Oratoire à Sain­tÉ­mi­lion ain­si que de Châ­teau d’Aiguilhe en Côtes de Cas­tillon, il est recon­nu comme un des meilleurs spé­cia­listes de ces ter­roirs et de ces cépages.

La culture de la vigne comme la vini­fi­ca­tion sont conduites dans un esprit de res­pect du ter­roir et du mil­lé­sime. Chaque cuve, issue de par­celles bien iden­ti­fiées, est trai­tée “ sur­me­sure”, essen­tiel­le­ment en fonc­tion de cri­tères de dégus­ta­tion. Les fer­men­ta­tions sont lentes et conduites à des tem­pé­ra­tures contrô­lées. Comme il se doit pour un vin qui béné­fi­cie des der­niers apports en termes de pra­tiques oeno­lo­giques, les fer­men­ta­tions malo­lac­tiques ont lieu en bar­riques, et l’élevage sur lies, sans sou­ti­rage, per­met un contrôle mesu­ré des apports d’oxygène par micro­bul­lage, en fonc­tion des besoins. Au terme de ce pro­ces­sus, les vins ne néces­sitent alors pra­tique ment ni col­lage ni filtrage.

Les mer­lots confèrent à Châ­teau Soleil une ron­deur, un frui­té, une opu­lence carac­té­ris­tiques des grands vins de la rive droite, les caber­nets ajoutent par leur puis­sance et leur com­plexi­té aro­ma­tique une bonne lon­gueur en bouche et viennent ren­for­cer la capa­ci­té de garde.

Le pre­mier mil­lé­sime pro­duit par la nou­velle équipe est le 2005, un mil­lé­sime géant à Bor­deaux, qui se com­pare aux plus grands mil­lé­simes du siècle der­nier. Châ­teau Soleil béné­fi­cie natu­rel­le­ment de l’effet mil­lé­sime : les échan­tillons que j’ai goû­tés sont déli­cieux, le vin est déjà presque agréable à boire, ce qui est extrê­me­ment rare lorsqu’on goûte des échan tillons de pri­meurs, quelques mois après la vini­fi­ca­tion, au moment où le vin est fait mais pas encore éle­vé. Comme beau­coup d’autres bor­deaux, Châ­teau Soleil va bien­tôt être mis à la vente en pri­meurs, mais on ne connaît pas encore ses cir­cuits de distribution.

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