Benjamin Britten : Billy Budd

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°686 Juin/Juillet 2013Par : l'orchestre philharmonique de Londres, Glyndebourne, direction, Mark ElderRédacteur : Marc DARMON (83)

Le com­po­si­teur bri­tan­nique Ben­ja­min Brit­ten est prin­ci­pa­le­ment connu pour ses opé­ras, très joués en Grande-Bretagne.

Billy Budd est un opé­ra très carac­té­ris­tique de Ben­ja­min Brit­ten. Moins connu que le célèbre Peter Grimes, il par­tage avec cet opé­ra le thème de la mer et celui de l’injustice. Se dérou­lant inté­gra­le­ment dans l’espace clos d’un navire anglais en 1797, l’opéra com­porte la par­ti­cu­la­ri­té de n’avoir que des per­son­nages masculins.

DVD Billy BUDD de Benjamin BrittenL’histoire est celle, très poi­gnante, de ce mate­lot modèle, Billy Budd, mar­ty­ri­sé parce que trop par­fait par le Maître d’armes du navire, qui est désem­pa­ré devant la beau­té et la per­fec­tion du jeune homme, et dont l’attirance se mue en haine.

Accu­sé à tort, inca­pable de se défendre, le beau Billy Budd tue par mal­adresse son accu­sa­teur per­vers et est condam­né à mort par le culti­vé, lucide et com­pa­tis­sant capi­taine du navire, inca­pable de pas­ser outre les codes aris­to­cra­tiques et hié­rar­chiques qui ont cours dans la marine bri­tan­nique. La souf­france du capi­taine est aus­si impor­tante pour Brit­ten que celle du matelot.

Pour carac­té­ri­ser la situa­tion, Brit­ten et son libret­tiste, adap­tant Her­man Mel­ville (le père de Moby Dick), cari­ca­turent les pro­fils et la carac­té­ri­sa­tion des per­son­nages : des offi­ciers nobles très culti­vés, des mate­lots anal­pha­bètes, et entre les deux des contre­maîtres bru­taux et égoïstes.

L’Histoire est constam­ment pré­sente dans l’opéra, celle de la Marine anglaise en guerre contre la Révo­lu­tion fran­çaise, et subis­sant des muti­ne­ries à répé­ti­tion. On voit les marins bri­tan­niques mal­trai­tés « défen­dant leur roi coûte que coûte contre les Fran­çais qui ont tué le leur ». Et on note­ra le savou­reux canon sur Don’t like the French.

Les décors de Glyn­de­bourne (le fes­ti­val d’été le plus célèbre d’Angleterre), les cos­tumes dif­fé­ren­ciés, la lumière extrê­me­ment tra­vaillée et la mise en scène très élé­gante sont des points forts de cette pro­duc­tion, par­fai­te­ment ren­dus en film (pré­fé­rez ici encore le Blu-Ray, pour avoir une impres­sion d’ambiance proche du res­sen­ti en salle).

L’atmosphère du navire est tota­le­ment ren­due (c’est aus­si le fait de la musique), avec une sen­sa­tion de gran­diose don­née par la symé­trie du bateau et le décor en trois dimensions.

Excel­lents chan­teurs éga­le­ment : le moderne et tour­men­té capi­taine Vere, ténor donc véri­table héros de l’opéra, joué à la créa­tion par Peter Pears, l’ami de Brit­ten, est ici chan­té par J. M. Ains­ley. On croit, lors du pro­logue, entendre Peter Pears, ce qui n’est pas un mince com­pli­ment. Le Maître d’armes est confié à un chan­teur ayant une voix grave, un regard sombre, un timbre lourd et noir, des mimiques très expres­sives, par­fait pour ce rôle.

Quant au Billy Budd de Jacques Imbrai­lo, disons seule­ment qu’il est abso­lu­ment par­fait, dans son appa­rence phy­sique (LE phy­sique du rôle), son jeu et son chant. Il est rare de voir une dis­tri­bu­tion dont la per­fec­tion va ain­si au-delà de la seule capa­ci­té de chan­ter, cela tient aus­si au phy­sique et au jeu des personnages.

La musique se marie bien aux situa­tions, sou­vent très émou­vantes, notam­ment lors du dilemme du capi­taine Vere. Natu­rel­le­ment, il s’agit d’un opé­ra de la seconde moi­tié du XXe siècle, sans mélo­die facile à rete­nir. La musique accom­pagne le théâtre, et per­met d’exacerber l’expressivité des situa­tions. Il s’agit plu­tôt d’une sorte de théâtre en musique.

La mai­son d’édition de l’Opéra de Covent Gar­den, Opus Arte, est aus­si très active pour publier les pro­duc­tions de Glyn­de­bourne. Pro­duc­tions tou­jours pas­sion­nantes : mise en scène inven­tive mais res­pec­tant l’œuvre, dis­tri­bu­tion de haut niveau, conser­va­tion et com­mer­cia­li­sa­tion de films haute défi­ni­tion. Pas de com­pa­rai­son cruelle avec ce que nous avons vécu ces der­nières années à Paris.

Poster un commentaire