Atténuer les effets climatiques et s‘y adapter

Dossier : Le changement climatique ........................ 1ere partie : Les ImpactsMagazine N°679 Novembre 2012
Par Bertrand REYSSET

Atté­nua­tion et adap­ta­tion consti­tuent les deux piliers com­plé­men­taires de la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique. Si le com­bat contre les gaz à effet de serre a long­temps été le porte-dra­peau de la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique, les dif­fi­cul­tés à réduire les émis­sions et les enjeux en termes de déve­lop­pe­ment humain entraînent une mobi­li­sa­tion crois­sante sur la ques­tion de l’adaptation.

REPÈRES
Le Groupe d’experts inter­gou­ver­ne­men­tal sur l’évolution du cli­mat (GIEC) défi­nit l’adaptation comme « l’ajustement des sys­tèmes natu­rels ou humains en réponse à des sti­mu­li cli­ma­tiques pré­sents ou futurs, ou à leurs effets, afin d’atténuer les effets néfastes ou d’exploiter des oppor­tu­ni­tés béné­fiques ». L’adaptation, c’est donc l’anticipation du chan­ge­ment cli­ma­tique pour en limi­ter les impacts néga­tifs et pour tirer par­ti des nou­velles oppor­tu­ni­tés. L’atténuation désigne les actions de réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre : elle se foca­lise donc sur la cause majeure du chan­ge­ment cli­ma­tique. L’adaptation, elle, se situe du côté de la ges­tion des consé­quences du chan­ge­ment climatique.

L’atténuation seule ne suf­fi­ra pas à résoudre le pro­blème du réchauf­fe­ment, notam­ment à cause de l’inertie du sys­tème cli­ma­tique. L’adaptation seule est éga­le­ment insuf­fi­sante, au risque de s’exposer à des coûts d’adaptation insoutenables.

Une inertie de vingt ans

Gérer l’incertitude
L’incertitude sur le cli­mat du futur touche asy­mé­tri­que­ment les deux concepts. Dans le cas de l’atténuation, on sait que la réduc­tion des émis­sions est favo­rable au cli­mat, l’incertitude porte sur le degré exact de limi­ta­tion de l’échauffement qui en découlera.
Pour l’adaptation, les choix d’actions étant liés aux ques­tions d’impacts locaux du cli­mat, l’incertitude est beau­coup plus dif­fi­cile à gérer : l’incertitude affecte la modé­li­sa­tion des impacts futurs comme l’option d’adaptation rete­nue (dimen­sion­ne­ment, choix tech­nique, cal­cul de ren­ta­bi­li­té, etc.).

En termes de tem­po­ra­li­té, les actions d’atténuation actuelles auront un effet déce­lable sur le cli­mat d’ici une ving­taine d’années en rai­son de l’inertie cli­ma­tique. Autre­ment dit, le cli­mat des vingt pro­chaines années est déjà écrit, nos actions de réduc­tion des gaz à effet de serre actuelles et futures n’auront d’effet qu’après 2030. Les actions d’adaptation, en anti­ci­pant les moyens de faire face à l’évolution du cli­mat, peuvent per­mettre d’amortir les consé­quences atten­dues dans les pro­chaines décen­nies, voire de cor­ri­ger des défi­cits d’adaptation au cli­mat actuel (ges­tion des vagues de cha­leur, etc.). L’adaptation a un inté­rêt pra­tique à court et moyen terme, l’atténuation, à moyen et long terme.

L’adaptation dépend du contexte

Les efforts d’atténuation peuvent se com­pa­rer en termes de métrique de réduc­tion des gaz à effet de serre.

Le com­bat contre les gaz à effet de serre a long­temps été un porte-drapeau

On uti­lise géné­ra­le­ment les « équi­va­lents en tonne de CO2 » pour com­pa­rer l’efficacité ou la ren­ta­bi­li­té des mesures d’atténuation. Pour l’adaptation, on ne dis­pose pas d’une telle métrique homo­gène. Une action d’adaptation est sou­vent spé­ci­fique aux contextes ter­ri­to­riaux et son coût dépend des choix tech­niques et de l’incertitude sur les impacts futurs. Les efforts d’atténuation ont le même effet sur le cli­mat glo­bal, quel que soit l’endroit où ils sont consen­tis. En revanche, l’effet d’une mesure d’adaptation est lié au ter­ri­toire où elle est mise en œuvre et au trai­te­ment effec­tif de l’incertitude sur les impacts. Autre­ment dit, dans le cas de l’atténuation, les impacts évi­tés sont redis­tri­bués de manière égale et glo­bale, alors que, dans le cas de l’adaptation, les impacts évi­tés sont redis­tri­bués inéga­le­ment entre ter­ri­toires et acteurs.

Anticiper les effets négatifs

Les impacts du chan­ge­ment cli­ma­tique sur un sec­teur, un ter­ri­toire, une filière ou un acteur don­né pour­ront revê­tir des aspects néga­tifs comme posi­tifs, comme l’explicite la défi­ni­tion de l’adaptation.

Plage de La Martinique pouvant être inondée par la remontée du niveau des eaux
Toutes les zones lit­to­rales sont mena­cées par la remon­tée du niveau de la mer et doivent anti­ci­per. Ici, une zone vul­né­rable de Mar­ti­nique. © GRÉGORY DECOGNE

L’action publique s’est, à ce jour, prin­ci­pa­le­ment pen­chée sur l’anticipation des effets néga­tifs du chan­ge­ment cli­ma­tique : com­ment anti­ci­per les impacts directs du cli­mat et les moyens d’y faire face ? Par exemple, l’effet adverse du chan­ge­ment cli­ma­tique sur la dis­po­ni­bi­li­té en eau et les risques d’incendie. Com­ment anti­ci­per les exter­na­li­tés néga­tives des actions indi­vi­duelles ? Par exemple, si tous les Fran­çais s’équipent mas­si­ve­ment de cli­ma­ti­seurs éner­gi­vores, le réseau élec­trique sera affecté.

La ges­tion des effets posi­tifs anti­ci­pés de l’évolution du cli­mat est, pour des rai­sons de prio­ri­té de l’action publique, lais­sée pour l’heure à l’initiative du sec­teur pri­vé ou du gain indi­vi­duel : ouver­ture de nou­veaux mar­chés et demande de ser­vices liés à l’évolution du cli­mat ; éco­no­mies spon­ta­nées en termes de chauf­fage, etc.

Les termes de l’adaptation

Quelques expres­sions consa­crées sont fré­quentes quand on se penche sur les ques­tions d’adaptation.

Mesure sans regret : mesure d’adaptation qui aura des effets béné­fiques quelle que soit l’évolution du cli­mat. Exemple type : la réduc­tion des consom­ma­tions d’eau. On peut aus­si trou­ver dans la lit­té­ra­ture anglo-saxonne le terme de « faible regret », lié en géné­ral à la prise en compte de coûts éle­vés de mise en œuvre ou de la fai­blesse de l’espérance du gain associé.

Mala­dap­ta­tion : ajus­te­ment des sys­tèmes natu­rels ou humains qui conduit, de manière non inten­tion­nelle, à aug­men­ter la vul­né­ra­bi­li­té au lieu de la réduire. Exemple : choix de cli­ma­ti­ser des espaces vul­né­rables aux vagues de cha­leur plu­tôt que d’investir dans une iso­la­tion dédiée.

Adap­ter les normes exis­tantes plu­tôt qu’édicter des normes nouvelles

Mains­trea­ming : terme anglo-saxon dési­gnant l’approche d’intégrer l’adaptation dans les pro­ces­sus exis­tants afin d’assurer une cohé­rence des actions entre et au sein des sec­teurs, de maté­ria­li­ser l’aspect trans­ver­sal de la notion d’adaptation, et de gagner en effi­cience. Exemple : plu­tôt que d’édicter des normes nou­velles de concep­tion des infra­struc­tures, regar­der com­ment les normes exis­tantes peuvent évo­luer pour prendre en charge le cli­mat du futur.

Mesures de riposte : actions qui visent à réagir aux consé­quences des poli­tiques d’atténuation. Cela n’est en rien de l’adaptation, mais les acteurs éco­no­miques font sou­vent la confu­sion. Exemple : réduire les dis­tances ou les consom­ma­tions des vols tou­ris­tiques pour s’accommoder des taxes sur les car­bu­rants fos­siles est une réac­tion à des régu­la­tions éco­no­miques, pas une adap­ta­tion au chan­ge­ment climatique.

Commentaire

Ajouter un commentaire

Phi­lippe Cuvillierrépondre
13 novembre 2012 à 12 h 15 min

Je vous remer­cie de par­ler
Je vous remer­cie de par­ler de chan­ge­ment cli­ma­tique au lec­to­rat polytechnicien.
Votre article se pro­pose de se foca­li­ser sur une dis­tinc­tion concep­tuelle qui j’i­ma­gine à pour but de don­ner au lec­teur des clés de com­pré­hen­sion face à un sujet com­plexe. Mais les nom­breux concepts que vous avan­cez auraient pu davan­tage per­sua­der plus s’ils venaient accom­pa­gnés d” exemples, illus­tra­tions. Dénués d’an­crages au réel, les concepts se creusent et laissent filer la réa­li­té que désigne « l’aspect trans­ver­sal de la notion d’adaptation », par exemple.
Si l’ap­proche me fait réagir, c’est qu’elle dégage un léger relent de nomi­na­lisme qui n’est sans risque d’ef­fet secon­daire grave : faire pas­ser dans le domaine (plus sécu­ri­sant, il est vrai) du verbe et de l’abs­trac­tion l’un des phé­no­mènes des plus concrets par ses causes, effets, et les nou­veaux com­por­te­ments qu’il suscite.

Répondre