Amour de Don Perlimplin avec Belisa en son jardin

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°545 Mai 1999Par : Federico Garcia LorcaRédacteur : Philippe OBLIN (46)

Quand on va à La Car­tou­che­rie de Vin­cennes, on peut être enchan­té ou déçu par le texte, ne rien com­prendre à ce qu’a vou­lu dire l’auteur ou, le com­pre­nant, l’apprécier ou pas. On est en revanche le plus sou­vent émer­veillé par le métier des comédiens.

J’ignore com­ment sont sélec­tion­nées les troupes qui s’y pro­duisent, ou choi­sis les comé­diens. Le résul­tat est en tout cas remarquable.

Or l’on pou­vait, l’autre soir, voir à La Car­tou­che­rie- Théâtre de l’Épée-de-Bois une troupe quelque peu fran­co-espa­gnole y inter­pré­ter Amour de Don Per­lim­plin avec Beli­sa en son jar­din, de Fede­ri­co Gar­cia Lor­ca, poète de théâtre qua­si contem­po­rain, fusillé par les fran­quistes en 1936, à l’âge de trente-sept ans. C’est bête de détruire les gens au motif qu’ils ne pensent pas comme les déten­teurs, au moins tem­po­raires, du pou­voir de détruire. Cette pra­tique est pour­tant répan­due, témoin Bra­sillach, Ché­nier et, un peu plus loin, Socrate, lui du moins condam­né par un tri­bu­nal tout ce qu’il y avait de plus démocratique.

Don Per­lim­plin, manière de Pier­rot lunaire, joué avec une admi­rable sobrié­té par Gabriel Gau­bert, hésite à se marier avec Beli­sa (Leo­nor Canales). Sa ser­vante Mar­col­fa (Luce­ro Roca) et “ La Tia ” (Gra­ziel­la Laca­gni­na) l’y poussent. Il craint de regret­ter sa tran­quilli­té et ses livres.

Il se marie, découvre l’amour fou ; mais rôde dans la nuit d’Espagne un homme en cape rouge que Beli­sa rêve d’avoir pour amant. Avec leur tem­pé­ra­ment d’entremetteuses anda­louses, Mar­col­fa et “ La Tia ” n’y voient aucun incon­vé­nient, et bien au contraire mani­gancent tout en consé­quence. Don Per­lim­plin n’aspire qu’au bon­heur de Beli­sa. Son amour l’a por­té si haut qu’il ignore la jalou­sie : … car je suis déjà loin … de toutes ces bêtises, dit-il. Il se tue d’un coup de poi­gnard, pour rendre la liber­té à Belisa.

C’est tout, mais les mots pro­non­cés changent cette brève his­toire en une pro­di­gieuse incan­ta­tion à l’amour et la mort, dont seuls les Espa­gnols détiennent le secret.

On peut cepen­dant déplo­rer que Lor­ca soit par­fois por­té sur la recherche d’effets qui frôlent l’excès. Pre­nant conseil des deux vieilles femmes avant de se marier, Don Per­lim­plin demande : Pour­quoi dire oui ? Elles répondent : Parce que oui. Ce peut être une manière de dire que le cœur a ses rai­sons que la rai­son ne connaît pas, ou bien une façon de moquer ces bavardes à bout d’argument. Cela d’ailleurs revient un peu au même, à y bien réfléchir.

Mais l’auteur nous donne jus­te­ment tout le temps d’y réflé­chir, parce que cette réplique est répé­tée cinq ou six fois, son­nant comme un refrain. Il est certes per­mis d’y voir une forme par­ti­cu­lière de poé­sie, mais se dire aus­si que c’est un peu beaucoup.

L’éclairage de la scène, du tré­teau plu­tôt, n’était assu­ré que par une forte torche élec­trique, maniée comme un pro­jec­teur par un mili­taire bot­té (Ale­jan­dro Pal­ma-Salas) qui jetait de temps à autre de brefs abois dont on ne sai­sis­sait pas bien la signi­fi­ca­tion. Peut-être ten­daient-ils à sym­bo­li­ser des rap­pels à l’ordre. Mais quel ordre ?

L’ennui, avec bien des poètes, c’est qu’on ne com­prend pas tou­jours tout à fait ce qu’ils ont vou­lu dire.

Quoi qu’il en soit, nous avons pas­sé une excel­lente soi­rée. Par com­mo­di­té, vous pou­vez à l’Épée-de-Bois, comme d’ailleurs aux autres théâtres de La Car­tou­che­rie, dîner de façon simple avant le spec­tacle. Mais là, et pour ajou­ter au charme, vous êtes ser­vis avec beau­coup de gen­tillesse par ces jeunes comé­diens, déjà habillés et maquillés.

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