67, Rue DUC-DES-CARS

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°672 Février 2012Par : Jacques Casanova (55)Rédacteur : Charles Pompéi, École des mines de Paris, promotion 1955Editeur : Atlantica – 2011 – 18, Allée Marie-Politzer, 64200 Biarritz

1952–1955, trois années de pré­pa subies ensemble au lycée Bugeaud d’Alger, et qui plus est dans le même tri­nôme. Jacques Casa­no­va endu­rait ce par­cours du com­bat­tant, épui­sant pour tant d’entre nous, avec un flegme tout bri­tan­nique, impres­sion­nant et aga­çant à la fois. Com­ment cachait-il, der­rière un énig­ma­tique sou­rire, une telle capa­ci­té de tra­vail alliée à une telle facul­té de distanciation ?

Couverture du livre : 67, rue DUC-DES-CARSCes qua­li­tés, je les ai retrou­vées dans cette auto­bio­gra­phie, ou plu­tôt cet Ouvrage lit­té­raire non iden­ti­fié (OLNI) dans lequel Jacques a tout fait pour évi­ter qu’on le recon­naisse. Lar­va­tus pro­deo reven­dique-t-il en se dis­si­mu­lant der­rière l’un ou l’autre de six per­son­nages « aus­si ima­gi­naires que réels » qui dia­loguent et s’interpellent. Six objec­teurs éclairent une vie plus inten­sé­ment et diver­se­ment qu’un seul.

Est-ce pour brouiller plus encore les pistes que cet OLNI suit l’une des plus impro­bables logiques spa­tio­tem­po­relles que l’on serait en droit d’attendre d’un poly­tech­ni­cien. On saute du 9 novembre 1942 à la fin 1967, pour reve­nir en 1960 après un long cha­pitre sur J. Ken­ne­dy, un détour en 1989 sur le mana­ge­ment des mul­ti­na­tio­nales, pour repar­tir ensuite en 1984. Entre-deux, une chro­nique sur les 35 heures, puis retour sur Mai 1968. Pour conclure cette fresque inclas­sable ce sera un matin de sep­tembre 1958, du côté de Ber­roua­ghia, la révé­la­tion d’un lourd secret.

Mais Jacques nous trace quelques routes sur une carte pour par­cou­rir le ter­ri­toire de sa vie. Au pre­mier plan, celle, naï­ve­ment géné­reuse, de Camus et des pro­gres­sistes, la route des occa­sions per­dues. La longue route de l’armée fran­çaise, de juin 1940 aux sol­dats per­dus du putsch des Géné­raux. Celle aus­si des Maillot, Minne ou Ive­ton, sol­dats per­dus de la cause adverse. La route de J. Ken­ne­dy, des ambi­tions oubliées et sa fin tra­gique. La route en Iran et en Afgha­nis­tan qui est aujourd’hui celle de l’islamisme.

Sou­dain, à un car­re­four inat­ten­du, on ren­contre notre auteur en six per­son­nages dia­lo­guant avec Antoine de Saint-Exu­pé­ry ou avec un DRH de mul­ti­na­tio­nale. Et, pour les contem­po­rains de Jacques, on y ren­contre aus­si par­fois celui que l’on a été.

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