100 jours pour réussir

Dossier : ExpressionsMagazine N°667 Septembre 2011
Par Richard DELORME (76)

Pour tout diri­geant, la ges­tion du temps est un fac­teur clé de réus­site. Mais pour celui qui prend un nou­veau poste, dans des cir­cons­tances par­fois ten­dues, le chal­lenge est très difficile.

Il faut en trois semaines défi­nir son équipe et ses relais

Le nou­veau venu réso­lu à faire bou­ger les choses dis­pose en effet d’une » fenêtre d’op­por­tu­ni­té » qui se révèle lar­ge­ment indé­pen­dante de la situa­tion concrète (cela tient à l’i­ner­tie natu­relle des orga­ni­sa­tions) et qui cor­res­pond à peu près aux trois pre­miers mois d’exer­cice. Il n’y a pas de recette toute faite pour réus­sir les cent jours. D’une part, il faut pou­voir s’a­dap­ter à chaque situa­tion ; d’autre part, le mode d’ac­tion dépen­dra pour beau­coup du flair et du style per­son­nel de chaque mana­ger. Il est pour­tant pos­sible de déga­ger quelques prin­cipes géné­raux, bonnes pra­tiques et règles de bon sens.

Sept clés pour changer

La pre­mière clé de réus­site vise à maî­tri­ser le champ des opé­ra­tions. Elle consiste à éva­luer la situa­tion de départ, com­prendre les enjeux, l’or­ga­ni­sa­tion et les hommes. Il est indis­pen­sable de se faire une idée de ces élé­ments-clés dès les pre­mières semaines, sans recher­cher l’ex­haus­ti­vi­té de l’analyse.

Prendre ses marques 
Nous avons pu éta­blir quatre règles d’or pour prendre ses marques : aller vite (faire confiance à son intui­tion) ; ne pas céder à la ten­ta­tion du détail (ne pas attendre, pour déci­der, d’a­voir une infor­ma­tion com­plète) ; diver­si­fier ses sources en ne négli­geant aucun éche­lon de la hié­rar­chie ; uti­li­ser sa capa­ci­té d’é­ton­ne­ment et de ques­tion­ne­ment pour faire de sa « mécon­nais­sance » ini­tiale un atout.

Appuis

La deuxième clé consiste à éta­blir ses appuis et porte sur les pre­mières déci­sions concer­nant les hommes. Le choix d’une équipe rap­pro­chée revêt une impor­tance déci­sive : sans bou­le­ver­ser les struc­tures en place, il faut sécu­ri­ser les postes clés tout en sachant éli­mi­ner les fac­teurs de blo­cage. Les qua­li­tés humaines et l’é­tat d’es­prit sont des points essen­tiels dans le choix des hommes clés.

Il faut en trois semaines défi­nir son équipe et ses relais, en pre­nant soin de cla­ri­fier rapi­de­ment qui est in et qui est out. Cela implique de savoir gar­der les mêmes chaque fois que c’est pos­sible, mais aus­si de se sépa­rer sans attendre des élé­ments blo­quants. Et éga­le­ment d’i­den­ti­fier et sécu­ri­ser les hommes clés, DAF et DRH en particulier.

Dans un deuxième temps, il faut cor­ri­ger les erreurs de cas­ting, mais se lais­ser du recul pour redé­fi­nir en pro­fon­deur l’organisation.

Retour d’ex­pé­rience
Un diri­geant qui arrive dans une entre­prise ou un cadre supé­rieur qui prend de nou­velles fonc­tions se trouve confron­té à des ques­tions très spé­ci­fiques dans les tout pre­miers mois, dès lors qu’il doit obte­nir des résul­tats dans des délais courts. Ces ques­tions ont été au coeur des mis­sions de mana­ge­ment de tran­si­tion conduites par EIM depuis plus de vingt ans.
Cet article rend compte d’une étude menée auprès de diri­geants opé­ra­tion­nels confir­més, exer­çant à des niveaux de direc­tion géné­rale ou de direc­tion d’ac­ti­vi­té au sein de grands groupes. Dans des contextes et avec des styles dif­fé­rents, tous ces acteurs ont su conduire avec suc­cès des opé­ra­tions de trans­for­ma­tion ou de redres­se­ment déci­sives, par­fois dans des condi­tions extrê­me­ment difficiles.

Premières mesures

La troi­sième clé a pour objet d’en­ga­ger les pre­mières mesures et se joue dès le pre­mier mois. Au-delà de leur impact finan­cier immé­diat, les ear­ly wins contri­bue­ront aus­si à mobi­li­ser les équipes. Un plan d’ac­tion à court terme, mobi­li­sa­teur, ne doit pas se confondre avec une stra­té­gie qui sera éla­bo­rée pro­gres­si­ve­ment dans le temps.


Une table ronde sur le thème » Cent jours pour réus­sir » sera orga­ni­sée dans les locaux de l’ESCP à Paris le 12 octobre 2011. © J. DEBELLEFONTAINE – ESCP EUROPE

Suivi rapproché

La qua­trième clé invite à défi­nir des indi­ca­teurs simples, par­lants et immé­dia­te­ment exploi­tables. Il s’a­gi­ra aus­si d’ins­tau­rer un sui­vi rap­pro­ché des plans d’ac­tion, dans le but de contrô­ler et de mesu­rer les actions.

Dans le délai des cent jours, il n’est pas per­ti­nent de bâtir ni de rema­nier des sys­tèmes de repor­ting sophis­ti­qués, mais d’or­ga­ni­ser un contrôle et un sui­vi éta­blis sur des règles claires : faire avec l’exis­tant et faire simple avec des indi­ca­teurs basiques, clairs, com­muns, com­pré­hen­sibles par tous. Dans des situa­tions éco­no­miques dif­fi­ciles, mettre immé­dia­te­ment sous contrôle le cash et les enga­ge­ments de dépenses. Dur­cir au besoin les plans d’ac­tion avec des res­pon­sa­bi­li­tés pré­cises et un sui­vi rapproché.

Adaptations structurelles

La cin­quième clé tra­duit la néces­si­té de faire les amé­na­ge­ments néces­saires aux struc­tures sans se lan­cer à court terme dans de grands chan­tiers contre-pro­duc­tifs. Les res­sources et les éner­gies doivent être mobi­li­sées sur la réa­li­sa­tion des objec­tifs à court terme et non pas sur des réformes pro­fondes des struc­tures ou des systèmes.

Communiquer sans cesse

La sixième clé répond à l’im­por­tance que revêt une com­mu­ni­ca­tion de proxi­mi­té, prag­ma­tique et directe, plu­tôt qu’une com­mu­ni­ca­tion ins­ti­tu­tion­nelle. Le mana­ger devra trou­ver le juste équi­libre entre ras­su­rer et dyna­mi­ser les hommes.

Nous avons pu éta­blir quatre règles d’or de com­mu­ni­ca­tion. Com­mu­ni­quez, com­mu­ni­quez, communiquez !

Soyez simple, concret, proche du ter­rain. Ni grand-messe ni grand dis­cours : res­tez modeste, n’a­bu­sez pas de » l’hé­ri­tage » ni des valeurs. Par­lez vrai, mais sans bru­ta­li­té ni naï­ve­té. Incar­nez la com­mu­ni­ca­tion ; faites preuve de péda­go­gie. Trou­vez l’é­qui­libre entre les pro­pos qui ras­surent et ceux qui ques­tionnent. N’an­non­cez que ce qui sera sui­vi d’ef­fet ; mieux vaut sinon se taire.

Chan­ger en douceur 
Les indis­pen­sables adap­ta­tions struc­tu­relles néces­sitent du doig­té. Il faut savoir cor­ri­ger rapi­de­ment, sans faire la révo­lu­tion, car il n’est pas temps de chan­ger les sys­tèmes. Le nou­veau diri­geant don­ne­ra une infor­ma­tion simple et par­ta­gée et fixe­ra des objec­tifs à court terme, qu’il fau­dra faire res­pec­ter. Il pour­ra s’ap­puyer sur des groupes de tra­vail en charge de pro­blèmes concrets et pres­sants. Il s’at­ta­che­ra à suivre les hommes, à les éva­luer et à les moti­ver. Il ne s’at­ta­que­ra pas à tout ce qui pour­rait aller mieux, mais éli­mi­ne­ra tout ce qui bloque le plan de marche.
Rapi­di­té
Pour iden­ti­fier les pre­mières actions, il faut faire très vite : les pre­mières déci­sions doivent se prendre sous trois semaines. Ces actions doivent aller à l’es­sen­tiel en se foca­li­sant sur le client (et sur le cash). Les aber­ra­tions fla­grantes sont à cor­ri­ger rapi­de­ment. Il faut pri­vi­lé­gier quelques vic­toires rapides, en se gar­dant à ce stade de toute « grande stratégie « .

Asseoir son leadership

La der­nière clé ras­semble les condi­tions à par­tir des­quelles le mana­ger éta­bli­ra son pou­voir, sa cré­di­bi­li­té per­son­nelle, et sau­ra trou­ver l’adhé­sion col­lec­tive pour réus­sir le pari du chan­ge­ment. Même si le lea­der­ship se bâtit dans la durée et sur les résul­tats obte­nus, il existe quelques élé­ments à sur­veiller tout particulièrement.

Le lea­der­ship est sou­vent dif­fi­cile à éta­blir dans des cas de tran­si­tion bru­tale. Le nou­veau diri­geant doit en pre­mier lieu don­ner l’exemple par son enga­ge­ment per­son­nel. Il s’at­ta­che­ra à sim­pli­fier, à aller à l’es­sen­tiel, en res­tant clair et cohé­rent. Il tien­dra son rang en s’as­su­rant du contrôle des leviers indispensables.

Et sur­tout il sau­ra prendre de la hau­teur, sans négli­ger de plon­ger dans les détails le cas échéant. En toute cir­cons­tance il res­te­ra mobile, réac­tif et « imprévisible ».

En savoir plus

L’AX s’as­so­cie avec les anciens de Cen­trale Paris, de l’ESCP et de l’IN­SEAD pour orga­ni­ser une table ronde sur le thème « Cent jours pour réus­sir « . Celle-ci sera ani­mée par Daniel For­tin des Échos et réuni­ra Patrick Puy (75, direc­teur géné­ral de TDF), Jérôme Tolot (direc­teur géné­ral de GDF Suez Éner­gies Ser­vices), Oli­vier Beau­four (direc­teur géné­ral de Gene­ral Mil­ls France) et Pierre Vareille (pré­sident-direc­teur géné­ral de FCI).

Le 12 octobre 2011, à par­tir de 18h45 dans les locaux de l’ESCP à Paris.

Ins­crip­tion sur www.escpeuropealumni.org

Biblio­gra­phie
Les asso­ciés d’EIM, Les Diri­geants fran­çais face au chan­ge­ment , Éd. du Hui­tième Jour, 2004.
« Pour une éthique du mana­ge­ment de tran­si­tion : les 100 jours d’un mana­ger « urgen­tiste » », La Chro­nique EIM , 2004 (http://www.france-eim.com/documents/chronique-eim1.pdf).
« Le cou­rage de chan­ger « , EIM tran­si­tion, La Lettre d’EIM France , 2009
(http://www.france-eim.com/documents/transition42.html)

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