Apprécier d’être « internationale »

Dossier : Le quarantième anniversaire des polytechniciennesMagazine N°677 Septembre 2012
Par Lamis ALJOUNAIDI (02)

Mon visa et ma valise

Mon visa et ma valise

J’avais pré­paré mes con­cours dans ma petite pré­pa tunisi­enne, per­chée au milieu de la colline de Sidi Bou-Saïd. J’avais passé les écrits avec une cen­taine d’autres can­di­dats pour « les con­cours com­muns poly­tech­niques » ; une ving­taine pour le con­cours des Mines et de Cen­trale ; une dizaine pour l’X et enfin seule face à trois super­viseurs pour l’École nor­male. J’étais admis­si­ble à tous ces concours.

J’ai pré­paré mon visa, mes valis­es et mes oraux. Puis j’ai embar­qué pour un mois d’examens dans la cap­i­tale française. Les résul­tats de l’X sont tombés la qua­trième semaine de mon séjour. Oui ! J’étais admise, et pas n’importe où : à l’X. J’ai aban­don­né ma dernière série d’oraux. J’avais enfin le temps de me balad­er sur les quais de la Seine, vis­iter Saint- André-des-Arts et le café de Flore.

Je suis rev­enue en octo­bre 2002 avec Olfa et Meh­di, mes deux cama­rades qui ont inté­gré l’X avec moi. C’était la ren­trée des EV1 – les X étrangers qui ont inté­gré l’École par voie de con­cours –, un mois après celle de nos cama­rades français. Nous étions une quar­an­taine d’EV1 dans ma pro­mo­tion dont huit femmes : six Tunisi­ennes, une Libanaise, une Maro­caine. À nous s’ajouteraient en mai une soix­an­taine d’EV2 – les X étrangers qui ont inté­gré l’École par voie uni­ver­si­taire – dont neuf femmes : une Irani­enne, deux Russ­es, trois Roumaines, deux Chi­nois­es et une Vietnamienne.

Les trois meilleures années de ma vie

C’est ain­si que j’ai débuté les trois meilleures années de ma vie : d’abord six mois à Stras­bourg en ser­vice civ­il au lycée Marc-Bloch avec ma binôme Chris­tine. J’y ai décou­vert le marché de Noël, goûté la bière Fish­er avec les autres X en ser­vice civ­il à Stras­bourg. J’y ai par­ticipé à la bib­lio­thèque de rue avec Annelise qui fai­sait son ser­vice civ­il à ATD-Quart monde.

Ensuite, retour à Palaiseau où je me suis investie dans la vie du Plateau. Les cours avec les meilleurs pro­fesseurs lais­saient la place en soirée à une vie asso­cia­tive riche : activ­ités sociales de la Kès, Point Gam­ma, et de nom­breuses soirées au Bôbar. Depuis l’ouverture de l’X aux femmes, deux cents étrangères ont eu la chance d’y faire leurs études et d’y vivre l’incroyable aven­ture poly­tech­ni­ci­enne : une quar­an­taine avant la réforme X 2000 ; env­i­ron 160 depuis. Nous représen­tons une trentaine de nation­al­ités et cinq con­ti­nents : Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Asie et Afrique. La Chine (42), la Roumanie (30) et la Tunisie (26) sont les nation­al­ités les mieux représen­tées. Mais les poly­tech­ni­ci­ennes inter­na­tionales vien­nent d’aussi loin que l’Iran (4), le Brésil (12), la Russie (17) ou le Camer­oun (2). À titre de com­para­i­son, l’X accueille les étu­di­ants inter­na­tionaux depuis au moins 1934. Il y a env­i­ron 1400 poly­tech­ni­ciens représen­tant 70 nation­al­ités ; les mieux représen­tées étant le Maroc (260), la Tunisie (160), la Chine (150) et le Viêt­nam (120).

Une richesse personnelle et professionnelle

Qu’est-ce que les deux cents femmes inter­na­tionales ont tiré de leur pas­sage à l’X ? Curieuse de le savoir, j’ai posé quelques ques­tions à celles de mon entourage. Elles gar­dent un sou­venir très posi­tif de leur sco­lar­ité poly­tech­ni­ci­enne. Le fait de sor­tir de la norme, être une femme autant qu’être étrangère a eu un impact sur leur vécu à l’X. Mais elles ne l’ont pas néces­saire­ment vécu comme un hand­i­cap : elles ont eu l’opportunité d’apprécier leur différence.

Aujourd’hui, quel que soit le pays où elles sont instal­lées, elles recon­nais­sent à l’X un impact posi­tif impor­tant sur leur par­cours pro­fes­sion­nel : être une femme reste encore aujourd’hui un hand­i­cap dans cer­tains milieux pro­fes­sion­nels ; être une femme poly­tech­ni­ci­enne l’est un peu moins. Elles recon­nais­sent à l’X un impact presque aus­si impor­tant sur leurs vies per­son­nelles : c’est là qu’elles ont ren­con­tré leurs amis les plus proches, voire leurs con­joints. Et si c’était à refaire ? Elles reviendraient à l’X sans hésiter !

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