ANAPIX medical

ANAPIX medical : L’intelligence artificielle au service du dépistage des cancers de la peau

Dossier : Vie des entreprises - HealthtechMagazine N°804 Avril 2025
Par Bernard FERTIL

La der­ma­to­lo­gie fait face à de nom­breux défis : manque de spé­cia­listes, allon­ge­ment des délais de consul­ta­tion, aug­men­ta­tion des cas de can­cers cuta­nés. Face à cette situa­tion, ANAPIX medi­cal pro­pose des solu­tions inno­vantes en s’appuyant sur la télé­mé­de­cine et l’intelligence arti­fi­cielle (IA). Dépis­tages en entre­prise, télé-exper­tises en phar­ma­cie, outils numé­riques d’aide au diag­nos­tic : la socié­té repense l’organisation des soins pour amé­lio­rer la détec­tion et la prise en charge des can­cers de la peau. Ber­nard Fer­til, ancien direc­teur de recherche au CNRS, spé­cia­liste de l’imagerie médi­cale et de l’IA depuis plus de 40 ans, cofon­da­teur et pré­sident d’ANAPIX medi­cal, revient sur cette révo­lu­tion tech­no­lo­gique et ses enjeux.

Quelle est l’origine d’ANAPIX medical et quelles motivations ont poussé à sa création ?

L’idée d’ANAPIX medi­cal est née du constat qu’il exis­tait un écart entre la recherche scien­ti­fique et son appli­ca­tion cli­nique. Pen­dant des années, j’ai déve­lop­pé avec mon équipe des outils d’aide au diag­nos­tic à par­tir d’images médi­cales, mais ces inno­va­tions res­taient confi­nées aux publi­ca­tions scien­ti­fiques. En 2016, l’un de nos algo­rithmes d’IA a obte­nu la troi­sième place d’un chal­lenge inter­na­tio­nal inter-uni­ver­si­taire sur le dépis­tage des méla­nomes. Cela nous a confir­mé que nos recherches avaient un poten­tiel réel, mais qu’il fal­lait aller plus loin. Créer ANAPIX medi­cal était un moyen de faire sor­tir ces avan­cées du labo­ra­toire pour les rendre acces­sibles aux méde­cins et aux patients. Avec mon asso­cié André Fond, entre­pre­neur du sec­teur bio­mé­di­cal, nous avons d’abord conçu des outils de ges­tion de pho­to­gra­phies pour les der­ma­to­logues, puis nous avons élar­gi notre approche en inté­grant la télé-exper­tise et l’intelligence arti­fi­cielle dans la détec­tion des can­cers de la peau.

Quelles solutions proposez-vous et comment répondent-elles aux enjeux actuels ?

Nos solu­tions répondent à un besoin urgent : l’accès à un diag­nos­tic rapide et fiable des patho­lo­gies der­ma­to­lo­giques. Nous avons déve­lop­pé un ensemble d’applications per­met­tant aux der­ma­to­logues et aux méde­cins géné­ra­listes de cap­tu­rer, de com­pa­rer, d’analyser des pho­to­gra­phies de lésions cuta­nées en temps réel et de se les trans­mettre pour avis. Un soin par­ti­cu­lier a été consa­cré à l’acquisition de pho­to­gra­phies der­mo­sco­piques de la peau, prises avec un objec­tif spé­ci­fique (sorte de loupe gros­sis­sante d’un fac­teur 10, muni d’un éclai­rage annu­laire) adap­té au smart­phone et à leur ana­lyse par IA. Échanges et sto­ckage ont été bien sûr gérés de manière sécu­ri­sée par l’intermédiaire d’un ser­veur cer­ti­fié héber­geur de don­nées de santé.

Parallèlement, vous avez mis en place un service de dépistage en entreprise…

Dans le cadre de ce ser­vice, un infir­mier for­mé par ANAPIX se déplace dans les locaux des entre­prises pour réa­li­ser un exa­men com­plet des employés qui ont sou­hai­té être dépis­tés. Les dos­siers sont com­mu­ni­qués à des der­ma­to­logues pour exper­tises assor­ties d’éventuelles recom­man­da­tions. Ce ser­vice ren­contre beau­coup de suc­cès, 30 à 40 % des employés sou­hai­tant en béné­fi­cier. En deux ans, plus de 7 000 exper­tises, regrou­pant 165 000 pho­to­gra­phies, ont été faites de cette manière sur plus d’une cen­taine de sites d’entreprises. Elles ont per­mis de détec­ter 108 can­cers graves (1,5 %) qui ont pu ain­si être rapi­de­ment pris en charge.

Enfin, grâce au sou­tien com­mer­cial et logis­tique de la socié­té Skin­Med, nous équi­pons plus de 200 phar­ma­cies (4000 exper­tises, 21 000 pho­to­gra­phies, à cette date) qui pro­posent notre ser­vice de télé-exper­tise : un patient inquiet pour une lésion peut obte­nir une ana­lyse rapide par un der­ma­to­logue, en fai­sant prendre quelques pho­to­gra­phies par un phar­ma­cien et en répon­dant à un ques­tion­naire spé­ci­fique orien­té can­cers de la peau.

Ces solu­tions per­mettent de démo­cra­ti­ser l’accès au diag­nos­tic, en contour­nant les contraintes liées au manque de dermatologues.

Comment l’intelligence artificielle améliore-t-elle la détection des cancers de la peau ?

L’IA est un outil qui com­plète et ren­force l’expertise humaine. Elle est par­ti­cu­liè­re­ment effi­cace pour iden­ti­fier, à par­tir des pho­to­gra­phies der­mo­sco­piques, les lésions sus­pectes et évi­ter les erreurs d’interprétation. À sen­si­bi­li­té égale, nos algo­rithmes per­mettent de réduire de moi­tié le nombre d’interventions inutiles, ce qui signi­fie moins d’exérèses super­flues et donc moins de stress pour les patients. Dans un cadre régle­men­taire strict, l’IA ne rem­place pas le méde­cin, mais agit comme un deuxième avis. Concrè­te­ment, elle ana­lyse des cli­chés der­mo­sco­piques et signale les ano­ma­lies pou­vant néces­si­ter une inter­ven­tion. Loin d’être une menace pour la pro­fes­sion, elle repré­sente une avan­cée majeure qui per­met aux der­ma­to­logues de se concen­trer sur les cas les plus com­plexes. En rédui­sant le nombre de faux posi­tifs, elle opti­mise éga­le­ment l’utilisation des res­sources médicales. 

Comment vos solutions favorisent-elles la collaboration entre les professionnels de santé ?

Aujourd’hui, l’accès à un der­ma­to­logue est deve­nu dif­fi­cile, notam­ment en rai­son de la dimi­nu­tion du nombre de pra­ti­ciens. Notre pla­te­forme per­met de flui­di­fier la col­la­bo­ra­tion entre les méde­cins géné­ra­listes et les der­ma­to­logues en faci­li­tant l’échange de dos­siers. Un géné­ra­liste peut trans­mettre une image der­mo­sco­pique et des infor­ma­tions asso­ciées à un der­ma­to­logue et obte­nir son avis dans les heures ou jours qui suivent, sans que le patient ait besoin de se dépla­cer. Ce sys­tème repose sur la télé-exper­tise, qui est désor­mais rem­bour­sée par la Sécu­ri­té sociale dans le cadre d’une conven­tion entre pro­fes­sion­nels de san­té. Nos outils sont conçus pour s’intégrer faci­le­ment dans les pra­tiques exis­tantes et assu­rer une conti­nui­té dans la prise en charge. Nous avons éga­le­ment déve­lop­pé un cadre sécu­ri­sé pour garan­tir la confi­den­tia­li­té des don­nées médi­cales, avec un accès requé­rant une authen­ti­fi­ca­tion forte par cer­ti­fi­cat numé­rique ou code OTP (one time password). 

Quelles perspectives de développement envisagez-vous pour ANAPIX medical ?

Nous tra­vaillons sur plu­sieurs pro­jets pour élar­gir notre champ d’action. L’un des axes majeurs concerne le déve­lop­pe­ment d’un objec­tif der­mo­sco­pique connec­table à un smart­phone, à bas coût. Cet appa­reil per­met­tra aux par­ti­cu­liers de sur­veiller leurs lésions cuta­nées et d’obtenir un avis médi­cal à dis­tance. Ce type de solu­tion faci­li­te­ra un dépis­tage pré­coce, notam­ment dans les zones où l’accès aux soins est limi­té. Un autre pro­jet en cours concerne un Pho­to­ma­ton 3D, cabine équi­pée de camé­ras capables de scan­ner l’ensemble du corps en quelques secondes. 

Nous sommes à ce niveau en phase de recherche de finan­ce­ment, la cabine a été choi­sie (TOOiin) mais cer­tains déve­lop­pe­ments res­tent à faire, tant sur l’optique à uti­li­ser pour atteindre la qua­li­té néces­saire pour le diag­nos­tic que sur la détec­tion des lésions à risque. Ce dis­po­si­tif per­met­tra d’identifier auto­ma­ti­que­ment les grains de beau­té et de suivre leur évo­lu­tion dans le temps. L’objectif est d’offrir un dépis­tage plus pré­cis et plus rapide, avec un gain de temps consi­dé­rable pour les méde­cins. Ce type d’innovation devien­dra vite une réfé­rence dans les années à venir. 

Quelle place pour ANAPIX medical dans la transformation numérique du secteur médical ?

La méde­cine entre dans une nou­velle ère, où les outils numé­riques deviennent indis­pen­sables pour répondre aux défis de san­té publique. Nos solu­tions s’inscrivent dans cette dyna­mique en pro­po­sant des alter­na­tives aux consul­ta­tions clas­siques, sans jamais les rem­pla­cer. Grâce à la télé-exper­tise, l’IA et la ges­tion opti­mi­sée des don­nées médi­cales, nous per­met­tons une prise en charge plus rapide et plus effi­cace des patients. Ce modèle a déjà fait ses preuves dans d’autres domaines médi­caux et la der­ma­to­lo­gie n’y fait pas excep­tion. Aujourd’hui, les men­ta­li­tés évo­luent et les pro­fes­sion­nels de san­té recon­naissent de plus en plus l’intérêt de ces inno­va­tions. L’enjeu prin­ci­pal est d’accompagner cette tran­si­tion en garan­tis­sant une inté­gra­tion har­mo­nieuse des nou­velles tech­no­lo­gies dans la pra­tique cli­nique. Nous sommes convain­cus que la méde­cine de demain sera plus connec­tée, indi­vi­dua­li­sée et acces­sible et tou­jours plus performante. 

Dermoscope personnel
Der­mo­scope personnel

Vers une dermatologie augmentée par le numérique et l’intelligence artificielle

Le diag­nos­tic et la pré­ven­tion des can­cers de la peau peuvent béné­fi­cier tout par­ti­cu­liè­re­ment de l’essor du numé­rique. En met­tant à dis­po­si­tion des pro­fes­sion­nels de san­té des outils inno­vants, ANAPIX medi­cal contri­bue acti­ve­ment à la moder­ni­sa­tion de ce sec­teur d’activité. L’intelligence arti­fi­cielle, la télé-exper­tise et les solu­tions de dépis­tage inté­grées ouvrent de nou­velles pers­pec­tives pour une der­ma­to­lo­gie plus effi­cace et plus acces­sible. Avec des pro­jets en constante évo­lu­tion, l’entreprise s’impose comme un acteur clé de cette trans­for­ma­tion et pour­suit son enga­ge­ment en faveur d’une méde­cine 4P (per­son­na­li­sée, pré­ven­tive, pré­dic­tive, par­ti­ci­pa­tive) acces­sible par les tech­no­lo­gies de pointe.

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