Aider l’École à aller de l’avant

Dossier : ExpressionsMagazine N°676 Juin/Juillet 2012
Par Laurent BILLÈS-GARABÉDIAN (83)

C’est fait, ou presque : l’École poly­tech­nique va tra­vailler encore davan­tage avec l’Université, avec un grand U. Le cap est fixé. Quant aux modal­ités, soumis­es encore à bien des aléas poli­tiques, elles restent à définir.

Un vocabulaire complexe

Dans un con­texte mon­di­al, la qual­ité d’un enseigne­ment se réfère oblig­a­toire­ment à une « université »

L’Université s’appellera uni­ver­sité Paris-Saclay. Créées en Europe dès le XIe siè­cle, en tant « qu’organisations regroupant des col­lèges d’étudiants », les uni­ver­sités, sous l’influence améri­caine, sont dev­enues de véri­ta­bles ensem­bles d’enseignement, de recherche, d’industrie, de com­merce, voire d’habitation, ensem­bles dont la diver­sité s’exprime par­fois sous le nom à la mode de clus­ter, qui sig­ni­fie lit­térale­ment grappe.

Quel nom pour une université ?
Les uni­ver­sités adoptent les noms les plus divers. La plus anci­enne, l’université de Bologne, fondée en 1088, est tou­jours con­nue sous le nom d’université de Bologne, bien que rebap­tisée Alma Mater stu­dio­rum, il y a douze ans à peine. La plus célèbre, l’université de Har­vard, fondée en 1636, tire son nom de celui du pas­teur qui lui a légué sa bib­lio­thèque. La Sor­bonne est tout sim­ple­ment l’oeuvre de Robert de Sor­bon, chapelain de Saint-Louis en 1253. L’université chi­noise, dite uni­ver­sité de Shang­hai, s’appelle en réal­ité Jiao-Tong, mot intraduis­i­ble évo­quant l’idée de com­mu­ni­ca­tion. Le nom de la nou­velle uni­ver­sité Paris-Saclay se pro­pose de bien sig­ni­fi­er au monde entier qu’il s’agit de Paris, tout en respec­tant le lieu-dit de l’implantation géographique.

Dans le con­texte mon­di­al actuel, la qual­ité d’un enseigne­ment se réfère oblig­a­toire­ment à « l’université » con­cernée (uni­ver­si­ty), la notion d’école restant plus con­fi­den­tielle, mais sou­vent pri­mor­diale. La créa­tion de cette uni­ver­sité sera stim­ulée par une Idex (ini­tia­tive d’excellence), à savoir un pro­jet sci­en­tifique sub­ven­tion­né par l’État (8 en France).

On évoque aus­si par­fois le Cam­pus de Paris-Saclay, terme habituelle­ment con­sacré aux infra­struc­tures d’enseignement hors la ville (champ, en latin). Sans compter, bien sûr, une School of engi­neer­ing, encore en pro­jet, qui pour­rait struc­tur­er les liens entre écoles d’ingénieurs et universités.Tout ce vocab­u­laire ne con­tribue guère à la clarté, non plus que la mul­ti­plic­ité des inter­venants. On pour­ra, pour sim­pli­fi­er, évo­quer sim­ple­ment l’aménagement actuel et futur du Plateau.

Une belle place sur le Plateau

L’université Paris-Saclay sera dirigée par un prési­dent et qua­tre vice-prési­dents. Elle comptera à terme 22 parte­naires dont 10 grandes écoles, Poly­tech­nique com­prise, 2 uni­ver­sités, 7 organ­ismes de recherche et un pôle de com­péti­tiv­ité mondial.

L’aménagement est piloté par l’EPPS (Étab­lisse­ment pub­lic de Paris-Saclay, créé dans le cadre du Grand Paris), sur le secteur géo­graphique du plateau de Saclay.

Au sein du mille­feuille insti­tu­tion­nel et géo­graphique du pro­jet d’ensemble, l’École poly­tech­nique se situe dans le « quarti­er de Poly­tech­nique » (160 hectares). Elle y voi­sine, ou y voisin­era, avec d’autres écoles (Agro, ENSTA, ENSAE, Télé­coms, IOGS, etc.) et des lab­o­ra­toires de recherche publics et privés (Dig­i­teo, EDF, Thalès, Danone, etc.).

Les autres « quartiers » devraient voir l’implantation d’autres écoles (Cen­trale, Supélec et bien sûr le cam­pus HEC), d’universités pro­pre­ment dites (Paris-XI, Ver­sailles Saint-Quentin), d’autres entre­pris­es et lab­o­ra­toires, sur un ter­ri­toire débor­dant d’ailleurs du Plateau.

Un financement à trouver

L’École garde son iden­tité juridique et la tutelle du min­istère de la Défense. Elle con­serve la maîtrise de son enseigne­ment orig­i­nal, pluridisciplinaire.

Qua­tre années d’études
L’École poly­tech­nique regroupe aujourd’hui 2 800 étu­di­ants, y com­pris les mas­ters et doc­tor­ants. Plus du quart sont des élèves dits « inter­na­tionaux », de 60 nation­al­ités dif­férentes. L’École pos­sède 22 lab­o­ra­toires et emploie près de 400 enseignants, dont 90 à temps plein. Une pro­mo­tion de poly­tech­ni­ciens pro­pre­ment dits regroupe 500 élèves, dont 400 élèves français sous statut mil­i­taire et 100 élèves inter­na­tionaux. La durée des études est de qua­tre ans. La dernière année, qui dure en réal­ité seize mois, se déroule le plus sou­vent dans d’autres étab­lisse­ments (idée sim­i­laire à celle des écoles d’application d’autrefois).

Le con­trat d’objectif et de per­for­mance signé avec l’État pour la péri­ode allant de 2012 à 2016 prévoit la sta­bil­ité de la sub­ven­tion apportée par le min­istère de la Défense, à hau­teur de 70 mil­lions d’euros env­i­ron par an. Les pro­jets de développe­ment, qui prévoient de quadru­pler les capac­ités d’enseignement et de recherche, entraîneront des dépens­es nou­velles qu’il fau­dra financer par des ressources pro­pres, sous forme de con­trats avec des entre­pris­es ou d’appels à la con­tri­bu­tion des anciens élèves.

On peut rap­pel­er à ce sujet que la dernière cam­pagne de lev­ée de fonds a rap­porté 31,6 mil­lions d’euros en qua­tre ans, auprès de 152 « grands dona­teurs », 1 995 anciens et 220 par­ents et amis. Bien que l’École reste « au ser­vice général de la Nation », l’État ne pro­pose plus que 77 places à la sor­tie. La toute dernière pro­mo­tion, qui a fait son choix il y a quelques semaines, compte ain­si 18 ingénieurs des Mines, 25 IPEF (ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts), 18 ingénieurs de l’Armement et 10 ingénieurs de l’INSEE.

Un métro léger

Un métro léger reliera Orly à Saint-Quentin, via Massy- Palaiseau et le Plateau

Qui n’a mul­ti­plié les demi-tours (si pos­si­ble) sous l’injonction de son GPS désorienté ?

Qui n’est par­ti en quête du fameux auto­bus 91.06 ?

Qui n’a gravi à pied, sous un soleil de plomb ou en butte au ver­glas de l’hiver, les trois cents march­es qui con­duisent de la sta­tion Lozère au tem­ple du savoir ? Bref, rejoin­dre le Platâl, comme dis­ent les élèves, relève de l’expédition.

La bril­lante uni­ver­sité Paris-Saclay, avec ses 50000 étu­di­ants, ne pour­ra raisonnable­ment s’en accom­mod­er. Entre autres amé­nage­ments d’infrastructure et de trans­port, il est prévu, à l’horizon 2018, la mise en place d’un métro « léger », de type VAL, qui reliera Orly au Plateau puis à Saint-Quentin-en- Yve­lines, en pas­sant par la gare de Massy-Palaiseau, avec un arrêt à la sta­tion École poly­tech­nique (il faut con­tin­uer à oeu­vr­er pour obtenir ce nom de station).

Un soutien actif et vigilant

Dans ce pro­jet, il faut bien con­stater que l’École poly­tech­nique se retrou­ve au deux­ième rang, der­rière le Prési­dent et les vice-prési­dents de l’université Paris-Saclay, avec les autres écoles et les deux uni­ver­sités. Com­ment con­tribuer au développe­ment et à la répu­ta­tion de ce futur ensem­ble sans « diluer la mar­que » et ris­quer de tro­quer une image forte con­tre une image floue ?

Il existe des élé­ments ras­sur­ants. L’École con­serve son autonomie, sa tutelle, son mod­èle orig­i­nal de for­ma­tion. Elle con­serve sa « mar­que ». Elle jouera un rôle moteur dans le ray­on­nement à l’étranger. Néan­moins, comme l’a souligné le Con­seil de l’AX, il importe de rester vig­i­lant en veil­lant à ce que les fon­da­men­taux de l’É­cole qui font la qual­ité et la répu­ta­tion de son mod­èle péd­a­gogique ne soient pas entamés.

L’AX aux côtés de l’École

Recon­nue pour la sélec­tiv­ité de son recrute­ment et de son enseigne­ment, l’École poly­tech­nique a pour mis­sion de for­mer ses élèves à occu­per des emplois de respon­s­abil­ité dans l’ensemble des activ­ités de la nation, et en par­ti­c­uli­er dans les corps de l’État.

École polytechnique : Le PlâtalL’École doit relever les défis aux­quels elle fait face.

Le rôle de l’École poly­tech­nique dans ce futur ensem­ble est un rôle clé, et elle doit apporter le meilleur de ce qu’elle a dévelop­pé tout en gar­dant ses spé­ci­ficités. Elle doit garder son mod­èle de for­ma­tion orig­i­nale, mul­ti­dis­ci­plinaire et transverse.

Le pro­jet doit être à l’écoute des besoins de la Nation et du monde économique, offrir des débouchés et des emplois aux élèves et con­tribuer aux objec­tifs de réindustrialisation.

La façon de s’organiser doit priv­ilégi­er l’agilité et la réac­tiv­ité plutôt que la recherche effrénée de la taille et des structures.

Les élèves et étu­di­ants doivent être au coeur du projet.

L’AX sera aux côtés de l’École pour être force de propo­si­tion et pour ren­forcer les liens au sein de la com­mu­nauté polytechnicienne.

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