À propos d’un livre récent : Réinventer la croissance de Jacques Méraud (46)

Dossier : ExpressionsMagazine N°626 Juin/Juillet 2007Par Gérard PILÉ (41)

I — PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Ce livre au titre explicite, la per­son­nal­ité de l’au­teur, son rôle dans le passé, témoignent s’il en était encore besoin, des efforts déployés au sein de la com­mu­nauté poly­tech­ni­ci­enne pour con­tribuer, à l’heure de la mon­di­al­i­sa­tion, à une claire prise de con­science dans notre pays, des défis à relever, comme à sug­gér­er des remèdes appropriés. 

En accord avec la rédac­tion, on a estimé que cet ouvrage offrait matière à un « Libre pro­pos », dans la ligne édi­to­ri­ale de notre revue si bien illus­trée dans les numéros de novem­bre et jan­vi­er derniers con­sacrés au remar­quable tra­vail de X‑Sursaut et le numéro de mars, plus nuancé, sur le thème « Libéral­isme et mon­di­al­i­sa­tion ».

Au-delà d’un riche com­plé­ment d’in­for­ma­tions (par exem­ple, de rich­es et claires analy­ses com­par­a­tives au niveau européen, à base de sta­tis­tiques, lan­gage par­faite­ment maîtrisé par son auteur), Réin­ven­ter la crois­sance procède d’un regard sur l’é­conomie assez dif­férent des précé­dents, celui d’un expert ayant mis sa com­pé­tence d’é­con­o­miste au ser­vice de l’É­tat tout au long de sa car­rière et de ce fait tenu à observ­er une cer­taine discrétion. 

Enfin et surtout, au terme de son analyse, l’au­teur soulève la « ques­tion de l’eu­ro », du rôle devant nor­male­ment lui être assigné dans une Europe qui, man­i­feste­ment en quête d’i­den­tité, peine à se con­stru­ire comme à renouer avec la croissance. 

Avant d’analyser ce livre, il nous a paru utile de met­tre en rela­tion ses pôles d’in­térêt avec le par­cours pro­fes­sion­nel de l’au­teur (briève­ment résumé ci-contre). 

JACQUES MÉRAUD appar­tient à la pre­mière généra­tion d’économistes d’après-guerre, for­més à l’INSEE, dans un esprit d’ouverture inter­dis­ci­plinaire. Rap­pelons que la démo­gra­phie, alors si bien per­son­nifiée par Alfred Sauvy, y était à l’honneur, tan­dis que Mau­rice Allais y dis­pen­sait ses pre­miers cours mag­is­traux. Véri­ta­ble créa­teur, rap­por­teur général du CERC (Cen­tre d’études des revenus et des coûts), Jacques Méraud y développe son exper­tise en macroé­conomie et s’impose par étapes, au sein de nos Insti­tu­tions, comme le con­jonc­tur­iste de référence, bien­tôt appelé à siéger à la Com­mis­sion des comptes de la Nation, au Con­seil des impôts, au Con­seil économique et social, au Con­seil général de la Banque de France, toutes instances où on ne compte plus les « Rap­ports Méraud », occa­sions de dia­loguer « tous azimuts » avec les per­son­nal­ités les plus divers­es, tant en France qu’au niveau européen, plus spé­ciale­ment la BCE, dont il a suivi l’action (détail ayant son impor­tance, comme on le ver­ra par la suite).
Rap­pelons en dernier lieu que Jacques Méraud, longtemps directeur d’études à l’École des hautes études en Sci­ences sociales, s’est vu décern­er à deux repris­es pour ses ouvrages, un prix de l’Académie des Sci­ences morales et politiques. 

Dans la pre­mière par­tie, l’au­teur dresse un con­stat rapi­de des « pre­miers effets de la mon­di­al­i­sa­tion libérale ». Ils sont trop con­nus pour que l’on s’é­tende ici sur les prin­ci­pales com­posantes des trans­for­ma­tions pro­fondes à l’œu­vre depuis un quart de siè­cle : ouver­ture des fron­tières, change­ment d’échelle du vol­ume des échanges com­mer­ci­aux comme des mou­ve­ments de cap­i­taux (mais aus­si du pou­voir du capital !)… 

En défini­tive, la pri­or­ité a été don­née partout à la poli­tique de « l’of­fre », par allége­ment des charges de pro­duc­tion, pres­sion exer­cée sur les prix par une con­cur­rence débridée, tirant tout le par­ti pos­si­ble de l’ex­ploita­tion de vastes bassins de main-d’œu­vre à bas salaires. 

Tout irait pour le mieux si, comme le pro­fes­sait il y a deux siè­cles J.-B. Say, « l’of­fre créait sa pro­pre demande ». Mais ce n’est plus le cas, comme on s’en aperçoit aujour­d’hui, de façon d’ailleurs très iné­gale, non seule­ment dans les pays avancés de notre vieille Europe, mais aus­si dans les pays où l’é­conomie est en retard. Ain­si un peu partout s’élèvent des voix pour dire l’ur­gence d’un rééquili­brage de la croissance.

La deux­ième par­tie plonge le lecteur dans la com­plex­ité du « con­texte struc­turel économique et social », vaste champ d’in­ter­ac­tion de mul­ti­ples fac­teurs. L’au­teur en sélec­tionne sept, qu’il passe suc­ces­sive­ment en revue : le ralen­tisse­ment des pro­grès de la pro­duc­tiv­ité ; la poli­tique démo­graphique et le vieil­lisse­ment de la pop­u­la­tion ; le nou­v­el équili­bre « indus­trie-ter­ti­aire » ; les deman­des d’emploi inadap­tées à l’of­fre : la « rela­tion au tra­vail » des Français ; la rigid­ité des critères de Maas­tricht ; enfin une poli­tique moné­taire pour le moins « trop prudente ». 

À titre d’ex­em­ple, arrê­tons-nous sur les points où l’au­teur analyse le bilan des 35 heures. Si on se réfère aux sta­tis­tiques, la pro­duc­tion par heure ouvrée en France est dev­enue la pre­mière en Europe, tan­dis que la durée moyenne heb­do­madaire effec­tive du tra­vail à temps com­plet (37,9 heures en 2003) se situe en bonne place notam­ment devant celle de l’Alle­magne (35,9 heures). En un mot, les heures de tra­vail de nos com­pa­tri­otes seraient plutôt mieux rem­plies que celles de nos parte­naires. Par ailleurs — tou­jours com­par­a­tive­ment — le taux d’ac­tiv­ité des femmes serait satisfaisant. 

Ces chiffres appor­tent un sérieux bémol aux juge­ments s’ap­puyant sur les 35 heures « offi­cielles » plutôt que sur les com­porte­ments effec­tifs con­sé­cu­tifs aux négo­ci­a­tions « à la base » engagées à la suite de la loi com­plé­men­taire de jan­vi­er 2000. Il ressort d’en­quêtes appro­fondies menées par­al­lèle­ment par Euro­stat et l’IN­SEE (tant auprès des entre­pris­es que des salariés) que la loi sur les 35 heures sem­ble avoir été appliquée avec pru­dence et mod­éra­tion, même si cer­taines dis­tor­sions se sont ampli­fiées. Par exem­ple, le temps heb­do­madaire de tra­vail des cadres n’a pas régressé (ce serait plutôt l’in­verse, com­pen­sé il est vrai par des con­gés accrus). A con­trario, le fléchisse­ment de celui des ouvri­ers (- 2 heures) a pesé sur les coûts, alors que sévis­sait déjà une pénurie de main-d’œu­vre qual­i­fiée. Demeurent enfin, mal résolues, cer­taines séquelles touchant le fonc­tion­nement de ser­vices publics (hôpi­taux…).

Les défis posés à notre pays en matière d’ac­tiv­ité con­cer­nent les jeunes et les « seniors » : les jeunes chômeurs et les inac­t­ifs en aban­don de recherche d’emploi sont beau­coup trop nom­breux ; il en est de même des seniors envoyés pré­maturé­ment en « prére­traites », sou­vent pour embauch­er de plus jeunes moins payés.

La troisième par­tie nous rap­pelle que la clé de la crois­sance est « la demande des ménages ». Sta­tis­tiques et indices divers à l’ap­pui, l’au­teur nous ren­voie à une réal­ité dérangeante : la qua­si-stag­na­tion du pou­voir d’achat du « salarié moyen » est à la base du sous-emploi de notre appareil productif. 

Ce con­stat résulte d’une con­fronta­tion entre les prin­ci­pales com­posantes des revenus selon leurs sources et les divers fac­teurs agis­sant sur la croissance. 

Ce con­traste est sai­sis­sant entre la hausse des revenus du cap­i­tal et la rel­a­tive stag­na­tion du pou­voir d’achat des salariés surtout au niveau peu ou moyen­nement qual­i­fié où se situe pré­cisé­ment le prin­ci­pal gise­ment d’une demande insat­is­faite. Résumons : la glob­al­i­sa­tion déploie des effets per­vers ; s’il y avait tou­jours eu un lien posi­tif entre l’évo­lu­tion des achats des ménages et celle des investisse­ments décidés par les entre­pris­es, les expor­ta­tions ont fait l’in­verse (le cas de l’Alle­magne est par­ti­c­ulière­ment révéla­teur à cet égard). Comme d’autres avant lui, l’au­teur démonte les mécan­ismes financiers, prin­ci­paux respon­s­ables d’une évo­lu­tion généra­trice de fêlures dans le parte­nar­i­at équitable cap­i­tal-tra­vail, fac­teur essen­tiel de cohé­sion sociale.

La qua­trième par­tie « Quelles per­spec­tives, que faire ? », cherche à répon­dre à la ques­tion : com­ment avoir une plus forte crois­sance ? plus pré­cisé­ment, créer les con­di­tions d’ac­croisse­ments par­al­lèles de la demande et de la pro­duc­tion. Après avoir repassé en revue les prin­ci­paux fac­teurs de crois­sance (démo­gra­phie, for­ma­tion, dépense publique), Jacques Méraud met en cause les paralysies insti­tuées par les traités de Maas­tricht (1992), d’Am­s­ter­dam (1997), le « pacte de sta­bil­ité » (1999) et plaide vigoureuse­ment pour « une nou­velle poli­tique moné­taire » inspirée, dans la mesure du pos­si­ble, du mod­èle de la FED aux USA, dont l’ef­fi­cac­ité est unanime­ment recon­nue. Cette dernière rap­pelons-le, y est juridique­ment respon­s­able du pro­grès de l’ac­tiv­ité, de l’emploi, de la maîtrise des prix. Au-delà d’un maniement très sou­ple des taux d’in­térêt per­me­t­tant le refi­nance­ment fréquent des con­trats d’en­det­te­ment, d’où un impact qua­si-immé­di­at, la FED ajuste stricte­ment la masse moné­taire aux besoins, grâce à la tech­nique dite de « l’open mar­ket », sous le con­trôle d’un comité indépen­dant d’ex­perts déci­dant du rythme con­ven­able à don­ner à la créa­tion de mon­naie remise au Tré­sor (avec quelques fois des retraits), sans inci­dence sur la dette de ce dernier. 

Nous avons pris ici le par­ti, en rai­son de l’in­térêt du sujet, de pour­suiv­re et d’animer ce compte ren­du en nous adres­sant directe­ment, cette fois, à l’auteur. 

II — Extraits d’un entretien avec l’auteur

Jacques Méraud : C’est bien volon­tiers, comme tu me l’as pro­posé, que je soulign­erai quelques-uns des mes­sages de mon livre : com­mençons par l’idée ancrée chez la plu­part des gens, selon laque­lle la pro­duc­tiv­ité ne cesse de s’ac­croître grâce au pro­grès tech­nique. Si cela est encore vrai de l’in­dus­trie (moins toute­fois que naguère), c’est faux dans la plu­part des secteurs « ter­ti­aires ». Or dans la pro­duc­tion nationale (« le PIB ») des pays économique­ment avancés comme la France, il y a rel­a­tive­ment de moins en moins d’in­dus­tries et de plus en plus de ser­vices (75 %) et c’est la pro­duc­tiv­ité qui per­met chaque année, soit de baiss­er les prix de vente, soit d’aug­menter les prof­its d’en­tre­pris­es, soit d’ac­croître le pou­voir d’achat des salaires. 

Or, la pro­duc­tiv­ité nationale ne pro­gresse que très faible­ment, car elle dépend prin­ci­pale­ment de ces ser­vices. Et les entre­pris­es sont plus con­traintes que naguère de réduire leurs prix du fait de la con­cur­rence mon­di­ale et d’ac­croître leurs div­i­den­des sous la pres­sion de leurs action­naires. De ce fait, le pou­voir d’achat des salariés des class­es moyennes ne peut plus guère aug­menter, surtout après paiement des coti­sa­tions et des impôts directs. 

Deux­ième erreur com­mune de juge­ment : on croit que les gou­verne­ments français suc­ces­sifs n’ont pas cessé depuis cinquante ans d’ac­croître de plus en plus forte­ment la dépense publique, avec pour résul­tat de sus­citer des déficits. Or de péri­ode en péri­ode, la dépense a certes aug­men­té mais de moins en moins. Il en a été ain­si des presta­tions sociales, faute de finance­ment suffisant. 

Pen­dant ce temps, cer­taines com­posantes majeures de la fonc­tion publique (défense, recherche sci­en­tifique, édu­ca­tion-ori­en­ta­tion, for­ma­tion pro­fes­sion­nelle, hôpi­taux, loge­ments soci­aux, jus­tice, sécu­rité, etc.) ont vu se com­primer l’aug­men­ta­tion, pour­tant néces­saire, de leurs moyens financiers. La France fig­ure ain­si par­mi les pays de l’OCDE où la dépense publique s’est le moins accrue. Notre pays, mais aus­si ses parte­naires (comme l’Alle­magne, l’I­tal­ie, la Bel­gique et les pays nordiques) ont besoin de ressources finan­cières. Devant les dif­fi­cultés que ren­con­trent les class­es moyennes et les ressources publiques, le salut doit se trou­ver dans une créa­tion moné­taire ex nihi­lo, com­plé­men­taire de la mon­naie d’en­det­te­ment. La somme de cet ensem­ble exprimé en l’a­gré­gat appelé M1 par les experts (elle four­nit aux util­isa­teurs : ménages, entre­pris­es et admin­is­tra­tions, les moyens de règle­ment indis­pens­ables), doit être liée le plus rigoureuse­ment pos­si­ble à la capac­ité poten­tielle de l’ap­pareil productif. 

Entre 1959 et 1973, la créa­tion moné­taire (cor­re­spon­dant aux moyens de paiement, donc pou­voir d’achat) a été de 5,6 % par an, et la crois­sance du PIB rigoureuse­ment de 5,6 % égale­ment. Entre 1980 et 2003, la créa­tion moné­taire cor­re­spon­dante a aug­men­té de 1,6 % par an seule­ment, et la crois­sance du PIB de 2 %. On voit à quel point l’in­suff­i­sance de mon­naie a freiné la crois­sance. Cela dit, aug­menter la créa­tion moné­taire n’est pas néces­saire­ment deman­der aux entre­pris­es d’aug­menter leurs salaires ; ce dont il s’ag­it, c’est de trou­ver des moyens pour que la BCE et les États améliorent les ressources des salariés.

Gérard Pilé : Tu insistes en effet beau­coup sur ce point en te référant à la maîtrise de la FED, d’ailleurs recon­nue par les marchés financiers, si atten­tifs aux réac­tions de ce baromètre économique. 

Jacques Méraud : N’ou­blions pas que la reprise de la crois­sance de l’é­conomie améri­caine (elle-même bous­culée par la glob­al­i­sa­tion) après 1990, est, pour une large part due aux ini­tia­tives de Greenspan en charge de la FED (lequel vient de quit­ter ses fonctions). 

Revenons à ce pré­ten­du risque d’in­fla­tion causé par la mon­naie glob­ale (créa­tion moné­taire ex nihi­lo en sus de la mon­naie d’en­det­te­ment). Ce sont là des inquié­tudes d’hi­er, voire d’a­vant-hier : il n’y a plus aujour­d’hui de lien direct comme autre­fois entre la créa­tion de mon­naie et l’évo­lu­tion du niveau général des prix dans les pays en ques­tion. Ce n’est pas l’émis­sion de mon­naie à l’in­ten­tion des Français qui va agir sur les cours inter­na­tionaux du pét­role et des matières pre­mières, ces derniers résul­tent de sit­u­a­tions étrangères divers­es, de nature poli­tique ou économique à hori­zon plus ou moins éloigné.

Gérard Pilé : À cela près, objecte-t-on générale­ment, que le choc de leurs hauss­es de prix est d’au­tant mieux sup­porté que l’eu­ro est « fort » vis-à-vis du dol­lar, l’é­conomie réal­isée de ce fait aux taux actuels, étant de l’or­dre du 1/2 point à l’échelle de notre PIB. Mais à l’in­verse, si la flam­bée de l’eu­ro devait se pour­suiv­re (+ 5 à + 10 % par exem­ple), ce sont de nou­veaux pans entiers de nos expor­ta­tions qui risquent de s’ef­fon­dr­er, rai­son sup­plé­men­taire s’il en était encore besoin, pour ne pas rester plus longtemps pas­sifs devant le prob­lème de la gou­ver­nance de l’eu­ro, si épineux soit-il. 

J’ob­serve que la rigueur et la clarté de tes analy­ses lais­sent bien moins de place à une dis­cus­sion sur le fond qu’elles ne débouchent implicite­ment sur un vaste champ d’in­ter­ro­ga­tions pour les temps à venir. C’est à mon tour ce que je voudrais soulign­er en guise de conclusion. 

La ques­tion cen­trale sem­ble être la suiv­ante : en l’ab­sence d’une véri­ta­ble con­cer­ta­tion inter­na­tionale visant à mieux con­trôler le glisse­ment (inex­orable ?) du dol­lar, est-il ou non raisonnable de laiss­er plus longtemps l’eu­ro en état d’ape­san­teur vis-à-vis de ce dernier et aus­si du yen et du yuan, autres mon­naies à voca­tion géostratégique ? 

Réin­ven­ter la crois­sance a le grand mérite de rassem­bler toute une doc­u­men­ta­tion de base indis­pens­able pour remet­tre en ques­tion, avec nos parte­naires de l’eu­ro-zone, le statut de la BCE, avec pour pre­mier objec­tif, l’ab­ro­ga­tion du fameux arti­cle 104 du traité de Maas­tricht sup­p­ri­mant le cir­cuit des ban­ques cen­trales et leur inter­dis­ant toute prise de par­tic­i­pa­tion dans des investisse­ments publics ou privés. Et pour­tant, à quelle autre source de finance­ment recourir pour réalis­er de grands pro­jets col­lec­tifs : R & D, envi­ron­nement, réseaux d’in­ter­con­nex­ion, défense (et pourquoi pas « aides struc­turelles » à cer­tains pays de l’U­nion européenne), voie autrement tan­gi­ble de la con­struc­tion européenne que l’ef­fer­ves­cence de direc­tives contraignantes. 

Quel dif­fi­cile champ de manœu­vre en per­spec­tive ! Dans le cli­mat d’im­pré­pa­ra­tion actuelle des esprits, n’a-t-on pas enten­du récem­ment le Prési­dent de la Com­mis­sion européenne déclar­er que l’eu­ro fort était le reflet de la force de l’é­conomie européenne ! On sait par ailleurs le plein par­ti tiré de l’eu­ro fort par l’in­dus­trie alle­mande, grâce à son taux élevé de pro­duits « haut de gamme » (c’est-à-dire peu sen­si­bles à la hausse de leurs prix) alors qu’à l’in­verse le PIB alle­mand tarde à se redress­er (mal­gré cer­taines apparences). 

Il reste un point trop impor­tant pour être sim­ple­ment men­tion­né à la dernière page de ton livre, où l’on peut lire :
« De façon plus générale, ne serait-il pas sage, en fonc­tion de l’évo­lu­tion des rela­tions entre l’Eu­rope et le reste du monde, de réfléchir à ce que pour­raient être les com­posantes d’une préférence com­mu­nau­taire européenne. »
On ne peut faire l’é­conomie de cette ques­tion au pré­texte qu’elle débor­de le cadre de « l’eu­ro-zone ». Cette dernière, au cœur d’une Europe ouverte à tous les vents d’Est et d’Ouest, dépouil­lée comme elle l’est dev­enue de marges de négo­ci­a­tion dans ses échanges avec l’ex­térieur, peut-elle espér­er faire de sa seule mon­naie un instru­ment effi­cace pour agir sur la crois­sance de sa pro­pre économie ? 

Il faudrait y regarder de près, dans la mesure où l’on a lais­sé imprudem­ment se dévelop­per cer­tains courants d’im­por­ta­tion économique­ment (ou écologique­ment) aber­rants (sinon pour leurs inter­mé­di­aires !) ten­dant à créer des sit­u­a­tions de monopoles étrangers, autant de pièges appelés tôt ou tard à se refer­mer en étouf­fant des poten­tiels de pro­duc­tion domes­tique pour­tant par­faite­ment viables. 

Quoi qu’il en soit, les pays de l’eu­ro-zone vont devoir s’at­ta­quer tôt ou tard à la « Ques­tion de l’eu­ro », et en dés­espoir de cause, sont envis­age­ables cer­tains com­plé­ments moné­taires à usages restreints ou ciblés, comme le pré­cise l’ou­vrage si digne d’at­ten­tion de notre cama­rade. *

Paris, Édi­tions L’Harmattan, Coll. « Ques­tions con­tem­po­raines », 2007, 246 pages.
5–7, rue de l’École poly­tech­nique, 75005 Paris.
Tél. : 01.40.46.79.20.

www.editions-harmattan.fr

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