Jean-Claude DELARUE

A propos des tribunaux de commerce.

Dossier : Créer des entreprisesMagazine N°584 Avril 2003Par : Jean-Claude DELARUE

La Jaune et la Rouge La crainte de l’échec arrête beaucoup de créateurs : leur méfiance à l’égard des tribunaux de commerce est-elle fondée ?

Jean-Claude Delarue 

La Jaune et la Rouge La crainte de l’échec arrête beaucoup de créateurs : leur méfiance à l’égard des tribunaux de commerce est-elle fondée ?

Jean-Claude Delarue 
De nom­breuses entre­pris­es français­es ren­con­trent des dif­fi­cultés économiques. Mais elles peu­vent s’en sor­tir. Le prob­lème est que, lorsqu’elles ren­trent dans le sys­tème français des procé­dures col­lec­tives et des tri­bunaux de com­merce, elles sont trop sou­vent “coulées”, mais pas pour tout le monde… Les con­séquences de ce sys­tème sont lour­des : ce sont des drames humains, mais aus­si des pertes économiques con­sid­érables, des act­ifs liq­uidés, des emplois supprimés.

Lorsque l’on regarde la sit­u­a­tion de la France, on observe un peu moins de 40 000 défail­lances1 d’en­tre­pris­es par an pour un stock d’en­tre­pris­es d’en­v­i­ron 2,4 mil­lions2. Par com­para­i­son, les États-Unis comptent env­i­ron 70 000 défail­lances pour un parc d’en­tre­pris­es de 6,7 mil­lions3.

En France, le rap­port réal­isé par les députés Col­com­bet et Mon­te­bourg en avril 1998 sur les tri­bunaux de com­merce4 indique que 90 % des procé­dures col­lec­tives se ter­mi­nent en liq­ui­da­tion de l’en­tre­prise. Ce chiffre est con­fir­mé par le rap­port cosigné par l’In­spec­tion générale des finances et l’In­spec­tion générale des ser­vices judi­ci­aires5, sor­ti en 1998, qui estime que sur 18 000 procé­dures judi­ci­aires étudiées 84 % con­duiront à une liq­ui­da­tion immé­di­ate, 10 % à la liq­ui­da­tion dif­férée, 6 % finale­ment à la reprise dont 3 ou 4 % aboutiront à un échec au bout de qua­tre à cinq ans.

Par com­para­i­son, un arti­cle pub­lié par The Econ­o­mist6 mon­trait que sur 569 entre­pris­es placées en procé­dure de bank­rupt­cy aux États-Unis, 83 seule­ment n’y avaient pas survécu.

Ain­si, les procé­dures col­lec­tives en France sont plus nom­breuses, et leur issue est plus sou­vent fatale aux entre­pris­es. C’est un vrai drame auquel il faut remédi­er car les déci­sions des tri­bunaux de com­merce ryth­ment la vie des entre­pris­es, qu’il s’agisse de leur activ­ité clas­sique — en 1997, près de 140 000 déci­sions de con­tentieux général ont été ren­dues par les tri­bunaux de com­merce — ou du traite­ment de leurs dif­fi­cultés, puisque sur la même péri­ode près de 60 000 procé­dures col­lec­tives ont été ouvertes. Ce domaine de com­pé­tence met en jeu 150 mil­liards de francs de créances et 300 000 emplois.

La Jaune et la Rouge Comment fonctionnent les tribunaux de commerce ? Quelles différences par rapport à d’autres pays industrialisés ?

Jean-Claude Delarue
Les tri­bunaux de com­merce for­ment une juri­dic­tion d’ex­cep­tion conçue pour régler les con­tentieux nés de l’ac­tiv­ité com­mer­ciale. Ils sont com­posés de juges élus par­mi les com­merçants et qui exer­cent à titre exclu­sive­ment bénév­ole. Pour jus­ti­fi­er cette jus­tice d’ex­cep­tion, deux prin­ci­paux argu­ments sont tra­di­tion­nelle­ment avancés : la péren­nité de l’in­sti­tu­tion dans le temps et sa com­pé­tence tech­nique adap­tée aux réal­ités du commerce.

Pour­tant ces deux argu­ments sont contestables.

La péren­nité tout d’abord. Si l’his­toire des tri­bunaux de com­merce est longue, elle se traduit aus­si par des décalages avec la réal­ité économique comme le mon­tre l’or­gan­i­sa­tion de la carte judi­ci­aire qui n’a pas pra­tique­ment pas changé depuis 1809, otage des pres­sions locales pour retenir les petits tri­bunaux. Le résul­tat est que, d’après le rap­port d’in­spec­tion, 80 % des tri­bunaux de com­merce ne trait­ent que 10 affaires par mois et n’ont pas la masse cri­tique ni l’ex­péri­ence néces­saire pour traiter les affaires importantes.

Quant à la com­pé­tence tech­nique, d’après un mag­is­trat pro­fes­sion­nel, cette spé­ci­ficité n’est pas insur­montable pour les juges pro­fes­sion­nels qui suiv­ent des for­ma­tions. Pour avoir une bonne com­pé­tence économique, il suf­fi­rait de rat­tach­er aux juri­dic­tions des spé­cial­istes qui pour­raient être consultés.

De plus l’ac­tiv­ité économique est dev­enue de plus en plus com­plexe et la con­nais­sance indis­cutable des textes de loi et de la procé­dure judi­ci­aire est indis­pens­able à des juges, représen­tants du pou­voir régalien de l’É­tat et assur­ant une mis­sion de ser­vice pub­lic, qui ne peu­vent se per­me­t­tre un déni de jus­tice. La mon­tée des con­tentieux des défail­lances qui occu­pent une part désor­mais prépondérante de l’ac­tiv­ité des tri­bunaux de com­merce néces­site une excel­lente con­nais­sance juridique, dif­fi­cile­ment com­pat­i­ble avec la fonc­tion bénév­ole des juges consulaires.

D’après le rap­port Col­com­bet-Mon­te­bourg, “Seule la France dis­pose encore de tri­bunaux de com­merce com­posés unique­ment de juges non pro­fes­sion­nels, de com­merçants élus par leurs pairs. Tous les autres États, qui avaient ce type de juri­dic­tion, l’ont soit sup­primé, soit trans­for­mé en pro­fondeur. Ain­si, aujour­d’hui à l’é­tranger, il existe trois types de jus­tice com­mer­ciale : les cham­bres ou tri­bunaux échev­inés for­més par un mag­is­trat pro­fes­sion­nel et par des juges com­merçants, les juges spé­cial­isés en droit com­mer­cial appar­tenant à la juri­dic­tion ordi­naire et, enfin, les tri­bunaux ordinaires.”.

  • Les cham­bres ou tri­bunaux échev­inés, en Alle­magne, en Bel­gique (mais aus­si en Alsace-Moselle notamment) ;
  • les juges spé­cial­isés en droit com­mer­cial appar­tenant à la juri­dic­tion ordi­naire, en Angleterre, aux États-Unis ;
  • les tri­bunaux ordi­naires en Ital­ie, aux Pays-Bas.

La Jaune et la Rouge Quels sont les dysfonctionnements constatés ?

Jean-Claude Delarue
De nom­breux dys­fonc­tion­nements ont été con­statés par la com­mis­sion d’en­quête de l’Assem­blée nationale. Pour résumer, on peut dire que l’on met en redresse­ment des entre­pris­es à la va-vite, et que du redresse­ment on va pass­er à la liquidation.

Le rap­port indique que la réforme de 1985 a con­fié d’im­por­tants pou­voirs au tri­bunal qui décide seul si on redresse ou on liq­uide l’en­tre­prise. Et les voies de recours sont inef­fi­caces car sou­vent non sus­pen­sives dans la mesure où il s’ag­it le plus sou­vent de procé­dures d’ur­gence. Or le con­tentieux, lié aux défail­lances d’en­tre­pris­es, n’a cessé de croître et se pose le prob­lème de la qual­ité de la jus­tice rendue.

Rap­port par­lemen­taire Colcombet-Montebourg

Exem­ples extraits du rap­port n° 1038 de l’Assem­blée nationale fait au nom de la Com­mis­sion d’en­quête sur l’ac­tiv­ité et le fonc­tion­nement des tri­bunaux de com­merce, 2 juil­let 1998. Prési­dent : François Col­com­bet ; Rap­por­teur : Arnaud Montebourg.

Tribunal de commerce de Nanterre

“Celui qui était à l’époque prési­dent du tri­bunal de com­merce avait don­né instruc­tion par écrit aux man­dataires de ce tri­bunal, dans toutes les affaires de procé­dure col­lec­tive dans lesquelles un man­dat était con­fié par le tri­bunal de com­merce à ces man­dataires, d’avoir sys­té­ma­tique­ment recours à une société ou une per­son­ne chargée d’ex­per­tis­er la qual­ité des assur­ances qui exis­taient dans l’en­tre­prise prise en charge par le man­dataire en ques­tion. Le principe était tout à fait jus­ti­fié. En effet, l’ad­min­is­tra­teur doit savoir si l’af­faire qu’il admin­istre est con­ven­able­ment assurée. L’en­nui, c’est qu’il était dit dans ces instruc­tions qu’il fal­lait avoir recours à une per­son­ne déter­minée, laque­lle n’é­tait autre que le fils du prési­dent en question.”

Tribunal de commerce d’Aurillac

“Une librairie, placée en redresse­ment judi­ci­aire en juil­let 1993 sur demande du Crédit Agri­cole, est liq­uidée en décem­bre 1994 par le tri­bunal de com­merce d’Au­ril­lac. Sur les neuf juges con­sulaires, six sont admin­is­tra­teurs au Crédit Agri­cole, banque créan­cière. Le prési­dent du tri­bunal de com­merce, présent aux audi­ences con­cer­nant l’en­tre­prise, est admin­is­tra­teur de la prin­ci­pale librairie con­cur­rente à Auril­lac ! En tant que juge et par­tie, il aurait dû se récuser, ce qu’il n’a pas fait…”

Tribunal de commerce de Paris

“Une bou­tique parisi­enne fait l’ob­jet d’un dépôt de bilan en décem­bre 1987. La gérante trou­ve un repre­neur qui pro­pose deux mil­lions de francs. Le juge-com­mis­saire préfère céder le com­merce à une société pour le prix de 700 000 francs. Le juge-com­mis­saire avait été embauché, quelques jours avant sa déci­sion, pour une rémunéra­tion annuelle de 200 000 francs par le repre­neur favorisé. Le plan de ces­sion a été annulé en appel et l’af­faire a été délocalisée.”

Tribunal de commerce de Bobigny

“En mai 1991, le groupe Jules Zell, le leader français en matière de plomberie et de cou­ver­ture employ­ant 7 000 salariés, est mis en redresse­ment judiciaire.
L’en­tre­prise Zell est ven­due à deux repre­neurs à bas prix en juil­let et sep­tem­bre 1991.
L’un des juges con­sulaires avait en réal­ité intérêt à la vente, con­nais­sant bien le groupe Zell avec lequel ses sociétés ont des chantiers et qui, sur le marché, représente son prin­ci­pal concurrent.
Il a de plus alerté le PDG d’une autre société qui a ain­si pu béné­fici­er d’une reprise avec l’ac­cord de l’ad­min­is­tra­teur, dans des con­di­tions très avan­tageuses. Or, ce juge est admin­is­tra­teur de ladite société !
Enfin, pour la reprise d’une par­tie du groupe Zell par un tiers, la clause por­tant sur la ‘fac­ulté de sub­sti­tu­tion’ avait été intro­duite en la faveur de ce même juge consulaire !”

La dis­par­ité de la carte judi­ci­aire tout d’abord qui n’est plus en phase avec l’ac­tiv­ité économique. Le recrute­ment trop étroit des juges et leur faible disponi­bil­ité dans cer­tains cas. La for­ma­tion juridique insuff­isante qui peut entraîn­er des dénis de jus­tice. À cela s’a­joutent des “incer­ti­tudes idéologiques” comme le souligne le rap­port, notam­ment entre les pro­fes­sions de la jus­tice com­mer­ciale, admin­is­tra­teurs et man­dataires judi­ci­aires, greffiers et les juges. Pour­tant les pour­suites judi­ci­aires pour man­que­ment à la déon­tolo­gie ne sont pas suiv­ies de sanc­tions dans 80 % des cas car le con­trôle dis­ci­plinaire est défail­lant. Ces pro­fes­sions peu­vent très vite béné­fici­er d’une cer­taine emprise sur le fonc­tion­nement du tri­bunal car elles sont là en per­ma­nence alors que le juge est un bénév­ole qui a d’autres activ­ités professionnelles.

Comme le rap­pelle, Jean Bar­ale, prési­dent du tri­bunal de com­merce de Nan­terre, “Il ne faut pas trop exagér­er dans le sens de la jus­tice de prox­im­ité, afin qu’elle ne risque pas de devenir une jus­tice de voisi­nage, voire de ‘cousi­nage’ ou qu’elle en donne l’apparence.”

Or les respon­s­ables de la com­mis­sion d’en­quête soulig­nent qu’ils ont été frap­pés par les mul­ti­ples cas de con­flits d’in­térêts qu’ils ont pu con­stater. Ain­si, il n’est pas rare que les juges soient amenés à se pronon­cer sur le sort de per­son­nes avec lesquelles ils sont ou seront en rela­tion d’af­faires ou de con­cur­rence. Ces con­flits peu­vent aller par­fois jusqu’à la col­lu­sion, au favoritisme, voire même la “cor­rup­tion”, dans des cas rares bien sûr.

À cela s’a­joute un mode de rémunéra­tion très rentable. Le rap­port d’in­spec­tion insiste sur les frais exor­bi­tants que prélèvent ces aux­il­i­aires de jus­tice, de manière irrégulière par­fois. Ain­si, les greffiers pra­tiquent des tar­ifs (fixés par le Con­seil nation­al) beau­coup plus élevés que les tar­ifs régle­men­taires, et encore avec des vari­a­tions appré­cia­bles d’un tri­bunal à l’autre. Or c’est le Tré­sor pub­lic qui paye leurs émol­u­ments. Les greffiers se com­por­tent comme des prestataires aux hon­o­raires libres.

Les man­dataires, eux aus­si, se sont con­sti­tués un tarif d’hono­raires dif­férent de celui fixé par la loi. Le mon­tant des hon­o­raires perçus par les man­dataires liq­ui­da­teurs est supérieur de 80 % au mon­tant qui résul­terait du strict respect de la réglementation.

De son côté le rap­port Col­com­bet-Mon­te­bourg soulève une autre con­séquence du barème : “Le (…) con­stat est que le barème est conçu de telle façon qu’il n’est pas neu­tre, par rap­port aux solu­tions retenues. Qu’une affaire prise en charge par un admin­is­tra­teur judi­ci­aire aboutisse à une liq­ui­da­tion ou à un plan de con­tin­u­a­tion suite à un redresse­ment judi­ci­aire d’une durée de six mois, le tarif reste pour lui iden­tique. Dans ces con­di­tions, pourquoi essay­er de sauver les emplois ? S’il procède à une ces­sion et vend l’u­sine au con­cur­rent, il est mieux payé que s’il aboutit à un plan de con­tin­u­a­tion et sauve les emplois.”

Ces sommes, des­tinées à être rem­boursées aux créanciers, sont en fait encais­sées par les man­dataires chargés des pour­suites. Ain­si les mon­tants en jeu sont con­sid­érables : les man­dataires de jus­tice ont 57 mil­liards de francs en compte à la seule Caisse des Dépôts et Consigna­tions. “Le coût économique du traite­ment judi­ci­aire des défail­lances d’en­tre­pris­es est finale­ment exor­bi­tant ; les procé­dures sous­traient 60 mil­liards de francs au crédit inter­en­tre­pris­es. Les dérives tar­i­faires des greffiers et des man­dataires de jus­tice, ain­si que le recours mas­sif à des inter­venants extérieurs, con­tribuent à alour­dir de plus d’un mil­liard de francs le poids des frais de jus­tice au détri­ment des créanciers, notam­ment l’É­tat, qui sont rem­boursés de seule­ment 10 % du pas­sif déclaré” con­clut le rap­port d’inspection.

Le rap­port Col­com­bet-Mon­te­bourg affirme : “L’en­quête menée par notre com­mis­sion con­duit à con­stater que la juri­dic­tion con­sulaire qui, selon ses défenseurs, présente l’a­van­tage de la com­pé­tence parce qu’elle est ren­due par des spé­cial­istes de l’en­tre­prise, de la gra­tu­ité, puisqu’elle est rapi­de et peu con­testée, est en réal­ité coû­teuse pour le jus­ti­cia­ble et pour la société dans son ensem­ble car elle est inca­pable d’as­sur­er cor­recte­ment le ser­vice pub­lic de la jus­tice. Certes par­mi tous ceux qui par­ticipent à la juri­dic­tion con­sulaire, cer­tains sont irréprochables et accom­plis­sent leurs fonc­tions avec con­science et dans le souci de l’in­térêt pub­lic. Mais les dérives sont si graves et si nom­breuses qu’elles minent la con­fi­ance que le jus­ti­cia­ble doit avoir dans ses juges. Par ailleurs, elles ne peu­vent être attribuées à l’é­gare­ment de tel ou tel indi­vidu. Elles sont le pro­duit d’une organ­i­sa­tion, d’un système.”

La Jaune et la Rouge Quelle est la cause de ces dérives ?

Jean-Claude Delarue
Ce sur quoi insis­tent les dif­férents rap­ports, c’est l’échec de toutes les procé­dures de con­trôle sur la jus­tice con­sulaire. Les ser­vices de con­trôle sont très morcelés. Pre­mier exem­ple, le Min­istère ne dis­pose pas de sta­tis­tiques cen­tral­isées sur l’ac­tiv­ité des tri­bunaux. Comme le rap­pelle le rap­port d’in­spec­tion, le min­istère de la Jus­tice exerce sa tutelle via qua­tre direc­tions dif­férentes, et dans chaque direc­tion, trois à qua­tre bureaux s’en occu­pent. Le min­istère des Finances et la Direc­tion du Tré­sor doivent égale­ment assur­er un con­trôle. En face la pro­fes­sion est très organ­isée : con­férence générale des tri­bunaux de com­merce, con­seil nation­al des admin­is­tra­teurs et man­dataires judi­ci­aires, con­seil nation­al des greffiers des tri­bunaux de com­merce, toutes ces struc­tures étant là pour défendre les intérêts de la profession.

Le Par­quet a égale­ment depuis 1994 le droit de requérir et d’ex­ercer des recours con­tre les juge­ments des tri­bunaux de com­merce aux­quels il par­ticipe. Mais en réal­ité, le min­istère pub­lic est rarement présent aux audi­ences et n’est même pas obligé dans cer­taines affaires d’y être (à Évry : un mag­is­trat est affec­té pour 1 000 procé­dures par an, à Paris deux mag­is­trats pour 7 000). Une procé­dure sur 700 est ouverte sur requête du Par­quet (con­tre une sur 25 au TGI).

De sur­croît, les mag­is­trats sont sou­vent très dépen­dants des infor­ma­tions qui leur sont trans­mis­es par les tri­bunaux de com­merce. Ils n’ont pas suff­isam­ment de contre-expertises.

En con­clu­sion, les rap­ports esti­ment que le con­trôle est inexistant.

Un autre phénomène con­tribue égale­ment à l’opac­ité du fonc­tion­nement des tri­bunaux de com­merce : les pou­voirs publics ayant pour ain­si dire aban­don­né le finance­ment de la jus­tice con­sulaire, il y a une aug­men­ta­tion des finance­ments extérieurs, notam­ment des Cham­bres de commerce.

Enfin, c’est tout le proces­sus de con­trôle de la pro­fes­sion et de sanc­tions qui est défail­lant : les pou­voirs publics ont aban­don­né toute volon­té dans ce domaine de la jus­tice, mal­gré un encadrement prévu dans les textes. En pra­tique, on laisse le soin à la pro­fes­sion de se con­trôler elle-même, avec tout ce que cela com­porte d’abus. C’est finale­ment aux jus­ti­cia­bles, c’est-à-dire aux chefs d’en­tre­pris­es de faire les frais de ces errements.

La Jaune et la Rouge Quelles sont les réformes à mettre en œuvre ? Où en est-on ?

Jean-Claude Delarue
Les propo­si­tions con­tenues dans le rap­port Col­com­bet-Mon­te­bourg sont sim­ples : refonte de la carte judi­ci­aire, réno­va­tion de la fonc­tion de juge con­sulaire avec l’ac­cent mis sur la for­ma­tion et les pou­voirs de con­trôle et de sanc­tions ren­for­cés et effi­caces de la part de la Chan­cel­lerie, réforme des pro­fes­sions de jus­tice com­mer­ciale (admin­is­tra­teurs, man­dataires, greffes), et enfin intro­duc­tion de l’échev­inage, c’est-à-dire la présence de juges pro­fes­sion­nels qui est une solution.

Le rap­port d’in­spec­tion insiste : “Une réor­gan­i­sa­tion de la tutelle est incon­tourn­able et la réforme du droit des procé­dures col­lec­tives doit con­tribuer à dimin­uer le coût des défail­lances d’en­tre­pris­es en ren­dant le sys­tème et les acteurs plus per­for­mants. La jus­tice com­mer­ciale est immo­bile depuis trop longtemps. La réformer en pro­fondeur rendrait une légitim­ité aujour­d’hui com­pro­mise au béné­fice du ser­vice pub­lic de la jus­tice et des entre­pris­es qui sont en droit d’en atten­dre beau­coup, tant il est vrai qu’une jus­tice économique effi­cace est un fac­teur de com­péti­tiv­ité pré­cieux.” Mais ces rap­ports, comme les précé­dents, n’ont pas été suiv­is d’ef­fets. Le peu­ple des entre­pre­neurs aurait besoin de savoir pourquoi. Et com­ment sera repris le problème.

Jean-Claude Delarue, 63 ans, enseignant d’anglais à l’u­ni­ver­sité Paris VII, ancien mem­bre du Con­seil économique et social, est prési­dent de la Fédéra­tion des usagers des trans­ports et des ser­vices publics (fondée en 1970), fon­da­teur de l’As­so­ci­a­tion des usagers de l’ad­min­is­tra­tion (ADUA), et ani­ma­teur du comité “SOS petits porteurs”.


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1. Les sta­tis­tiques de défail­lance cou­vrent l’ensem­ble des juge­ments prononçant soit l’ou­ver­ture d’une procé­dure de redresse­ment soit directe­ment une liquidation.
2. Source : INSEE-SIRENE. 3. Source : US Cen­sus Bureau.
4. Rap­port n° 1038 de l’Assem­blée nationale : voir ‘encadré’ , ci-dessus.
5. Rap­port d’en­quête sur l’or­gan­i­sa­tion et le fonc­tion­nement des tri­bunaux de com­merce. Juil­let 1998. Inspec­tion générale des finances et Inspec­tion générale des ser­vices judiciaires.
6. Source : The Econ­o­mist, 7/9/2002, “The firms that can’t stop falling”.

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techramrépondre
23 août 2012 à 13 h 36 min

ques­tion
Bon­jour

Après avoir été depuis 2006 en con­flit avec une Eurl et que cette dernière soit con­damnée par deux fois à notre béné­fice pour une somme d’en­v­i­ron 110 000 euros, nous avons, en 2012, été con­traints devant un refus de pay­er, de deman­der la liq­ui­da­tion judi­ci­aire de l’Eurl.
Las, à l’au­di­ence, nous avons décou­vert qu’un des Juges du TC était un ami et rela­tion d’af­faire du gérant de l’Eurl qui fût mise en redresse­ment judi­ci­aire avec étale­ment de toutes ses dettes sur 10 ans et ce, mal­gré des bilans plus que posi­tifs dans les années concernées.
Entre temps et en pleine procé­dure, nous avons appris et obtenu les preuves que le gérant de l’EURL avait fondé une nou­velle Société con­cur­rentes à L’Eurl et dans le même secteur d’ac­tiv­ité afin d’amoin­drir le bilan de l’Eurl qui, d’une année sur l’autre s’est trou­vée dimin­ué de moitié au béné­fice de la nou­velle Société. De plus, dans la même péri­ode, le gérant de l’EURL à ven­du la moitié de son ter­rain à une SCI dont le seul egt unique béné­fi­ci­aire s’avère être le gérant de l’EURL lui-mêmei, vente forte­ment sous estimée quant à sa valeur…
Armés de preuves, nous avons écrit au Prési­dent de la Cham­bre de Com­merce, au man­dataire judi­ci­aire et même, en dés­espoir de cause, au Pro­cureur de la République sans jamais obtenir aucune réponse…
Or, aujour­d’hui, nous apprenons que la plu­part des créanciers (dont nous faisons pas par­tie) sont con­vo­qués fin sep­tem­bre au TC pour “suite aux créances contestées”;
Etant “con­trôleur” dans cette affaire mais n’ayant jamais pu obtenir de ren­seigne­ments de la part du man­dataire et ce, mal­gré dif­férents cour­ri­ers, pou­vez-vous nous indi­quer de que cela sig­ni­fie et ce à quoi nous pou­vons tous nous attendre.…
Avec nos remerciements
Sincères salutations
D.RAMAGE

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