A Normal Family / Aux jours qui viennent / Trilogie d’Oslo / Last Stop : Yuma County / Évanouis

Dossier : Arts, lettres et sciences | Magazine N°807 Septembre 2025
Par Christian JEANBRAU (X63)

Vingt-cinq films au compteur. Trois tiers équilibrés. Les inutiles, avec palme absolue dans le genre à Y a-t-il un flic pour sauver le monde ? Les demi-teintes, dont deux peuvent même être dits bons, Avignon (Johann Dionnet) et L’accident de piano (Quentin Dupieux). Les « Premium » dont, faute de place, on souffre de ne pas chroniquer Indomptables (Thomas Ngijol), inattendu et formidable de conviction.

A Normal Family

Réalisateur : Hur Jin-Ho – 1 h 32

Terrifiant et efficace. Deux frères (un chirurgien, un avocat) en opposition de phase, nantis d’épouses à couteaux tirés, d’une mère à la sénilité imbuvable et de deux ados infects, irrécupérables, à la bêtise amorale, perverse et dangereuse. Le cadre n’est déjà pas joyeux mais, quand le lynchage d’un SDF s’en mêle, on se dirige vers du très noir. Impeccablement maîtrisé et glaçant. Avec une question : l’ignominie des enfants conduit-elle la parentalité à devoir choisir entre l’aveuglement et la surenchère ? Irracontable mais recommandé. 

Aux jours qui viennent

Aux jours qui viennent

Réalisatrice : Nathalie Najem – 1 h 40

Un bon et même un très bon film, judicieux, équilibré, au scénario clair, nettement dessiné, dans lequel les acteurs, excellents et bien dirigés, jouent avec mesure et subtilité une partition qui sait aborder le potentiellement paroxystique sans aucun sensation-nalisme. Un homme toxique et paumé, sa gamine, sa mère, son ex-épouse, sa compagne du moment, la drogue, les dérapages… Beaucoup de thèmes et tous bien traités à travers des scènes et des péripéties qui attachent. Belle réflexion, belle qualité ! 

Trilogie d’Oslo

La Trilogie d'Oslo

Réalisateur : Dag Johan Haugerud
Rêves (1 h 50) – Amour (1 h 59) – Désir (1 h 58)

Une belle réflexion psychologique qui se déploie dans un Oslo très gay friendly. Rêves… Une lycéenne tombe amoureuse de son professeur, une jeune femme, et va faire un livre de ses sentiments. Tout en voix off. Très littéraire, très ciselé, dont une magnifique montée d’échelle de Jacob par une foule soudain illogiquement masculine, sauf une grand-mère. Amour… sexualité(s), prostate, engagement et autonomie. Une urologue-oncologue ouverte et « libérée », son infirmier collaborateur attentif et gay, leurs dragues respectives entre-confessées, une amie davantage « dans les clous », Oslo et son ferry, des dialogues, des paroles et toutes les dimensions – comme dit l’urologue – de la « zone pelvienne ». Étonnamment riche. Désir… Deux collègues ramoneurs bavardent et se racontent. Une femme et deux enfants chacun. Paisibles. Sauf que l’un rêve, chaque nuit, que David Bowie le couve d’un œil où il se voit femme et que l’autre a, la veille, inexplicablement cédé à la proposition homosexuelle d’un client. Suivent deux heures d’observation d’échanges intraconjugaux, intercopains, dans l’exploration abasourdie et sans issue, inégalement partagée (80 % d’accablement sodomite, 20 % de Ziggy Stardust), des conséquences psychofamiliales de ces improbables « désirs ». In fine la vie continue, juste un peu plus boiteuse qu’avant. 

Last Stop : Yuma County

Last Stop : Yuma County

Réalisateur : Francis Galluppi – 1 h 30

Seule expression possible : « Sacré fucking bon thriller ! » J’ajouterai : « Enfin ! » Parfaitement et astucieusement organisé, le scénario se développe à la façon des frères Coen et l’attention comme la tension ne connaissent aucun temps mort. Le quasi-huis clos d’une station-service paumée et à sec où une demi-douzaine d’automobilistes en recherche d’un plein vont venir s’agréger aux deux employés et à deux braqueurs en cavale. Formidable palette de profils, très bien traités, et apothéose finale à la fois psychologique et révolvérisée. Fameux ! 

Évanouis

Évanouis

Réalisateur : Zach Cregger – 2 h 08

Un thriller fantastique « tout à fait très bien » pour parler comme d’Artagnan (dans le Cyrano de Rostand, duel en l’hôtel de Bourgogne). On est tenu de bout en bout par un scénario maîtrisé qui développe, en présentant à travers plusieurs personnages des visions différentes mais progressivement convergentes de la situation, la disparition de la totalité (moins un) des enfants d’une classe de CM2 et ses conséquences. L’institutrice, son ex-copain (un flic balourd), le directeur d’école, un parent très investi, un marginal dépassé, le seul gamin non évaporé… Aucune chute d’intérêt, des angles de vue très soigneusement coordonnés, une relance continue de la curiosité. On n’échappe pas à un peu de gore, mais dosé dans la logique des événements et second par rapport à l’atmosphère savamment installée. Un vrai plaisir de cinéma. 

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