Une brève histoire de la gouvernance du développement durable

Dossier : Développement durableMagazine N°742 Février 2019
Par Marie-Louise CASADEMONT (X74)
La Déclaration de Rio de juin 1992 a mis en place une gouvernance mondiale du développement durable via la création d’instances de pilotage et la réalisation d’objectifs dans la durée.

La Commission CDD/CSD des Nations unies

Cette com­mis­sion, qui a fonc­tion­né pen­dant vingt ans, jusqu’au 20 sep­tembre 2013, était en rela­tion avec des com­mis­sions natio­nales du déve­lop­pe­ment durable créées dans chaque pays membre, soit en France la Com­mis­sion fran­çaise du DD (CFDD). La Com­mis­sion CDD/CSD a ain­si aidé les pays à par­ta­ger leurs meilleures idées, expé­riences et pra­tiques, et elle a per­mis de for­mu­ler des recom­man­da­tions tra­duites en Conven­tions (comme Rot­ter­dam, Stock­holm), et en par­ti­cu­lier de pro­mou­voir le déve­lop­pe­ment durable dans les petits États insu­laires en déve­lop­pe­ment. Ses tra­vaux ont aus­si conduit à la créa­tion du Forum des Nations unies sur les forêts qui a été à l’origine d’un ins­tru­ment juri­dique contrai­gnant sur la fores­te­rie durable, en 2007.

Cepen­dant, l’impact de cette Com­mis­sion s’est révé­lé faible, en par­ti­cu­lier sur la mise en œuvre du déve­lop­pe­ment durable, sans doute en rai­son de la nou­veau­té de ce concept.

Dans le docu­ment final « L’Avenir que nous vou­lons » de RIO + 20 en 2012, les États membres ont deman­dé la créa­tion d’un Forum poli­tique de haut niveau – High-level Poli­ti­cal Forum on Sus­tai­nable Deve­lop­ment (HLPF) –, pour s’assurer que les gou­ver­ne­ments placent le déve­lop­pe­ment durable au plus haut niveau de leurs prio­ri­tés, et ils ont pré­co­ni­sé que cette ques­tion soit le che­val de bataille de tous les acteurs concernés.


REPÈRES

Après le Som­met de la Terre de Rio, en 1992, et au sein du Conseil éco­no­mique et social des Nations unies (Eco­soc) qui réunit 55 pays membres élus par tiers chaque année, a été créée la Com­mis­sion du déve­lop­pe­ment durable (CDD) – The Uni­ted Nations Com­mis­sion on Sus­tai­nable Deve­lop­ment (CSD) – dans le but de pro­mou­voir le déve­lop­pe­ment durable tout autour de la pla­nète, et en ouvrant la porte à la par­ti­ci­pa­tion de toute une gamme de par­ti­ci­pants de la socié­té civile à ses travaux. 


Le Forum politique de haut niveau des Nations unies

Ce Forum – le HLPF – a été char­gé de mettre en œuvre et d’intégrer le déve­lop­pe­ment durable dans le pro­gramme de déve­lop­pe­ment de l’après-2015, soit au terme des Objec­tifs du mil­lé­naire pour le déve­lop­pe­ment (OMD) – The Mil­len­nium Deve­lop­ment Goals (MDGs) – déter­mi­nés en 2000 pour les pays en déve­lop­pe­ment. Ces OMD avaient été adop­tés en 2000 par les 189 États membres de l’ONU, au som­met du mil­lé­naire à New York, som­met vou­lu par l’ONU pour « pré­sen­ter une stra­té­gie nou­velle adap­tée aux réa­li­tés et aux besoins chan­geants du monde du xxie siècle », pour conso­li­der l’engagement de la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale et le ren­for­ce­ment des par­te­na­riats avec les gou­ver­ne­ments et la socié­té civile, en vue de « bâtir un monde sans lais­sés-pour-compte ». Ces OMD ont donc été trans­for­més et appro­fon­dis en 2015 en Objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable (ODD) – Sus­tai­nable Deve­lop­ment Goals (SDGs) – pour tous les pays de la pla­nète : ces « ODD » sont pré­sen­tés dans l’article de Jur­gis Sapi­jans­kas et Mar­tin Bortzmeyer.

La Commission française, la CFDD

La Com­mis­sion fran­çaise pour le déve­lop­pe­ment durable (CFDD) a été créée en mars 1993 et a fonc­tion­né jusqu’en mai 2003, après la démis­sion de son pré­sident. Orga­nisme indé­pen­dant consul­ta­tif pla­cé auprès du Pre­mier ministre, elle avait pour mis­sion de défi­nir les orien­ta­tions d’une poli­tique de déve­lop­pe­ment durable fran­çaise ; de sou­mettre au gou­ver­ne­ment des recom­man­da­tions ayant pour objet de pro­mou­voir ces orien­ta­tions ; et de contri­buer à l’élaboration du pro­gramme de la France en matière de déve­lop­pe­ment durable. Béné­fi­ciant d’un sta­tut de com­mis­sion indé­pen­dante, elle pou­vait se sai­sir de tous les sujets en rap­port avec le déve­lop­pe­ment durable.

“La CFDD pouvait se saisir
de tous les sujets en rapport
avec le développement durable”

Ne pas confondre CFDD, CGDD, CEDD et CGEDD

Le CGDD, Com­mis­sa­riat géné­ral au déve­lop­pe­ment durable, est l’entité du minis­tère de la Tran­si­tion éco­lo­gique et soli­daire (MTES) qui est char­gée de l’élaboration, de l’animation et du sui­vi de la stra­té­gie natio­nale de déve­lop­pe­ment durable, qui doit être mise en œuvre au tra­vers de l’ensemble des poli­tiques publiques ain­si qu’au tra­vers des actions de tous les acteurs socio-économiques.

Mis en place en 2008, dans la suite du Gre­nelle de l’Environnement et de la consti­tu­tion du « grand minis­tère » sou­hai­té par Jean-Louis Bor­loo, le CGDD éclaire et ali­mente, par la pro­duc­tion de don­nées et de connais­sances, l’action du MTES sur l’ensemble de ses champs de compétences.

Il com­prend cinq struc­tures, dont la délé­ga­tion au DD par laquelle est assu­ré le pilo­tage du tra­vail inter­mi­nis­té­riel sur le déve­lop­pe­ment durable, et en par­ti­cu­lier la mise en œuvre des objec­tifs du déve­lop­pe­ment durable, ain­si qu’un labo­ra­toire d’idées, le CEDD, conseil éco­no­mique pour le déve­lop­pe­ment durable, qui est une com­mis­sion consul­ta­tive auprès du MTES, et qui mobi­lise les réfé­rences éco­no­miques utiles pour éclai­rer l’action du ministère.

Quant au CGEDD, Conseil géné­ral de l’environnement et du déve­lop­pe­ment durable, il est char­gé de conseiller le gou­ver­ne­ment dans les domaines de l’environnement, des trans­ports, du bâti­ment et des tra­vaux publics, de la mer, de l’aménagement et du déve­lop­pe­ment durables des ter­ri­toires, du loge­ment, de l’urbanisme, de la poli­tique de la ville et du chan­ge­ment climatique.

Dans ce cadre, il mène des mis­sions d’expertise, d’audit, d’étude, d’évaluation, d’appui et de coopé­ra­tion internationale.

Il est éga­le­ment char­gé d’une mis­sion d’inspection géné­rale por­tant sur la régu­la­ri­té, la qua­li­té et l’efficacité de l’action des ser­vices de l’État pla­cés sous l’autorité du MTES, ain­si que des éta­blis­se­ments publics pla­cés sous sa tutelle.

Il siège aus­si en for­ma­tion d’autorité envi­ron­ne­men­tale pour émettre des avis et rendre des déci­sions en tant qu’autorité envi­ron­ne­men­tale sur la qua­li­té des éva­lua­tions envi­ron­ne­men­tales et la prise en compte de l’environnement par les pro­jets et les plans-pro­grammes qui sont sou­mis à son exa­men. Il dis­pose éga­le­ment de mis­sions régio­nales d’autorité envi­ron­ne­men­tale (MRAe).

À noter que le CGDD, dont l’une des fonc­tions est de veiller à l’intégration de l’environnement dans les plans, pro­grammes et pro­jets, apporte à ce titre son sou­tien au CGEDD dans ses fonc­tions d’autorité environnementale.


Les cahiers du développement durable

Ber­nard Esam­bert (54) a été le pre­mier pré­sident de la CFDD. Il a lan­cé la revue Les Cahiers du déve­lop­pe­ment durable par un « N° 1 » inti­tu­lé « Les condi­tions et les moyens du DD », publié en jan­vier 1995, sous l’égide de la CFDD et du Com­mis­sa­riat géné­ral du Plan – un numé­ro qui a été tra­duit en plu­sieurs langues, parce que les pays membres de la CDD/CSD le lui récla­maient. Après une pro­po­si­tion de grille d’examen du déve­lop­pe­ment durable, et une réflexion sur les moyens de sa mise en œuvre, en don­nant « une place impor­tante aux sciences sociales, à la psy­cho­lo­gie, à la socio­lo­gie, aux sciences natu­relles… », ce docu­ment « N° 1 » pro­po­sait à la CFDD d’approfondir 9 thèmes : l’énergie, l’effet de serre, le déve­lop­pe­ment urbain, le déve­lop­pe­ment rural, la forêt, le déve­lop­pe­ment du Nord, celui du Sud, le com­merce inter­na­tio­nal, la démo­gra­phie. Ce docu­ment n’a pas per­du de son actua­li­té, en voi­ci la conclusion :

« Le DD est un concept trans­ver­sal et flou, en for­ma­tion, qui laisse ain­si la porte ouverte au prag­ma­tisme et à la mobi­li­sa­tion. Un concept ache­vé serait-il encore capable de mobi­li­ser ? Sa force est de com­prendre des cer­ti­tudes, des inter­ro­ga­tions et des contra­dic­tions… En réa­li­té, le déve­lop­pe­ment durable appelle une nou­velle culture éco­no­mique qui devra être dotée d’instruments ori­gi­naux… Mal­gré son carac­tère hété­ro­gène, le DD est une dyna­mique qui intègre et récon­ci­lie… La qua­li­té de vie et la dura­bi­li­té du déve­lop­pe­ment ne vont pas for­cé­ment de pair avec le par­tage de la pénu­rie… le déve­lop­pe­ment durable peut per­mettre une excep­tion­nelle mobi­li­sa­tion des éner­gies en réponse aux défis qui menacent la pla­nète. À condi­tion qu’il ne conduise pas à une pause intel­lec­tuelle, mais qu’il exalte le besoin d’agir. »

Poster un commentaire