Quatre tonnes pour compter les atomes

Dossier : Nouvelles du PlatâlMagazine N°741 Janvier 2019
Par Laurent DALIMIER (65)

La machine est tapie dans un cou­loir ano­nyme de l’aile 4 du cam­pus de Palai­seau. Et ses 4 tonnes ont néces­si­té d’infinies pré­cau­tions pour l’installer sur une double dalle de 60 cm d’épaisseur, à l’abri de toutes les vibra­tions. Une pano­plie de boucles magné­tiques la pré­serve d’émissions parasites. 

Les cher­cheurs fami­liers des micro­scopes élec­tro­niques auront recon­nu tout de suite la colonne cen­trale qui per­met, grâce à un accé­lé­ra­teur d’électrons de 300 keV et un ensemble de len­tilles magné­tiques, de bom­bar­der la cible et de cor­ri­ger les aber­ra­tions sphé­riques de l’image en 3D. 

Là où les choses se com­pliquent, c’est avec l’adjonction de buses laté­rales qui envoient un flux d’atomes ou de radi­caux sur la cible, qui est fil­mée avec une réso­lu­tion de 0,1 nm à 4 images par seconde. 

Le résul­tat est spec­ta­cu­laire : on peut regar­der l’empilement pro­gres­sif des couches d’atomes qui s’ordonnent en nano­fils ou en nano­tubes, alors que jusqu’à pré­sent per­sonne n’avait jamais obser­vé à l’échelle ato­mique ce qui se passe lors de l’épitaxie par jets molé­cu­laires. Sui­vant l’incidence du jet sur la bulle de cata­ly­seur, les poly­types fabri­qués sont par exemple (pour les connais­seurs) de type 2H ou 3C. 

Les fabri­cants de nano­struc­tures ver­ront immé­dia­te­ment l’intérêt de connaître ain­si l’intimité de l’ordonnancement spa­tial des atomes de car­bone, de sili­cium ou de ger­ma­nium, et de com­prendre ain­si les rai­sons de l’apparition des défauts. 

Une étape sup­plé­men­taire sera fran­chie avec l’acquisition pro­chaine d’une camé­ra ultra­ra­pide de 1 600 images par seconde qui per­met­tra, pro­ba­ble­ment, d’analyser le pro­ces­sus de pas­sage de la sur­fu­sion à la cris­tal­li­sa­tion. Disons-le fiè­re­ment : le monstre est unique au monde. 

L’acquisition et la mise au point (4 M€) sont finan­cées dans le cadre d’Equipex, et ce n’est pas par hasard qu’elles aient été confiées au LPICM (Labo­ra­toire de phy­sique des inter­faces et des couches minces) de l’École poly­tech­nique, qui est à l’origine de tant d’innovations dans le domaine de cel­lules pho­to­vol­taïques et des bat­te­ries. Cent dix cher­cheurs de vingt-deux natio­na­li­tés dif­fé­rentes (dont seule­ment qua­rante-trois per­ma­nents) s’y affairent, et une dizaine de labos étran­gers attendent patiem­ment les der­nières mises au point, pour venir y mener leurs propres expériences. 

Un grand mer­ci à Jean-Luc Mau­rice et à Ilea­na Flo­rea, pour avoir gui­dé le groupe X‑Recherche et par­ta­gé leur enthousiasme. 


La visite de Nano­Max était la troi­sième étape du cycle de visites des labos de l’X orga­ni­sée par le groupe, après celles d’Apollon
à L’Orme des Meri­siers et du Labo­ra­toire de météo­ro­lo­gie dyna­mique à Palaiseau.

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