Paul Andreu (58) architecte, artiste et romancier

Dossier : TrajectoiresMagazine N°740 Décembre 2018
Par Dominique DESCROIX (58)

Paul Andreu est décé­dé le 11 octobre der­nier. Archi­tecte ins­pi­ré, il a conçu de nom­breux bâti­ments dans le monde entier. Il est aus­si l’auteur de romans, de pein­tures, de dessins.

La presse a très lar­ge­ment com­men­té sa car­rière excep­tion­nelle, mais je vou­drais d’abord, ici, évo­quer l’homme, le cama­rade, l’ami tout aus­si excep­tion­nel et attachant.

À l’X, d’abord, où, dans le même casert et la même équipe d’athlétisme, nous avons ensemble bat­tu quelques records. Saut en hau­teur, en lon­gueur, lan­cer du jave­lot, Paul était bon dans toutes les dis­ci­plines. Le tra­vail exi­gé par l’École n’empêchait pas les diver­tis­se­ments, le bridge notam­ment, sans oublier le fré­quent « Bêta » pour aller boire une bière au Café L’Alsace place St-Michel, ou des sor­ties au ski. On le ren­con­trait sou­vent, tard dans la nuit, dans les cou­loirs, quand il allait ou reve­nait de l’atelier de pein­ture. Ses conver­sa­tions étaient tou­jours tein­tées d’humour ou de calembours !

Un grand bâtisseur

Il serait trop long d’évoquer toutes ses réa­li­sa­tions, mais on peut rap­pe­ler celles qui l’ont sans doute le plus mar­qué. Roissy‑1 d’abord, la pre­mière aéro­gare de l’aéroport Charles-de-Gaulle, lon­gue­ment et diver­se­ment appré­ciée. Pour ma part, excep­té l’obligation de faire le tour du « camem­bert », éven­tuel­le­ment deux fois si on ratait la pre­mière porte, j’ai rare­ment trou­vé une aéro­gare où le che­min « entrée-salle d’embarquement » était aus­si facile, sur­tout avec des bagages à main. La Grande Arche de la Défense ensuite, dont il n’est pas le concep­teur (un Danois), mais dont on lui a confié la réa­li­sa­tion. L’Opéra de Pékin, aus­si, « l’œuf sur l’eau ! » deve­nu la fier­té des Chi­nois et l’un des monu­ments les plus visi­tés par les étran­gers comme par les natio­naux. Je cite­rai enfin le musée mari­time d’Osaka, au Japon.

Il faut éga­le­ment évo­quer le ter­mi­nal 2E de l’aéroport Charles-de-Gaulle, dont l’architecture était très ori­gi­nale à beau­coup de points de vue, mais qui a été le théâtre d’un acci­dent, la rup­ture de la struc­ture de la voûte qui a pro­fon­dé­ment mar­qué Paul Andreu et a modi­fié dura­ble­ment son com­por­te­ment. Il avait été ébran­lé au plus haut point : citons les mots sur les­quels finit son livre La mai­son (édi­tions Stock) : « L’un des bal­cons était tom­bé, celui de ma chambre, qu’on avait dû mal répa­rer, non, per­sonne n’avait été bles­sé, cela n’avait été qu’une peur rétros­pec­tive. Cette peur m’a sai­si ou plu­tôt son idée que j’ai reje­tée avant que la peur elle-même m’envahisse, la peur, la grande peur que je tiens à bout de bras. »

Une personnalité aux multiples facettes

Quelques mots enfin sur l’artiste qui témoignent sans doute plus encore de sa personnalité.

Écri­vain, Paul Andreu aimait par­ler de son métier depuis ses débuts jusqu’à ses réa­li­sa­tions les plus mar­quantes, mais en y mêlant les aspects tech­niques, artis­tiques et humains.

Son œuvre lit­té­raire a com­men­cé avec un récit poé­tique, L’Archipel de la mémoire. La mai­son, déjà cité, est son pre­mier roman, paru en 2009. Encou­ra­gé par ses amis, il publie en 2013 Archi-mémoires, entre l’art et la science, la créa­tion. Dans cet ouvrage il nous avoue : « C’est arri­vé d’un seul coup, j’ai déci­dé de deve­nir archi­tecte : la science et l’art, les deux m’attiraient ; pour­quoi pas l’un et l’autre ? »

Des­si­na­teur, il n’arrêtait pas de crayon­ner sur ses notes ; son livre Archi-mémoires en témoigne. En fait, ses pro­jets étaient pour lui l’occasion de faire des esquisses de telle ou telle par­tie de l’œuvre qu’il avait à construire. Pen­dant la concep­tion de l’Opéra de Pékin, il a rem­pli des cahiers entiers de dessins.

C’est pour­quoi il avait été fait aca­dé­mi­cien par l’Académie des beaux-arts, sec­tion Archi­tec­ture après avoir été Grand Prix natio­nal d’architecture 1977 et Grand Prix du Globe de cris­tal en 2006.

« J’ai beau­coup par­cou­ru le monde, des­si­né, construit, écrit ; le désir ne m’a pas quit­té. Il me fau­drait deux ou trois vies de plus ! »

Le pas­sage devant ou dans l’une de ses réa­li­sa­tions en France ou dans le monde sera tou­jours, pour ceux qui l’ont connu, un motif pour pen­ser à lui et en être fier.

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