« La circularité sera au cœur des supply chains de demain »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°784 Avril 2023
Par Lysiane BESSONNET
Par Alain-Bernard DUVIC
Par Fabien LEPÈRE (X05)

Lysiane Bes­son­net, direc­trice, Alain-Ber­nard Duvic, direc­teur asso­cié, et Fabien Lepère (X05), direc­teur au sein de KEPLER Consul­ting, par­tagent avec nous leurs réflexions sur un monde de la logis­tique en pleine trans­for­ma­tion et en quête d’une plus grande cir­cu­la­ri­té afin de faire face aux grands enjeux de demain. Rencontre.

Depuis plus de deux ans, la logistique et la supply chain ont été au cœur des préoccupations en France et en Europe. Qu’avez-vous pu observer ?

En paral­lèle du fort déve­lop­pe­ment de l’e‑commerce, obser­vé chez nos clients du BtoC et BtoB, nous avons de plus en plus de sol­li­ci­ta­tions de nos clients qui se ques­tionnent sur l’opportunité de méca­ni­ser ou auto­ma­ti­ser leur logis­tique. On retrouve deux moti­va­tions prin­ci­pales : être en capa­ci­té de répondre tou­jours plus rapi­de­ment aux demandes des clients et trou­ver une alter­na­tive à la pénu­rie de main d’œuvre dans le sec­teur. Nous les accom­pa­gnons notam­ment dans la défi­ni­tion du juste besoin avec une éva­lua­tion du ROI des équi­pe­ments, une ana­lyse d’opportunité au regard de leurs pro­ces­sus en place, puis le sour­cing des bonnes solu­tions. Plus glo­ba­le­ment, nom­breux sont nos clients qui ques­tionnent leur stra­té­gie logis­tique pour qu’elle soit en phase avec les leviers de crois­sance actuels : être au plus proche des clients, appor­ter une réponse sur mesure et être plus flexible et effi­cient, construire une véri­table pro­po­si­tion de valeur pour les clients.

Dans cette démarche d’automatisation, les entre­prises ne sont pas uni­que­ment à la recherche d’une meilleure pro­duc­ti­vi­té ou d’une opti­mi­sa­tion des coûts. Elles appré­hendent éga­le­ment l’automatisation et les dis­po­si­tifs d’aide à la manu­ten­tion comme un moyen d’améliorer les condi­tions de tra­vail des opé­ra­teurs et un levier au ser­vice de la fidé­li­sa­tion des équipes. On observe aus­si une évo­lu­tion des rela­tions entre le don­neur d’ordre, indus­triel ou dis­tri­bu­teur, et son pres­ta­taire logis­tique pour le trans­port ou l’entreposage. Ces rela­tions sont aujourd’hui beau­coup plus par­te­na­riales et s’inscrivent dans le temps long. Le déve­lop­pe­ment de nou­velles tech­no­lo­gies, d’innovations, ou de moyens plus capi­ta­lis­ti­que­ment inten­sifs est ain­si ren­du possible.

Comment accompagnez-vous vos clients dans l’optimisation de leur Supply Chain ?

Depuis plus de 15 ans, nous les accom­pa­gnons dans leurs trans­for­ma­tions end-to-end autour d’une idée forte : opti­mi­ser dura­ble­ment la per­for­mance et amé­lio­rer la marge opé­ra­tion­nelle. Aujourd’hui, le cabi­net regroupe 85 col­la­bo­ra­teurs répar­tis dans quatre bureaux dans le monde en France, aux États-Unis, en Inde et en Chine. Nous réa­li­sons un chiffre d’affaires annuel de près de 16 mil­lions d’euros et visons une crois­sance de 20 % en 2023. Nos inter­ven­tions sont gui­dées par une vision large du terme « opé­ra­tions » : nous ne nous concen­trons pas uni­que­ment sur un maillon de la chaîne de valeur, mais la consi­dé­rons dans sa glo­ba­li­té. Dans notre vision, la sup­ply chain est l’un des maillons, en par­te­na­riat étroit avec les autres fonc­tions – R&D, achats, com­merce, mar­ke­ting, RH – de l’entreprise, qui per­met­tra la réus­site des trans­for­ma­tions pro­fondes, notam­ment sur le plan de la dura­bi­li­té, que doivent mener les entreprises.

« Aujourd’hui, le cabinet regroupe 85 collaborateurs répartis dans quatre bureaux dans le monde en France, aux États-Unis, en Inde et en Chine. »

Avec l’émergence d’enjeux for­te­ment struc­tu­rants en matière de cir­cu­la­ri­té, il n’est en effet plus per­ti­nent de tra­vailler uni­que­ment sur le volet logis­tique, le der­nier kilo­mètre ou bien les véhi­cules propres. Il faut pri­vi­lé­gier une approche qui, très en amont, va cou­vrir les enjeux de la cir­cu­la­ri­té, comme la ques­tion de l’écoconception, la recy­cla­bi­li­té des pro­duits ou leur fin de vie. C’est ce qui nous per­met­tra de déve­lop­per des modèles éco­no­miques viables. Notre posi­tion­ne­ment s’inscrit dans cette réa­li­té et la néces­si­té de déve­lop­per une vision glo­bale pour rele­ver les défis de demain et accom­pa­gner les trans­for­ma­tions structurantes.

Dans ce contexte, nous inter­ve­nons à plu­sieurs niveaux : l’accompagnement très amont des équipes sur les pro­ces­sus de pré­vi­sions, la sup­ply chain amont avec le sour­cing, les achats et les appro­vi­sion­ne­ments, les opé­ra­tions de trans­for­ma­tion internes ou sous-trai­tées, ain­si que la dis­tri­bu­tion et la ges­tion des flux retours. Concrè­te­ment, nous réa­li­sons pour nos clients des diag­nos­tics de per­for­mance et nous iden­ti­fions les écarts par rap­port à une cible stra­té­gique en défi­nis­sant les prio­ri­tés à déve­lop­per et mettre en œuvre et la tra­jec­toire à construire. Nous menons aus­si des mis­sions de pilo­tage trans­verse des trans­for­ma­tions néces­saires qui peuvent impli­quer des évo­lu­tions au niveau des sys­tèmes d’information, des pro­ces­sus, des métiers mais aus­si l’accompagnement des équipes et la conduite du chan­ge­ment. Notre objec­tif est d’aider les entre­prises à défi­nir et à déployer la meilleure stra­té­gie opé­ra­tion­nelle pour répondre à leurs ambi­tions busi­ness, en met­tant en place l’organisation la plus per­ti­nente, ain­si que les bons pro­ces­sus et outils.

Quels sont les besoins de vos clients ?

Nos clients nous demandent de réin­ter­ro­ger leurs orga­ni­sa­tions et de leur appor­ter une vision sur les meilleures pra­tiques connues pour leurs sec­teurs d’activités. Comme pré­ci­sé pré­cé­dem­ment, cela implique d’abord une phase de diag­nos­tic pour adap­ter le déploie­ment de la stra­té­gie à la réa­li­té du ter­rain, puis un accom­pa­gne­ment des trans­for­ma­tions sur un plan tac­tique et mana­gé­rial. Ce der­nier volet va cou­vrir non seule­ment l’évolution des métiers, des cur­sus de for­ma­tion ou encore l’accompagnement des équipes, mais aus­si, d’un point de vue pure­ment métier, les trans­for­ma­tions tech­no­lo­giques, l’évolution des pro­ces­sus ou encore la recon­fi­gu­ra­tion des sché­mas directeurs.

En paral­lèle, nous pou­vons éga­le­ment mener des audits de per­for­mance d’entrepôts ou de trans­port afin de mettre en place des actions telles que du Lean, de l’amélioration de la pro­duc­ti­vi­té, des recon­fi­gu­ra­tions d’organisations ou de la digi­ta­li­sa­tion. C’est notam­ment le cas en matière de pré­vi­sions, de pla­ni­fi­ca­tion ou de pri­cing, qui sont des pro­ces­sus for­te­ment impac­tés par l’arrivée de l’IA. Nos clients sont éga­le­ment très deman­deurs de mises en place de “control towers” pour amé­lio­rer la tra­ça­bi­li­té et la visi­bi­li­té sur les flux. Nous res­tons donc en veille constante sur le plan tech­no­lo­gique afin de pou­voir pro­po­ser à nos clients les avan­cées et inno­va­tions les plus pertinentes.

La dimension environnementale et énergétique est un sujet d’actualité pour le secteur de la logistique. Comment l’appréhendez-vous ?

Nous avons à cœur de déve­lop­per des offres RSE pour aider nos clients à amé­lio­rer le pro­fil envi­ron­ne­men­tal et social de leur acti­vi­té. Nous édi­tons chaque année un Baro­mètre de la Sup­ply Chain Durable dans le cadre duquel nous inter­ro­geons des entre­prises sur leurs actions en la matière. Cela nous per­met d’identifier les ten­dances et de les prio­ri­ser afin de pro­po­ser un accom­pa­gne­ment per­ti­nent. Aujourd’hui, les prin­ci­paux besoins des entre­prises qui nous sol­li­citent sur ces enjeux concernent le Scope 3 qui couvre les émis­sions indi­rectes, impli­quant leurs four­nis­seurs et leurs pres­ta­taires logis­tiques ain­si que la dis­tri­bu­tion de leurs pro­duits et ser­vices. Paral­lè­le­ment, nous accom­pa­gnons les entre­prises dans l’amélioration de la per­for­mance durable avec notam­ment le déve­lop­pe­ment du report modal, des véhi­cules à éner­gies moins pol­luantes élec­triques ou à hydro­gène, mais aus­si dans la redé­fi­ni­tion de sché­mas de dis­tri­bu­tion urbaine et de modèles éco­no­miques qui puissent accom­pa­gner de manière viable ces muta­tions. Enfin, on entend aus­si de plus en plus par­ler de régio­na­li­sa­tion de la sup­ply chain, une approche en adé­qua­tion avec cet objec­tif d’être plus rési­lient et ver­tueux en rap­pro­chant, par exemple, les points de pro­duc­tion, de sto­ckage et de distribution.

Pourriez-vous nous donner des exemples ?

Nous accom­pa­gnons actuel­le­ment un de nos clients dans le déve­lop­pe­ment de son offre de dis­tri­bu­tion du der­nier kilo­mètre dans les grandes villes euro­péennes en véhi­cules propres. L’idée est de les aider à trou­ver des par­te­naires et à défi­nir leur modèle opé­ra­tion­nel et éco­no­mique qui soit accep­table pour l’ensemble des par­ties pre­nantes. Plus géné­ra­le­ment, dans le cadre de l’élaboration de sché­mas direc­teurs logis­tiques, nous aidons régu­liè­re­ment les entre­prises à consi­dé­rer les alter­na­tives les moins émet­trices de gaz à effet de serre, notam­ment via le report modal, l’utilisation de véhi­cules propres, du trans­port mari­time ou fluvial.Nous avons mené de nom­breux pro­jets en matière d’achats res­pon­sables. Et nous tra­vaillons aus­si sur le sujet de l’écoconception. Nous accom­pa­gnons de grands acteurs de la cos­mé­tique sur des sujets de for­mu­la­tion pour réduire l’empreinte envi­ron­ne­men­tale mesu­rée ou sur le packa­ging de leurs pro­duits dans une logique de circularité.

Et pour conclure ?

La cir­cu­la­ri­té sera au cœur des sup­ply chains de demain. Cette réa­li­té va pro­fon­dé­ment trans­for­mer les modèles opé­ra­tion­nels et éco­no­miques qui aujourd’hui ne sont plus adap­tés. Il s’agit d’aller vers une logique de plate-forme, de déve­lop­per les syner­gies de l’entreprise avec son éco­sys­tème éten­du, afin de conju­guer les objec­tifs de cir­cu­la­ri­té, de rési­lience, d’agilité et de per­for­mance. Et pour y par­ve­nir, tout est encore à faire !

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