Tilak HealthCare : suivi de la vision

You Play, We Care !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Edouard GASSER

Avec Ody­sight, Tilak Heal­th­care pro­pose une alter­na­tive inno­vante pour assu­rer un meilleur sui­vi de la vision pour des patients souf­frant de mala­dies chro­niques des yeux liées à l’âge afin d’op­ti­mi­ser leur par­cours de soin. Dans cet entre­tien, Edouard Gas­ser, cofon­da­teur de la start-up, nous en dit plus.

Comment Tilak Healthcare a vu le jour ?

À ma sor­tie de l’École, j’ai débu­té ma car­rière dans le monde du jeu vidéo où j’ai évo­lué pen­dant une dizaine d’années. Durant cette expé­rience, j’ai notam­ment assis­té à l’émergence du jeu vidéo comme média de masse. En paral­lèle, j’ai tou­jours eu la convic­tion forte que le jeu vidéo pou­vait ser­vir d’autres fina­li­tés que le divertissement.

Ma ren­contre en 2016 avec le pro­fes­seur José-Alain Sahel, direc­teur de l’Institut de la Vision et du dépar­te­ment d’ophtalmologie de l’Université de Pitts­burgh aux États-Unis, m’a confor­té dans mon idée. Dans le cadre de nos échanges, il m’a alors expli­qué les enjeux liés au sui­vi des patients atteints de mala­dies chro­niques de la rétine comme la DMLA. Dans ce cadre, il explo­rait plu­sieurs pistes pour mieux suivre ces patients à domi­cile et opti­mi­ser notam­ment le par­cours d’injections anti-VGEF qui per­mettent de frei­ner l’évolution de la mala­die et de main­te­nir plus long­temps la vision des patients.

« Créer un outil qui permettrait de suivre à distance la vision des patients. »

Tou­te­fois, la mala­die évo­luant dif­fé­rem­ment d’un patient à un autre, les oph­tal­mo­logues se retrouvent sou­vent face à des patients qui ne viennent pas assez ou trop sou­vent pour subir ces injec­tions. En paral­lèle, les méde­cins dis­posent essen­tiel­le­ment d’outils tra­di­tion­nels pour faire ce sui­vi, comme des grilles en papier car­bone remises aux patients afin qu’ils puissent s’auto-surveiller. Au-delà des résul­tats impar­faits obte­nus, ce mode de fonc­tion­ne­ment ne per­met au méde­cin ni d’assurer un sui­vi en temps réel ni de véri­fier si le patient est régu­lier et assi­du dans l’auto-suivi de sa pathologie.

En capi­ta­li­sant sur ce retour d’expérience et ces constats, nous avons eu l’idée de créer un outil qui per­met­trait de suivre à dis­tance la vision des patients afin de se rendre compte d’un chan­ge­ment et opti­mi­ser ain­si le trai­te­ment. C’est ain­si que Tilak Heal­th­care a vu le jour et a créé un jeu vidéo médi­cal pour suivre la vision des patients à domicile.

Au cœur de votre offre, on retrouve les thérapies numériques. Quels sont leurs apports pour les patients notamment atteint de maladies chroniques ?

Ody­sight est la pre­mière pla­te­forme qui per­met le sui­vi de la vision à domi­cile. Pour les patients, elle prend la forme d’une appli­ca­tion mobile com­po­sée de modules médi­caux et de jeux, pres­crite par les oph­tal­mo­lo­gistes et télé­char­geable sur smart­phone ou tablette.

Concrè­te­ment, Ody­sight envoie en temps réel au méde­cin les résul­tats des tests médi­caux du patient afin d’alerter ce der­nier sur un chan­ge­ment au niveau de la vision. Mais ce n’est pas tout : Ody­Sight rap­pelle aus­si aux patients de faire leurs tests via des noti­fi­ca­tions et récom­pense la régu­la­ri­té en déblo­quant l’accès à une cen­taine de puzzles, ce qui per­met aus­si une très bonne réten­tion. Et c’est de là que vient notre slo­gan : You play, We care ! Les patients n’ont, effet, qu’à suivre les consignes d’OdySight en pre­nant 3 minutes 2 fois par semaine pour faire leurs tests et s’amuser s’ils le sou­haitent avec le jeux : l’application se charge du reste et trans­met les infor­ma­tions utiles au sui­vi médi­cal direc­te­ment à leur ophtalmologiste.

Sur le plan médi­cal, Ody­sight est une thé­ra­pie numé­rique : nous uti­li­sons les tech­no­lo­gies digi­tales pour four­nir des ser­vices de san­té. Dans le cadre de notre solu­tion, elle per­met aux méde­cins de mieux suivre les malades et d’adapter le par­cours de soin grâce aux don­nées en temps réel qui sont col­lec­tées et envoyées par l’application de manière tota­le­ment autonome.

Comment vos jeux médicaux ludiques s’intègrent-ils dans le parcours des patients atteints de maladies chroniques ?

Les tests médi­caux pro­po­sés au tra­vers d’Odysight sont vali­dés cli­ni­que­ment afin de suivre avec pré­ci­sion la vision des patients atteints de mala­dies chro­niques de la rétine, comme la DLMA. Il s’agit prin­ci­pa­le­ment de mala­dies dégé­né­ra­tives avec une dégra­da­tion pro­gres­sive de la vision qui ne peut pas être arrê­tée ou gué­rie. Tou­te­fois, elles peuvent être frei­nées grâce à des injec­tions anti-VEGF dans l’œil afin de retar­der signi­fi­ca­ti­ve­ment l’évolution de la patho­lo­gie. Pour être effi­caces, ces injec­tions doivent être admi­nis­trées proche d’une chute de vision avé­rée, d’où l’intérêt de pou­voir suivre de manière régu­lière l’évolution de la vision des patients.

Ody­sight, via ses tests médi­caux, va donc pou­voir détec­ter les baisses d’acuité visuelle anor­males grâce à un algo­rithme d’intelligence arti­fi­cielle de pointe et pré­ve­nir immé­dia­te­ment patients et méde­cins afin de faci­li­ter une prise de ren­dez-vous en urgence pour adap­ter la prise en charge.

« Les tests médicaux proposés au travers d’Odysight sont validés cliniquement afin de suivre avec précision la vision des patients atteints de maladies chroniques de la rétine, comme la DLMA. »

Quelle est la technologie derrière ces jeux médicaux ludiques ?

Notre solu­tion repose sur deux tech­no­lo­gies bre­ve­tées qui assurent la fia­bi­li­té de nos tests médi­caux. La pre­mière cal­cule la dis­tance du visage par rap­port à l’écran pour garan­tir que le patient est bien posi­tion­né et la seconde véri­fie la lumi­no­si­té ambiante pour une meilleure maî­trise de l’environnement et pour que la mesure soit tou­jours faite dans les mêmes condi­tions. À par­tir de là, un algo­rithme d’intelligence arti­fi­cielle, qui prend en compte un très grand nombre de variables sur le patient, défi­nit si les résul­tats obte­nus sont anor­maux ou non. En cas de baisse d’acuité visuelle, l’application va deman­der au patient de refaire le même test le len­de­main afin de confir­mer l’anomalie et pré­ve­nir le méde­cin, le cas échéant.

Ody­sight pro­pose deux tests médi­caux : un test d’acuité visuelle et un test dit de grille d’Amsler. Et en plus, Ody­sight pro­pose plus de 100 puzzles de dif­fi­cul­té crois­sante pour main­te­nir l’engagement du patient sur le long terme.

Enfin, notre tech­no­lo­gie est com­pa­tible avec plus de 3 000 télé­phones de toutes les géné­ra­tions ce qui nous per­met de cou­vrir près de 80 % du marché.

Quels sont les résultats obtenus par votre solution ?

Après une phase de R&D de près d’un an et demi et une étape de vali­da­tion cli­nique pour démon­trer l’équivalence de résul­tats entre les mesures obte­nues dans les tests médi­caux d’Odysight et les méthodes oph­tal­mo­lo­giques stan­dards, nous avons obte­nu le mar­quage CE. Nous avons ensuite opé­ré un pre­mier déploie­ment auprès de 200 réti­no­logues et plus de 3 000 patients pen­dant deux ans pour géné­rer des don­nées de vie réelle et mon­trer l’impact de la solu­tion sur les par­cours de soins.
En paral­lèle, nous avons dépo­sé un dos­sier d’expérimentation article 51 pour béné­fi­cier d’un modèle de rem­bour­se­ment et de finan­ce­ment par la Sécu­ri­té Sociale.

Depuis le finan­ce­ment par la Sécu­ri­té Sociale en mai 2022, Ody­sight a connu une crois­sance expo­nen­tielle. Aujourd’hui, près de 30 % des réti­no­logues en France sont pres­crip­teurs d’Odysight. Nous avons eu près de 3 500 pres­crip­tions depuis 9 mois, et au total, près de 7 700 pres­crip­tions depuis le lan­ce­ment de l’application en sep­tembre 2018.

Grâce à la com­bi­nai­son entre les jeux vidéo et la san­té, nous avons de forts taux de réten­tion : la moi­tié des uti­li­sa­teurs font les tests et jouent régu­liè­re­ment aux jeux pro­po­sés. Et nous avons un taux de réten­tion de 64 % à plus de six mois, et 51 % à un an, pour les patients qui font l’expérience dans sa glo­ba­li­té, c’est-à-dire en jouant. Enfin, un patient moyen fait envi­ron 77 tests d’acuité visuelle par an ce qui per­met d’avoir un impor­tant volume de don­nées, mais aus­si de suivre les recom­man­da­tions de la HAS concer­nant le sui­vi à domicile.

Comment vous projetez-vous sur le marché ? Quels sont vos perspectives et vos enjeux dans ce cadre ?

Tilak Heal­th­care est un des pion­niers de la télé­sur­veillance de la vision dans le monde et notre ambi­tion est de trans­for­mer le sui­vi et la ges­tion des patho­lo­gies chro­niques des yeux. Sur le court terme, notre objec­tif est de conso­li­der notre crois­sance en France. Nous avons aus­si des ambi­tions inter­na­tio­nales avec notre lan­ce­ment aux États-Unis en 2023, un mar­ché très por­té sur le digi­tal et où il existe des modèles de rem­bour­se­ment com­pa­rables aux nôtres. Au-delà, nous sommes exempts de 510k ce qui nous per­met de déployer direc­te­ment notre solu­tion sur le mar­ché d’un point de vue régle­men­taire. A l’échelle euro­péenne, grâce à notre mar­quage CE, nous nous inté­res­sons à l’Allemagne, la Bel­gique, les Pays-Bas et l’Espagne.

À plus long terme, nous vou­lons aus­si cou­vrir d’autres patho­lo­gies que les mala­dies chro­niques des yeux, liées à l’âge afin de deve­nir le 1er par­te­naire du sui­vi vision et le lea­der dans l’ophtalmologie digi­tale. Nous explo­rons plu­sieurs pistes comme la myo­pie infan­tile ou le glau­come, où il y a de forts besoins de sui­vi et d’optimisation du par­cours de soin. Enfin, nous envi­sa­geons aus­si de cou­vrir d’autres aires thé­ra­peu­tiques, comme les neurosciences.

Et pour conclure ?

Nous sommes en pleine levée de fonds (10 mil­lions d’euros) pour ren­for­cer notre déve­lop­pe­ment en France, pour­suivre notre inter­na­tio­na­li­sa­tion et diver­si­fier nos produits.


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