Blaise Rastoin

Blaise Rastoin (X55) entrepreneur énergique, original et persévérant

Dossier : TrajectoiresMagazine N°783 Mars 2023
Par Sophie RASTOIN-SANDOZ

Décé­dé le 12 jan­vier 2023, Blaise Ras­toin a créé et déve­lop­pé une socié­té, à par­tir d’un bre­vet rache­té à un inven­teur, et en a fait un lea­der dans son domaine. Il a fait preuve d’une grande ori­gi­na­li­té aus­si bien dans la conduite de sa socié­té que dans ses acti­vi­tés extra­pro­fes­sion­nelles. 

Né en mai 1934, deuxième de six enfants, Blaise Ras­toin est issu d’une famille d’industriels mar­seillais. Son père et ses deux oncles, dont Édouard Ras­toin (X1919S), exploi­taient une hui­le­rie savon­ne­rie créée par leur père. Esprit indé­pen­dant et entre­pre­neur de nature, Blaise refu­sa, à sa sor­tie de l’X, d’entrer dans un groupe où ses cou­sins se dis­pu­taient un peu les dif­fé­rents postes de pou­voir. Il pré­fé­ra voler de ses propres ailes. Il avait décou­vert, au cours de ses lec­tures, l’existence d’un « inven­teur » (Émile Tau­pin) qui avait conçu un appa­reil astu­cieux des­ti­né à ser­vir au trans­port des pro­duits pul­vé­ru­lents (ce terme recouvre toutes les semoules dans le sec­teur ali­men­taire, mais aus­si un grand nombre de pro­duits chi­miques et pro­duits phar­ma­ceu­tiques, et d’autres encore). 

Fai­sant preuve d’un dis­cer­ne­ment et d’une capa­ci­té de déci­sion peu com­muns, il rache­ta son bre­vet à l’inventeur car il avait immé­dia­te­ment com­pris les appli­ca­tions indus­trielles innom­brables que cette inven­tion per­met­trait, en par­ti­cu­lier le trans­fert des pul­vé­ru­lents dans des lieux sans bâti indus­triel (par exemple : un tas de sable dans un camion). Il faut savoir que ce sujet embar­ras­sait depuis fort long­temps les acteurs du sec­teur. 

En bleu de travail 

Ins­tal­lé dans un petit ate­lier prê­té par des amis, revê­tu d’un bleu de tra­vail, il s’appliqua à rendre l’outil tout à fait uti­li­sable et il déve­lop­pa éga­le­ment à des outils com­plé­men­taires en amont et en aval (notam­ment un sys­tème pour bras­ser les semoules). Après deux ou trois ans de cet exer­cice, Blaise com­men­ça à orga­ni­ser la fabri­ca­tion et la dis­tri­bu­tion de son pro­duit, ain­si que sa promotion. 

Étant pion­nier dans son acti­vi­té, il n’engagea pas de ven­deurs et pré­fé­ra trai­ter par le moyen de conces­sions exclu­sives et de ver­se­ments de royal­ties à son pro­fit. Ayant acquis rapi­de­ment une avance et une expé­rience impor­tantes, il put s’entourer, dans cha­cun des pays inves­tis, d’une fine équipe de juristes experts à le défendre féro­ce­ment, et son pro­duit, en face de la concur­rence ou de la simple copie que pou­vait engen­drer cette for­mule de liberté.

Enfin, et pour ren­for­cer pré­ci­sé­ment cet « esprit d’équipe », il créa un jour­nal interne qui, au fur et à mesure de la paru­tion des numé­ros, fai­sait état des amé­lio­ra­tions tech­niques et des résul­tats de la recherche que conti­nuait à mener Blaise « dans le silence de son ate­lier pro­ven­çal ». 

Telle quelle, son entre­prise, por­tant le nom de Tran­si­tube Pro­jet, a connu une expan­sion conti­nue sur les plans fran­çais et inter­na­tio­nal. Expan­sion qui se pour­suit encore aujourd’hui.

Un sportif aux goûts éclectiques

Nous, ses frères et sœurs, avons admi­ré ses dons spor­tifs : cham­pion de ping-pong et de cro­quet, membre de l’équipe de France de ski avec Bon­lieu, judo­ka titu­laire du cin­quième dan, véli­plan­chiste émé­rite enga­gé dans des com­pé­ti­tions locales… Nous avons été amu­sés par le cou­lis de tomates mai­son qu’il pré­pa­rait en petits bocaux indi­vi­duels ; nous l’avons vu se consa­crer à « réap­prendre » le latin et le grec parce qu’il s’intéressait à l’alchimie et au « dépas­se­ment de soi » et qu’il fal­lait lire les livres ; nous avons assis­té à ses départs pour par­ti­ci­per au Club de Rome ; nous l’avons aidé à ramas­ser « ses olives » quand il déci­da d’en faire son huile per­son­nelle comme son grand-père.

Nous, asso­ciés à sa femme Marie, à ses deux filles, Vir­gi­nie et Natha­lie, et à ses six petits-enfants, avons du mal à consi­dé­rer qu’il a fini par mou­rir comme tout le monde. Il n’était pas si jeune, mais il était incom­pa­rable. 

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