Marguerite Deperrois-Chaumont (X86) « Toujours innover, innover, innover »

Marguerite Deperrois-Chaumont (X86) « Toujours innover, innover, innover »

Dossier : TrajectoiresMagazine N°783 Mars 2023
Par Pierre LASZLO

Du fait de son évi­dente sin­cé­ri­té, comme de son élo­quence, je lui ai beau­coup lais­sé la parole. Mar­gue­rite Deper­rois-Chau­mont tire sa pré­sence au monde de l’iki­gaï japo­nais ; son altruisme me rap­pelle tant Ivan Illich (1926−2002) qu’Albert Jac­quard (X45). Comme le pro­cla­ma Rabe­lais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » C’est dire mon admi­ra­tion. 

Sa luci­di­té est impres­sion­nante. Fille aînée avec une sœur cadette, de parents internes des hôpi­taux de Lyon et bio­lo­gistes. Ils se sont ins­tal­lés à Avi­gnon, où sa sœur et elle eurent une enfance très heu­reuse. Elle garde la nos­tal­gie des ciels d’Avignon, que le mis­tral puri­fie. Pré­pa M’ à Ginette, avec en P’ des ensei­gnants de chi­mie hors pair, MM. Bey­nier et Heerts. Ser­vice mili­taire comme lieu­te­nant para­chu­tiste (« j’ai ado­ré »), avec raids sur le ter­rain et des sol­dats fiers de s’être dépas­sés. À l’École, elle choi­sit les majeures de chi­mie puis d’économie. Elle épou­sa un X de sa pro­mo­tion, Vincent Deper­rois. Une étape cru­ciale fut la mater­ni­té, qu’elle décou­vrit avec ardeur et épou­sa avec enthou­siasme : elle fit le choix de se consa­crer alors tota­le­ment à sa famille (trois enfants). « Avant d’être mère, je n’aurais jamais ima­gi­né don­ner autant de temps à quelqu’un. C’est mer­veilleux. » 

Mille et une listes 

Mais ce ne fut pas tout. J’emprunte à ce que m’écrivit d’elle l’un de ses cama­rades : « Dans la série des Xe aty­piques for­mi­dables et débor­dant d’énergie posi­tive, je me per­mets aus­si de recom­man­der Mar­gue­rite Deper­rois, hyper­ac­tive sur le cli­mat notam­ment, une phi­lo­sophe tou­jours dans l’action ! » Quelle action, quelles actions plu­tôt ? « Je quitte Lafarge pour cofon­der « Mille et une listes », une start-up qui bous­cule cet uni­vers très tra­di­tion­nel de la liste de mariage pour offrir des ser­vices tota­le­ment nou­veaux, en phase avec l’air du temps et des mariés qui rêvent d’une liste de mariage qui leur res­semble ! Je découvre l’instabilité des sys­tèmes d’information fon­dés sur les tech­no­lo­gies inter­net, les levées de fonds, les hauts et les bas, les joies des pre­miers suc­cès et les dif­fi­cul­tés de l’association. Cette aven­ture dure­ra deux ans, par manque de fonds après le 11 Sep­tembre, les inves­tis­seurs choi­sissent une seule asso­ciée et me voi­là dehors en une séance. Ça a été assez bru­tal. » 

Des extraits liquides de plantes

« Je crée Delo, une entre­prise autour de l’eau – un sujet extrê­me­ment inté­res­sant quant à la nutri­tion, au bien-être et à la san­té. Il y a un besoin de pro­duits sains et de bois­sons agréables à boire, effi­caces en plus. Je lance des extraits liquides de plantes pour se faire à volon­té des bois­sons éner­gi­santes, déstres­santes, amin­cis­santes, détoxi­fiantes ou tout sim­ple­ment équi­li­brantes. Il suf­fit d’un bou­chon-cap­sule uni­ver­sel à vis­ser sur une petite bou­teille. J’ai mis au point avec mon mari et bre­ve­té cette inven­tion, et tout démarre très bien. J’aime l’eau, j’aime les plantes, j’aime appor­ter des solu­tions qui font du bien aux per­sonnes, j’aime créer. Je construis et fais gran­dir une équipe. J’arrive à vendre aux dis­tri­bu­teurs et sur une bonne dyna­mique je lève des fonds. Et le prix de revient n’est pas trop cher, c’est ven­dable en grande dis­tri­bu­tion. La suite est moins sym­pa­thique. Mon client prin­ci­pal, Mono­prix, adopte une charte gra­phique très proche de mon pro­duit et me déré­fé­rence. J’ai été bien naïve ; je ne l’attaque pas, pen­sant qu’on ne peut pas atta­quer son prin­ci­pal client. J’aurais dû écou­ter mes inves­tis­seurs et mon mari, qui étaient plu­tôt pour se confron­ter à ce client. Je ne l’ai pas fait et ce déré­fé­ren­ce­ment a signé la fin de mes bois­sons. » 

“J’ai com­pris inté­rieu­re­ment que le chan­ge­ment cli­ma­tique était là, que c’était vrai et grave.”

Puis la Chine 

« Mon mari, nos trois enfants et moi débar­quons à Shan­ghai fin août 2013. Je m’investis tota­le­ment dans l’apprentissage du chi­nois, dans la lec­ture de l’histoire de la Chine, de la pen­sée chi­noise, de la culture chi­noise et de l’histoire éco­no­mique. En Chine, devant la pol­lu­tion de l’air et de l’eau (presque tous les fleuves de Chine sont pol­lués), les mil­liards d’objets mal conçus juste bons à être uti­li­sés une fois et à être jetés, objets conçus pour les mar­chés hors de Chine, devant les pro­fondes inéga­li­tés de la socié­té chi­noise, devant les dégâts de tout le XXe siècle en Chine et en Asie, j’ai tout d’un coup eu un déclic. J’ai com­pris inté­rieu­re­ment que le chan­ge­ment cli­ma­tique était là, que c’était vrai et grave, que la bio­di­ver­si­té était mise à mal, que c’était vrai et grave, que les injus­tices sociales s’aggravaient, que c’était vrai et grave. » De retour en France, parce que l’agriculture est un sujet clé trans­verse au cli­mat, à la bio­di­ver­si­té et aux ques­tions sociales, elle choi­sit la per­ma­cul­ture, « nou­veau rêve éveillé ». 

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