Karim Hatem (X84) a cofondé un cabinet de conseil dénommé Ylios

Ylios : le pari réussi d’entreprendre dans le conseil face aux géants

Dossier : TrajectoiresMagazine N°782 Février 2023
Par Hervé KABLA (84)

En 1988, Karim Hatem (X84) a cofon­dé un cabi­net de conseil dénom­mé Ylios, qui inter­vient sur la stra­té­gie, l’organisation, la trans­for­ma­tion, le mana­ge­ment, la pros­pec­tive et l’influence auprès de grands groupes inter­na­tio­naux, d’entreprises et d’institutions publiques. Ce cabi­net indé­pen­dant a construit son excel­lence dans le conseil aux sec­teurs éco­no­miques en déré­gu­la­tion ou en disruption.

Quelle est l’activité d’Ylios ?

Ylios est un cabi­net de conseil de direc­tion, qui assiste les diri­geants dans des domaines variés comme la stra­té­gie, la conduite des grandes trans­for­ma­tions, la gou­ver­nance, les accé­lé­ra­tions de déve­lop­pe­ment busi­ness ou encore la trans­for­ma­tion mana­gé­riale et culturelle.

Quel est le parcours des fondateurs ? 

La créa­tion d’Ylios remonte à plus de trente ans. À l’origine, on compte quatre cofon­da­teurs, avec des pro­fils très variés : l’un, diplô­mé d’une école de com­merce, avait fait un DESS en psy­cho­so­cio­lo­gie, ce qui a mar­qué l’ADN d’Ylios et de son pro­jet. Le second avait fait des études de socio­lo­gie et était diplô­mé du même DESS. Un troi­sième, au pro­fil plu­tôt lit­té­raire, était diplô­mé en phi­lo­so­phie. Et enfin moi, jeune ingé­nieur X Télécom.

Comment t’est venue l’idée d’entreprendre ?

Trois idées clés nous ont menés à la créa­tion d’Ylios. D’abord la convic­tion que le numé­rique allait chan­ger pro­fon­dé­ment les entre­prises. J’ai tou­jours bai­gné dans le monde des télé­coms ; mon père a fait sa car­rière dans cet uni­vers, au Liban puis à l’ONU et au PNUD (Pro­gramme des Nations unies pour le déve­lop­pe­ment), et j’avais un réfé­ren­tiel pour avoir une idée du poten­tiel de ce qui arri­vait. Ensuite l’envie de créer une entre­prise. Enfin, la ren­contre avec mes futurs associés.

Qui sont les concurrents ? 

Aujourd’hui nous avons deux grandes caté­go­ries de concur­rents. D’un côté, les grands noms du conseil en stra­té­gie : McKin­sey, BCG, Bain & Com­pa­ny, Roland Ber­ger, etc. De l’autre, des cabi­nets de taille moyenne, com­pa­rable à la nôtre : Alix­Part­ners, PMP Stra­te­gy, L.E.K… Et en plus on voit poindre une troi­sième caté­go­rie depuis quelques mois, les « nou­veaux stra­tèges » : EY-Par­the­non, Accenture.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

L’histoire d’Ylios a com­men­cé au début des années 90, avec la moder­ni­sa­tion du mana­ge­ment à France Télé­com et à La Poste, que nous avons accom­pa­gnée. Ce fut un chan­tier de plu­sieurs années qui nous a per­mis d’acquérir une bonne expé­rience de tra­vail avec des très grands comptes. En 1998, la déré­gu­la­tion du mar­ché de l’énergie nous a don­né l’occasion de tra­vailler avec de grands éner­gé­ti­ciens, en France et en Europe.

Ylios entre­prit une fusion avec un autre cabi­net, BGM – IT Ser­vices, en 2000, mais elle se pas­sa mal et cela faillit nous conduire au dépôt de bilan. En 2008, nous lan­çons un grand pro­gramme de trans­for­ma­tion avec l’AP-HP, qui ser­vi­ra de modèle pour le grand pro­gramme conduit par les minis­tères du Bud­get et de la San­té. En 2010, une nou­velle ten­ta­tive de rap­pro­che­ment, avec Stra­tOrg, qui sera très pous­sée mais ne se fera pas.

Deux nou­veaux asso­ciés arrivent en 2014, per­met­tant de vali­der le modèle inno­vant et ouvert de par­te­na­riat que nous avons conçu après l’échec du rap­pro­che­ment avec Stra­tOrg. En 2016, nous démar­rons un grand pro­gramme avec la RATP, emblé­ma­tique de l’excellence d’Ylios pour accom­pa­gner les grands acteurs dans les séquences d’évolution de la régu­la­tion de leur sec­teur. Enfin, en 2021, nous enta­mons un rap­pro­che­ment avec Kea & Partners.

Qu’est-ce qui a changé ces vingt dernières années dans le domaine du conseil en management ? 

En un mot, le métier s’est beau­coup profession­nalisé et c’est une bonne chose. Il s’est aus­si seg­men­té. Les clients et leurs ser­vices achat ont main­te­nant des grilles très struc­tu­rées, avec des lots pour le réfé­ren­ce­ment des cabi­nets de conseil en mana­ge­ment. De nos jours, le métier s’élargit pour inté­grer de nou­veaux champs : la trans­for­ma­tion numé­rique, les enjeux dits ESG (environ­nement, social, gouvernance…)

Tu es particulièrement impliqué sur les sujets de santé. Quels sont les changements majeurs auxquels tu as contribué et ceux à venir ? 

J’ai tou­jours consi­dé­ré que le sec­teur de la san­té était pas­sion­nant. Il com­bine la science, les tech­no­lo­gies, l’économique, le social, l’humain, le poli­tique… Nous avons œuvré pour pous­ser les réformes du finan­ce­ment, la profession­nalisation des acti­vi­tés, la per­for­mance, l’approche de par­cours inté­gré domi­cile-ville-hôpi­tal, la recon­nais­sance des métiers, avec des vrais résul­tats et quelques erreurs. Dans les chan­ge­ments à venir, on devrait voir se déve­lop­per la numé­ri­sa­tion et l’utilisation de plus en plus impor­tante de la data, le déve­lop­pe­ment de la pros­pec­tive, l’évolution des métiers pour une meilleure attrac­ti­vi­té, les thé­ra­pies per­son­na­li­sées, le domi­cile augmenté…

On a récemment reproché au gouvernement de faire appel à un cabinet de conseil (McKinsey) sur des sujets stratégiques en matière de santé. Quel regard portes-tu sur ce type de décision et de débat ? 

Pour moi, ce débat montre sur­tout les dif­fi­cul­tés ren­con­trées par l’administration fran­çaise, au sens large, pour se réfor­mer, pour se moder­ni­ser et se doter des com­pé­tences dont elle a besoin. On a un réel décro­chage dans l’attractivité des car­rières dans le sec­teur public, ce qui fait que le public doit recou­rir au pri­vé. Ce n’est pas une mau­vaise chose dans l’absolu, mais il fau­drait plus de diri­geants com­pé­tents sur les sujets de stra­té­gie et de trans­for­ma­tion dans le public, pour mener à bien les réformes, avec l’aide des consul­tants quand c’est utile.

Il y a aus­si un « syn­drome fran­çais para­doxal » sur les coopé­ra­tions entre le sec­teur public et le sec­teur pri­vé : nous avons dans de nom­breux domaines une pra­tique de la conces­sion qui est mon­dia­le­ment recon­nue, et en même temps une admi­nis­tra­tion qui n’arrive pas à inté­grer les béné­fices d’une coopé­ra­tion intel­li­gente entre le public et le pri­vé, alors que c’est une évi­dence. Le rat­tra­page des télécom­munications, le TGV, Air­bus, le métro, plus récem­ment le suc­cès du Plan fibre… sont le résul­tat de coopé­ra­tions publiques-pri­vées réussies.

Se faire un nom dans le secteur du conseil face à d’autres géants, n’est-ce pas un peu dingue ? Comment fais-tu pour y parvenir ? 

C’est dingue, mais en même temps cela montre que, avec une stra­té­gie bien pen­sée et bien exé­cu­tée, un entre­pre­neur arrive à trou­ver sa place. Nous sommes obsé­dés par la différen­ciation et l’innovation et, jusqu’à main­te­nant, cela nous a bien réussi.

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes X intéressés par les métiers du conseil ? 

Les conseils qui me viennent à l’esprit sont les sui­vants. D’abord, le conseil reste une voie pri­vi­lé­giée en sor­tie d’école, pour entrer dans la vie active et acqué­rir des com­pé­tences qui seront utiles tout au long de son par­cours ; on a cou­tume de dire qu’une année dans le conseil compte pour deux années d’expérience dans une entre­prise nor­male ; même si la for­mule est exces­sive, il y a un vrai delta.

Ensuite, il faut bien choi­sir son cabi­net : la taille, le type de conseil (stra­té­gie, mana­ge­ment, nu­mé­rique…). Il ne faut pas hési­ter à chan­ger de cabi­net si celui où l’on entre ne répond pas à ses aspi­ra­tions : tant qu’à y pas­ser trois à cinq ans… Enfin réus­sir son pas­sage dans le conseil, c’est aus­si réus­sir sa sor­tie ; il y a de bonnes fenêtres pour sor­tir : trois ans, cinq-sept ans, dix ans. Au-delà de dix ans, on risque d’être cata­lo­gué et d’avoir du mal à se réadap­ter au fonc­tion­ne­ment d’une entre­prise normale.

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