Yespark, un service permettant de louer une place de parking au mois, facilement et sans engagement

Yespark : l’économie du partage au service du stationnement

Dossier : TrajectoiresMagazine N°781 Janvier 2023
Par Hervé KABLA (84)

En 2014, Thi­baut Cha­ry (X10) a cofon­dé Yes­park, qui est un ser­vice per­met­tant de louer une place de par­king au mois, faci­le­ment et sans enga­ge­ment. Il par­ti­cipe acti­ve­ment à résoudre les pro­blèmes de sta­tion­ne­ment en zone urbaine, grâce à sa tech­no­lo­gie et son offre de 45 000 places de par­king en France, en Ita­lie et aux Pays-Bas. Pour connec­ter ces par­kings, l’entreprise ins­talle une tech­no­lo­gie déve­lop­pée en interne, qui per­met aux abon­nés d’ouvrir leur par­king direc­te­ment depuis leur smart­phone, grâce à l’application mobile Yes­park.

Thibaut Chary (X10) cofondateur de Yespark
Thi­baut Cha­ry (X10) cofon­da­teur de Yespark

Que permet Yespark ? 

Yes­park est une solu­tion de mobi­li­té fon­dée sur la valo­ri­sa­tion des par­kings. Solu­tion de mobi­li­té d’abord. Nous sommes une pla­te­forme où les auto­mo­bi­listes des grandes villes qui n’ont pas de par­king avec leur appar­te­ment louent une place près de chez eux, et où les grands loueurs de véhi­cules en auto­par­tage garent et rechargent leurs flottes. Valo­ri­sa­tion de par­kings, ensuite. En louant les places aupa­ra­vant vacantes, nous géné­rons des reve­nus addi­tion­nels pour les pro­prié­taires. En ins­tal­lant et opé­rant des bornes de recharge pour véhi­cules élec­triques, nous accrois­sons la valeur de leur patri­moine et offrons une solu­tion de charge à leurs loca­taires. Uti­li­ser Yes­park, c’est uti­li­ser les par­kings sou­ter­rains pour amé­lio­rer la qua­li­té de vie en ville. 

Comment t’est venue l’idée ?

Le déclic a eu lieu en 2013, der­nière année sur le cam­pus. Le point de départ, c’est une idée lim­pide et concrète. Un pro­blème qui touche des mil­lions de Fran­çais. Un ami qui habi­tait à Bou­logne-Billan­court me raconte, cho­qué, qu’il a remar­qué que la qua­si-tota­li­té des places de son par­king sont vides, alors que se garer dans la ville est un casse-tête. Il ne man­quait plus qu’une équipe pour rele­ver le défi ! 

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Je ren­contre Charles Pfis­ter en 2014. Il est en der­nière année à Cen­tra­le­Su­pé­lec. Il cherche un asso­cié et un pro­jet ; j’ai un pro­jet et je cherche un asso­cié. Le cou­rant passe, nous com­men­çons à tra­vailler ensemble. Les pre­miers contrats tombent, l’aventure est lancée ! 

Qui sont les concurrents ? 

Nous nous can­ton­nons alors au mar­ché du sta­tion­ne­ment. D’autres start-up naissent au même moment. Elles se concentrent sur les sta­tion­ne­ments de quelques heures ou quelques jours, dans des quar­tiers évé­ne­men­tiels ou proches des aéro­ports. Nous sommes convain­cus que le besoin est plus simple : nous sommes une solu­tion de sta­tion­ne­ment rési­den­tielle, là où les gens habitent, sur abon­ne­ment mensuel. 

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

Yes­park croît d’année en année, tout en étant ren­table. Nous dis­cu­tons quo­ti­dien­ne­ment avec les auto­mo­bi­listes, les grands pro­prié­taires fon­ciers et les villes. Nous com­pre­nons que l’enjeu de demain va au-delà du simple sta­tion­ne­ment. Dans un monde où les voi­tures sont élec­triques, le par­king devient la nou­velle sta­tion-ser­vice. Face aux besoins crois­sants, nous déve­lop­pons notre solu­tion de charge, pour offrir tou­jours plus de ser­vices aux auto­mo­bi­listes et aux pro­prié­taires de par­king. Demain, la ville sera verte, propre et silencieuse ! 

Y a‑t-il encore de la place pour l’ubérisation ?

L’explosion des dark stores, ces maga­sins sans client, dédiés à la livrai­son ultra-rapide de pro­duits de grande consom­ma­tion, semble être une réponse sans appel. Ces nou­veaux ser­vices sou­lèvent des ques­tions de rap­port à la ville, à la vitesse, à la vie, au monde… Je consi­dère Yes­park plu­tôt comme une solu­tion d’optimi­sation. Dans une ville, une très grande part du fon­cier est dédiée au sta­tion­ne­ment. Pen­sez aux cen­taines de mil­liers de places de sta­tion­ne­ment qui bordent les rues ! Pour une ville comme Paris, c’est l’équivalent de 2 000 ter­rains de foot­ball ! Per­son­nel­le­ment, je pré­fère y voir des ter­rasses ou des jar­dins pour enfants, plu­tôt que des voitures. 

Pourquoi la numérisation du stationnement met-elle autant de temps à se développer (hors paiement par mobile) ? 

Le sec­teur du sta­tion­ne­ment vit son évo­lu­tion numé­rique plus len­te­ment que d’autres sec­teurs, c’est vrai. Peut-être parce qu’il contient une dimen­sion phy­sique très impor­tante. Pour autant, j’observe de nom­breux chan­ge­ments ces der­nières années. Les opé­ra­teurs de sta­tion­ne­ment en sou­ter­rain déve­loppent de nou­veaux moyens d’accès (lec­ture de plaque) et de réser­va­tion (par appli­ca­tion). Les pro­prié­taires de par­king pri­vé com­mer­cia­lisent leurs emplace­ments de manière numé­rique (sur des plate­formes comme Yes­park) et des logi­ciels de ges­tion des par­kings se déve­loppent. Les opé­ra­teurs de sta­tion­ne­ment en voi­rie enfin, via le paie­ment bien sûr, mais éga­le­ment le contrôle du sta­tion­ne­ment. Ma convic­tion est d’ailleurs que, grâce au numé­rique, ces trois mondes (sou­ter­rain public, sou­ter­rain pri­vé et voi­rie) vont se rap­pro­cher, pour offrir une expé­rience plus com­plète, plus fluide et plus effi­cace. Je pense enfin que l’électrification du parc auto­mo­bile, et donc du sta­tion­ne­ment, va accé­lé­rer sa digi­ta­li­sa­tion comme on dit outre-Manche.

Sommes-nous arrivés au terme d’un certain modèle de développement urbain autour de la voiture ? 

C’est un tour­nant, clai­re­ment. Il y a huit ans, 100 % de nos auto­mo­bi­listes clients étaient des par­ti­cu­liers, pro­prié­taires de leur véhi­cule. Aujourd’hui, les flottes de véhi­cules pro­fes­sion­nels repré­sentent plus de 10 % des véhi­cules qui se garent chez Yes­park. Et une bonne par­tie d’entre eux sont des véhi­cules en loca­tion. Le par­te­na­riat que nous avons annon­cé avec Geta­round en avril est un bon exemple du rôle du sta­tion­ne­ment numé­rique dans le déve­lop­pe­ment de cet usage : dans un monde où les poli­tiques publiques poussent les véhi­cules de la voi­rie aux sou­ter­rains, com­ment rendre les véhi­cules de loca­tion acces­sibles à tous ? Com­ment sto­cker ces véhi­cules lors des creux de la demande ? Com­ment rechar­ger ces véhi­cules, de plus en plus électriques ? 

Le véhicule autonome changera-t-il la donne ? 

Véhi­cule indi­vi­duel. Véhi­cule par­ta­gé. La suite logique est en effet le véhi­cule auto­nome. Même si son déve­lop­pe­ment me paraît encore loin­tain, il va ren­for­cer la « ser­vi­ci­sa­tion » du véhi­cule. En consi­dé­rant que le véhi­cule auto­nome sera par­ta­gé, on peut anti­ci­per plu­sieurs impacts du véhi­cule auto­nome sur le sta­tion­ne­ment. Tout d’abord, on peut pré­voir une baisse de la demande en sta­tion­ne­ment, du fait de la dimi­nu­tion du nombre de véhi­cules en cir­cu­la­tion et de l’augmentation du taux d’utilisation de ceux-ci. On peut aller encore plus loin, et pré­voir une déser­tion des véhi­cules, qui pré­fé­re­raient rou­ler à très basse vitesse entre deux courses, plu­tôt que sta­tion­ner. En effet, le sta­tion­ne­ment pour­rait coû­ter plus cher qu’une course « d’attente ». Les pou­voirs publics pour­raient alors taxer le fait de rou­ler pour contrer cette dérive. Enfin, on peut pré­dire un effet contra­dic­toire, qu’on observe déjà avec les flottes de véhi­cules par­ta­gés : un véhi­cule auto­nome aura un besoin impor­tant de recharge, de net­toyage et de petites répara­tions. Ces opé­ra­tions ne pour­ront évidem­ment se faire qu’à l’arrêt, ce qui accroî­tra la demande en stationnement. 

Qu’est-ce qui est le plus difficile quand on crée son entreprise ? 

Si seule­ment une seule chose était dif­fi­cile… Les dif­fi­cul­tés changent avec la vie de la socié­té. Pen­dant huit années, nous avons fait le choix d’être une socié­té ren­table, ce qui a deman­dé beau­coup d’attention dans la ges­tion, beau­coup de focus. Les chan­ge­ments de fond dont nous avons par­lé (place de la voi­ture dans les villes, véhi­cules élec­triques, véhi­cules par­ta­gés, etc.) me font aujourd’hui chan­ger de bra­quet : l’enjeu n’est plus le focus, mais l’ambition…

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