Autoroute bas-carbone : La ferme solaire de Boyer & Jugy en Saône et Loire aux abord de l’A6.

Vers des autoroutes bas-carbone

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Ghislaine BAILLEMONT

Les auto­routes concé­dées repré­sentent actuel­le­ment 7 % des émis­sions de gaz à effet de serre. Pour réduire leur empreinte car­bone et envi­ron­ne­men­tale, contri­buer à la décar­bo­na­tion et lut­ter contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, les entre­prises qui opèrent dans ce sec­teur se mobi­lisent de plus en plus. Dans ce cadre, APRR et AREA ont pris des enga­ge­ments ambi­tieux et déploient de nom­breuses actions en ce sens. Ghis­laine Baille­mont, direc­trice géné­rale adjointe d’APRR et AREA en charge de l’infrastructure, de l’innovation, de la tran­si­tion éco­lo­gique et des conces­sions, nous en dit plus dans cet entretien.

Comment abordez-vous la question de la mobilité décarbonée et des autoroutes bas carbone ?

Nous tra­vaillons sur ce sujet depuis déjà plu­sieurs années. Filiale d’Eiffage, nous nous ali­gnons sur ses enga­ge­ments et objec­tifs pris en matière de réduc­tion de gaz à effet serre. Nous ambi­tion­nons ain­si de réduire nos émis­sions sur le scope 1 et 2 de 46 % d’ici 2025 et de 30 % à hori­zon 2030 sur le scope 3 amont, c’est-à-dire nos achats. Dans cette démarche, nous ren­for­çons éga­le­ment les res­sources allouées. Dès 2019, nous avons mis en place une gou­ver­nance dédiée avec une ins­tance majeure, le Comi­té Bas Car­bone, qui regroupe les direc­tions et les forces vives enga­gées de l’entreprise afin de pilo­ter l’atteinte des objec­tifs fixés. Plus récem­ment, notre Plan Stra­té­gique 2025, qui s’articule autour de six axes, pré­voit un axe entiè­re­ment dédié à la Tran­si­tion Éco­lo­gique. Enfin, ce sont l’ensemble de nos équipes qui sont mobi­li­sées au quo­ti­dien sur l’ensemble de ces thé­ma­tiques et enjeux.

Dans ce cadre, autour de quels axes vous mobilisez-vous ?

Dans le cadre du Plan Stra­té­gique et de son axe « Réus­sir notre Tran­si­tion Éco­lo­gique », trois prio­ri­tés ont été iden­ti­fiées : accé­lé­rer la pro­mo­tion d’une auto­route bas car­bone ; évi­ter, réduire et com­pen­ser notre empreinte éco­lo­gique et par­ti­ci­per acti­ve­ment à la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique. L’ensemble des actions déployées s’inscrivent dans cette triple logique.

En termes d’autoroute bas car­bone, nous tra­vaillons sur la réduc­tion de nos émis­sions de gaz à effet de serre et sur la cap­ta­tion du CO2. En effet, de par notre acti­vi­té, nous dis­po­sons d’espaces natu­rels qui nous per­mettent de déve­lop­per ce volet. Pour ce faire, nous avons éta­bli un état des lieux de ces espaces qui va nous per­mettre d’évaluer le poten­tiel de cap­ta­tion des végé­taux pré­sents afin de l’améliorer. La mise en place de plu­sieurs zones expé­ri­men­tales est d’ailleurs pré­vue dès l’année prochaine.

Pour favo­ri­ser l’essor et le déve­lop­pe­ment de la mobi­li­té décar­bo­née de nos clients, nous ins­tal­lons des bornes de recharge élec­trique pour les véhi­cules légers sur toutes nos aires de ser­vice : 100 % de nos aires seront équi­pées à fin 2022 avec, sur la majo­ri­té, l’installation de bornes à très haute puis­sance qui per­mettent un rechar­ge­ment à hau­teur de 80 % en une ving­taine de minutes. Au-delà, nous par­ti­ci­pons aux études et pros­pec­tives en cours pour décar­bo­ner le fret poids lourds. Et en interne, nous élec­tri­fions notre flotte avec un objec­tif de 75 % de véhi­cules légers et de four­gons élec­triques à l’horizon 2025.

En paral­lèle, nous déve­lop­pons les ser­vices de mobi­li­té par­ta­gée. En sep­tembre 2020, nous avons ouvert la pre­mière voie réser­vée au covoi­tu­rage. Dès 2007, nous avions déployé une voie réser­vée aux trans­ports col­lec­tifs à l’entrée de Gre­noble. Le suc­cès fut immé­diat grâce aux plus de vingt minutes gagnées sur le tra­jet. L’idée est de conti­nuer à en créer de nou­velles. Nous tra­vaillons aus­si sur la créa­tion de pôles d’échanges mul­ti­mo­daux à l’entrée des grandes agglo­mé­ra­tions équi­pés entre autres de par­kings de covoi­tu­rage. Aujourd’hui, 5 000 places sont dis­po­nibles aux entrées et aux sor­ties de notre réseau et nous visons les 7 000 places à la fin 2025. Mais de plus en plus, il s’agit de mettre en place des démarches glo­bales qui vont com­bi­ner tous ces élé­ments : par­kings de covoi­tu­rage, pôles d’échanges mul­ti­mo­daux, voies réser­vées… Dans cette logique, le lan­ce­ment de pro­jets à Lyon, Dijon, Anne­cy et aus­si à l’entrée de la région pari­sienne sont pré­vus prochainement.

Autoroute durable : La station de recharge électrique à très haute puissance de l’aire de Dracé sur l’A6.
La sta­tion de recharge élec­trique à très haute puis­sance de l’aire de Dra­cé sur l’A6.

Au-delà, l’optimisation de la ges­tion du tra­fic auto­rou­tier peut éga­le­ment contri­buer à réduire les émis­sions de gaz à effet de serre. Nous déve­lop­pons ain­si le péage en flux libre, une inno­va­tion déjà déployée dans plu­sieurs pays en Europe, qui per­met de détec­ter les plaques d’immatriculation à l’entrée et la sor­tie du péage. Concrè­te­ment, les voi­tures et les poids lourds n’ont plus besoin de frei­ner ou de s’arrêter pour être détec­tés, ce qui réduit consi­dé­ra­ble­ment leurs émis­sions de gaz à effet de serre.

Nous déve­lop­pons éga­le­ment notre capa­ci­té de pro­duc­tion et d’autoconsommation élec­trique. Concrè­te­ment, nous avons opté pour le déploie­ment de solu­tions pho­to­vol­taïques. Nous allons ain­si ins­tal­ler des pan­neaux solaires ain­si que des ombrières pho­to­vol­taïques sur les aires d’autoroute. Depuis décembre 2020, trois fermes solaires sont en ser­vice sur des délais­sés fon­ciers, quatre sont en tra­vaux et dix autres sont prévues.

Au niveau de la réduc­tion de notre empreinte éco­lo­gique, nous avons une poli­tique de recy­clage des maté­riaux dans le cadre des tra­vaux que nous menons sur le réseau. Nous pri­vi­lé­gions des liants végé­taux pour les tra­vaux de chaus­sées. Nous opti­mi­sons notre uti­li­sa­tion de l’eau et recy­clons les déchets.

Dans cette démarche, quels sont les enjeux qui persistent ? Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?

La pro­mo­tion, la trans­for­ma­tion et la muta­tion d’une auto­route doivent com­bi­ner plu­sieurs actions et ini­tia­tives pour être effi­cientes : réduire les émis­sions de gaz à effet de serre, pro­duire des éner­gies renou­ve­lables, cap­ter le CO2, dimi­nuer l’empreinte éco­lo­gique et s’inscrire dans une logique de com­pen­sa­tion… En paral­lèle, il est impé­ra­tif de pour­suivre la décar­bo­na­tion de nos moyens de trans­ports et plus par­ti­cu­liè­re­ment des poids lourds. Actuel­le­ment, plu­sieurs pistes sont explo­rées dont le chan­ge­ment de moto­ri­sa­tion, les nou­veaux car­bu­rants, ou encore l’hydrogène… Enfin, cela implique aus­si de valo­ri­ser les déchets en matière pre­mière et de tra­vailler avec nos par­te­naires sur les auto­routes (res­tau­rants, sta­tions-ser­vices…) pour réduire les déchets à la source. On ne le dira jamais assez mais le meilleur déchet c’est celui qui n’est pas produit. 

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