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Mobilité : intégrer dès aujourd’hui les enjeux et usages de demain !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Nelly BUSSAC

Évo­lu­tion des besoins et des usages, sché­ma direc­teur de mobi­li­té, valo­ri­sa­tion des délais­sés archi­tec­tu­raux, réver­si­bi­li­té des bâti­ments et des infra­struc­tures… sont au cœur de la stra­té­gie déve­lop­pée par ABA-Work­shop en matière d’aménagement urbain et de mobi­li­té. Nel­ly Bus­sac, archi­tecte urba­niste, pré­si­dente et cofon­da­trice d’ABA-Workshop, nous en dit plus dans cet interview.

Quel est le positionnement d’ABA-Workshop ?

En 2014, la socié­té est née de ma ren­contre à Hong Kong avec Loïc Brenterc’h, mon asso­cié, avec qui j’ai été ame­née à tra­vailler sur des pro­jets de grande enver­gure. Ces expé­riences à l’export nous ont per­mis de prendre conscience de l’importance de pen­ser le tis­su urbain au regard de ses flux, de ses usages et de ses besoins. Elles nous ont aus­si per­mis de déve­lop­per une exper­tise dans l’anticipation de l’évolutivité des pôles mul­ti­mo­daux et des parcs de sta­tion­ne­ment, et sur tous les sujets rela­tifs à la mobi­li­té. Aujourd’hui, ABA-Work­shop s’appuie sur une vision dif­fé­ren­ciante de l’aménagement urbain et de la mobi­li­té qui s’articule autour de deux axes forts : le rôle stra­té­gique des délais­sés archi­tec­tu­raux et la néces­si­té de rai­son­ner par besoins des usa­gers et non par pro­gram­ma­tion, car, in fine, les usages, les tem­po­ra­li­tés et les pro­grammes découlent des besoins des usagers.

Votre travail et le positionnement d’ABA-Workshop ont été fortement influencés par Bruno Marzloff. Qu’en est-il ? 

En effet, j’ai ren­con­tré Bru­no Marz­loff en 2006 autour de mon ana­lyse sur la mobi­li­té à Hong Kong. À cette époque, il théo­ri­sait son concept des hubs. Ce terme « hub » est his­to­ri­que­ment uti­li­sé dans le monde du digi­tal et de l’informatique.

Très vite, le monde aéro­por­tuaire s’en est empa­ré. Dans sa réflexion, il a mis en évi­dence le fait qu’il existe plu­sieurs échelles de hubs natio­naux, régio­naux, urbains, et qui vont jusqu’au niveau de l’Homme. Le citoyen est un « hub sur soi » : à par­tir de son smart­phone, il émet et reçoit des flux de data qui lui per­mettent de construire sa mobilité.

Concrètement, qu’implique votre approche de l’aménagement urbain et de la mobilité ? 

Chaque pro­jet d’aménagement prend en compte une stra­té­gie natio­nale qui est appli­quée à dif­fé­rentes échelles du ter­ri­toire : région, com­mune, quar­tier et jusqu’au niveau de l’îlot… Pour tra­vailler sur la mobi­li­té et le sta­tion­ne­ment, une syn­thèse de l’ensemble de ces stra­té­gies au regard de l’évolution du contexte règle­men­taire est néces­saire pour garan­tir leur appli­ca­tion de manière prag­ma­tique et fonc­tion­nelle au niveau local. 

C’est cette prise en compte de l’ensemble de ces dimen­sions qui nous per­met de conseiller avec per­ti­nence nos clients. Et pour plus d’efficacité, nous cher­chons, dans la mesure du pos­sible, à inter­ve­nir le plus en amont, en qua­li­té d’AMO notam­ment (Assis­tant à Maî­trise d’Ouvrage).

Pour fédérer cette démarche et la rendre plus accessible, il manque, selon vous, un élément clé : le Schéma Directeur de Mobilité (SDM)…

En effet ! Si la notion de SDM existe dans le monde aéro­por­tuaire, les villes et les ter­ri­toires doivent encore se l’approprier. Ce sché­ma doit se décli­ner au niveau natio­nal, régio­nal, et local. Il doit être éta­bli et pen­sé en amont de la stra­té­gie fon­cière et finan­cière dans une démarche trans­ver­sale afin de défi­nir une stra­té­gie d’accessibilité et de mobi­li­té en cohé­rence avec les besoins et les usages sur le court, moyen et long terme.

Aujourd’hui, alors que l’électrification s’accélère sous l’impulsion des lois et des règle­men­ta­tions, l’absence de ce jalon dans la pro­gram­ma­tion des amé­na­ge­ments se fait res­sen­tir. En effet, les besoins en termes d’aménagement et d’infrastructures sont consé­quents : voi­rie, équi­pe­ment de recharge, sta­tion fast char­ging et affé­rents, mise aux normes de l’ensemble du sec­teur. Or, face à l’ensemble de ces enjeux, les ter­ri­toires ne sont clai­re­ment pas prêts. Le SDM doit être per­çu comme un levier au ser­vice des com­munes et des villes qui doivent se pré­pa­rer à la fin de la vente des véhi­cules ther­miques à par­tir de 2035 ; ce qui implique de repen­ser leur amé­na­ge­ment urbain et l’apport en éner­gie pour accueillir et déve­lop­per la mobi­li­té élec­trique et à l’hydrogène. Et qu’elles dis­posent ou non de grands moyens, elles sont toutes dému­nies face à ce chal­lenge. Actuel­le­ment, nous accom­pa­gnons la sta­tion de Val‑d’Isère sur sa stra­té­gie de par­cours client : la plus haute des grandes sta­tions de sports d’hiver, mais aus­si celle qui a le plus petit ter­ri­toire. Ne pou­vant « s’étaler ter­ri­to­ria­le­ment », elle doit repen­ser de manière intel­li­gente son espace, non seule­ment pour répondre à ses besoins en amé­na­ge­ment urbain et en mobi­li­té, mais aus­si pour déve­lop­per sa rési­lience face au chan­ge­ment cli­ma­tique et au risque éle­vé d’avalanche et d’éboulement de ter­rain auquel elle est for­te­ment expo­sée. Pour struc­tu­rer sa démarche, il manque à cette sta­tion ville, mais éga­le­ment à toutes les autres, cette feuille de route claire afin de mieux flé­cher leur inves­tis­se­ment finan­cier. Dans ce cadre, notre mis­sion est, d’abord, de répondre aux attentes spé­ci­fiques des par­cours conduc­teurs et pié­ton­niers, puis, en second lieu, d’ouvrir vers la struc­tu­ra­tion d’un SDM qui puisse faire la jonc­tion entre les dif­fé­rentes stra­té­gies (du niveau natio­nal au local), les besoins et les usages du citoyen, mais aus­si leur évolutivité.

Et dans cette démarche, quel rôle les délaissés architecturaux peuvent-ils jouer ? 

Les délais­sés archi­tec­tu­raux sont aujourd’hui au cœur de la redé­fi­ni­tion de l’aménagement urbain et de la mobi­li­té. Ces friches urbaines et infra­struc­tures liées à la mobi­li­té situées aux entrées et sor­ties des villes, des aéro­ports, des gares sont deve­nus de véri­tables hubs de mobi­li­té. La notion de délais­sés archi­tec­tu­raux englobe aus­si l’échelle du bâti intra muros. Mal exploi­tés et peu consi­dé­rés jusque-là, leur meilleure qua­li­fi­ca­tion per­met­trait d’avoir une démarche plus trans­ver­sale de l’aménagement urbain en déve­lop­pant des espaces multifonctionnels.

En effet, il est aujourd’hui évident qu’il n’est plus du tout envi­sa­geable de construire des bâti­ments mono­fonc­tion­nels qui ne prennent pas en compte l’évolution des usages dans le temps. La restruc­tu­ra­tion et le réamé­na­ge­ment de ces délais­sés archi­tec­tu­raux consti­tuent un for­mi­dable ter­reau pour créer et hybri­der de nou­veaux pro­grammes et ser­vices. Cette approche nous per­met de repen­ser l’évolutivité des usages urbains, de l’habitat, du ter­tiaire et des infra­struc­tures qui ne sont plus figées dans le temps. En paral­lèle, ils offrent aus­si une alter­na­tive inté­res­sante pour faire face au manque de fon­cier dans un contexte où la logis­tique urbaine et la nature en ville explosent, mais aus­si à la néces­si­té de repen­ser l’espace urbain afin de pou­voir inté­grer la mobi­li­té élec­trique. C’est aus­si une démarche qui s’inscrit dans la conti­nui­té de la loi Cli­mat et rési­lience qui fixe un objec­tif de « zéro arti­fi­cia­li­sa­tion nette » (ZAN) en 2050. Il est aujourd’hui néces­saire de « pha­ser » les besoins des usa­gers dans le temps, pour d’une part, pen­ser bâti­ments et infra­struc­tures réver­sibles et d’autre part, inté­grer l’évolution des futurs usages.

Quelques pro­grammes immo­bi­liers s’y attèlent déjà, trop peu encore. La démarche a besoin d’être encou­ra­gée, por­tée, déployée d’une manière plus acces­sible et struc­tu­rée. Nous pen­sons que d’ores et déjà – et même en l’absence d’une cohé­rence régle­men­taire euro­péenne – les ouvrages de sta­tion­ne­ment en silo ou en infra­struc­ture, peuvent accueillir la réver­si­bi­li­té de demain, à moindre coût. Le coût des inves­tis­se­ments étant au cœur des débats et des enjeux, c’est dès la phase de pro­gram­ma­tion que la réver­si­bi­li­té doit être prise en compte pour amor­cer les futurs cycles de vie. 


Pour plus d’informations

Site web : Aba-workshop.com

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