Transformer les déchets industriels et ménagers en granulats, c’est aujourd’hui possible grâce à NEOLITHE.

NEOLITHE : vers un nouvel âge de pierre décarboné !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Nicolas CRUAUD (X16)

Trans­for­mer les déchets indus­triels et ména­gers en gra­nu­lats, c’est aujourd’hui pos­sible grâce à NEOLITHE. Nico­las Cruaud (X16), pré­sident de cette start-up indus­trielle, nous en dit plus sur cette tech­no­lo­gie inno­vante qui per­met de pro­po­ser une alter­na­tive envi­ron­ne­men­tale et bas car­bone à l’enfouissement et l’incinération des déchets. Rencontre.

Aujourd’hui, vous transformez les déchets en pierre. Comment est née cette technologie innovante ? 

C’est mon père William Cruaud qui a inven­té et déve­lop­pé le pro­cé­dé qui est à l’origine de NEOLITHE. Tailleur de pierre, il a eu l’idée de fos­si­li­ser les déchets en par­tant du pos­tu­lat que les cal­caires sont, en fait, les déchets des dino­saures fossilisés. 

À l’époque, encore étu­diant à l’École Poly­tech­nique, nous avons ain­si eu l’opportunité de tes­ter notre idée lors d’un start-up week-end. Nous y avons ren­con­tré notre troi­sième asso­cié fon­da­teur, Clé­ment Bénas­sy, qui est aujourd’hui le direc­teur géné­ral de NEOLITHE, et nous avons pu nous rendre compte que notre idée pou­vait fonc­tion­ner. Le jury nous avait, d’ailleurs, encou­ra­gé à pour­suivre nos tra­vaux et nos recherches en ce sens. 

NEOLITHE a ain­si été créée en 2019. Concrè­te­ment, nous avons déve­lop­pé un pro­cé­dé méca­nique et chi­mique qui per­met la fos­si­li­sa­tion accé­lé­rée des déchets indus­triels non-recy­clables, non-inertes et non-dan­ge­reux afin de pro­duire des gra­nu­lats. Notre Fos­si­li­sa­teur est une petite ins­tal­la­tion indus­trielle de trai­te­ment des déchets qui a la capa­ci­té de trai­ter 40 tonnes de déchets non-recy­clables par jour, soit 10 000 tonnes par an. Par­mi nos prin­ci­paux clients, on retrouve des acteurs de la col­lecte et du tri des déchets qui peuvent bran­cher très faci­le­ment le Fos­si­li­sa­teur direc­te­ment à leur centre de tri afin de pro­duire des gra­nu­lats, qu’ils peuvent, par exemple revendre aux acteurs de la construc­tion et du BTP. Ils ont ain­si accès à une alter­na­tive plus éco­lo­gique que l’enfouissement ou l’incinération de ces déchets.

NEOLITHE schéma de fossilisation accélérée

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? Pouvez-vous nous donner des exemples ? 

La fos­si­li­sa­tion s’opère en trois temps. Nous par­tons d’un déchet indus­triel non-recy­clable qui a été au préa­lable trié et que nous broyons afin d’obtenir une farine de déchets d’une taille de par­ti­cules com­prise entre 0 et 500 microns. Nous fai­sons réagir cette poudre avec des liants miné­raux afin de miné­ra­li­ser la matière qui est, ensuite, mise en forme sous pres­sion afin d’extruder les gra­nu­lats. L’ensemble de ces étapes sont réa­li­sées à froid. Nous avons déve­lop­pé une capa­ci­té à conver­tir la matière sans chauffe, sans la brû­ler et donc sans émis­sion de car­bone ou de gaz à effet de serre. 

Quels sont les apports environnementaux de cette technologie innovante ? 

Nous avons déve­lop­pé ce pro­cé­dé inno­vant afin de contri­buer, à notre niveau, à la tran­si­tion éco­lo­gique et envi­ron­ne­men­tale. D’ailleurs, le prin­ci­pal béné­fice de notre tech­no­lo­gie est son impact bas car­bone. À chaque tonne de déchets indus­triels fos­si­li­sés, nous évi­tons et séques­trons une demi-tonne de CO2 en com­pa­rai­son à notre scé­na­rio de réfé­rence qui est l’enfouissement.

En valeur rela­tive et pour don­ner un ordre de gran­deur, la fos­si­li­sa­tion accé­lé­rée de tous les déchets indus­triels et ména­gers per­met­trait de réduire l’impact car­bone glo­bal de la France de 10 %. 

Au-delà, notre tech­no­lo­gie per­met aus­si de faire de la séques­tra­tion ou du cap­tage de car­bone. En effet, dans la demi-tonne de car­bone évi­tée et séques­trée, 300kgs sont, en fait, de la cap­ture de car­bone. En plus d’apporter une alter­na­tive pour le trai­te­ment et la valo­ri­sa­tion des déchets indus­triels, notre tech­no­lo­gie contri­bue éga­le­ment au déve­lop­pe­ment de solu­tions visant à per­mettre la séques­tra­tion et le cap­tage du car­bone. Alors qu’aujourd’hui se struc­ture un mar­ché autour du « cré­dit car­bone », NEOLITHE est en capa­ci­té de vendre ses « cré­dits car­bone » à des entre­prises qui en ont besoin pour com­pen­ser leurs émissions. 

Fossilisateur NEOLITHE

En outre, NEOLITHE est un très bel exemple d’économie circulaire. Qu’en est-il ?

En matière d’économie cir­cu­laire, on retrouve, en haut de la chaîne de valeur, le réem­ploi et le recy­clage, puis la valo­ri­sa­tion en matière, la valo­ri­sa­tion éner­gé­tique, et enfin l’enfouissement. Notre pro­cé­dé est donc « natu­rel­le­ment supé­rieur » à l’enfouissement et l’incinération. Il ne faut pas oublier, dans le cas de la valo­ri­sa­tion éner­gé­tique, qu’un MWh élec­trique pro­duit par inci­né­ra­tion des déchets émet autant de CO2 fos­sile qu’un MWh élec­trique pro­duit par une cen­trale à char­bon. Actuel­le­ment, les indus­triels sont très deman­deurs de pro­cé­dés et de tech­no­lo­gies qui peuvent leur per­mettre de valo­ri­ser 100 % de leurs déchets en matière. Et dans un contexte où les res­sources et les car­rières sont limi­tées, la valo­ri­sa­tion des déchets indus­triels en nou­veaux gra­nu­lats recy­clés est une option inté­res­sante qui limite le recours aux res­sources fossiles.


Lire aus­si : Nico­las Cruaud (2016), raconte-nous Néolithe


Quels sont, en parallèle, les enjeux et les sujets qui vous mobilisent ? 

Actuel­le­ment, nous sommes 130 col­la­bo­ra­teurs au sein de NEOLITHE. Nous avons levé 20 mil­lions d’euros. Start-up indus­trielle, NEOLITHE dis­pose d’un démons­tra­teur indus­triel opé­ra­tion­nel et fonc­tion­nel et qui peut trai­ter 10 000 tonnes de déchets par an. La pro­chaine étape est de livrer nos pre­miers clients, avec la pre­mière ins­tal­la­tion com­mer­ciale pour Noël. 

Pour ce faire, nous devons conti­nuer à recru­ter et nous devons lever des fonds sup­plé­men­taires. Pour livrer les 25 Fos­si­li­sa­teurs pré­vus sur l’année 2023, nous devons lever 100 mil­lions d’euros. Et en paral­lèle, nous devons ren­for­cer la com­mer­cia­li­sa­tion de notre technologie.

Sur le mar­ché de la valo­ri­sa­tion des déchets, NEOLITHE est un équi­pe­men­tier sur un modèle d’économie de la fonc­tion­na­li­té. Nous four­nis­sons à nos clients une ins­tal­la­tion clé-en-main pour fos­si­li­ser leurs déchets sur leur site et pro­duire des gra­nu­lats. Les clients ne paient pas l’installation, mais uni­que­ment la tonne de déchets trai­tée. L’enjeu est donc aus­si de trou­ver des par­te­naires pour déployer cette tech­no­lo­gie dans leurs métiers, leur filière indus­trielle ou à l’échelle d’un territoire. 

Enfin, nous tra­vaillons éga­le­ment à être en capa­ci­té de fos­si­li­ser à hori­zon deux ans les déchets ménagers. 

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