EverWatt : décentralisation de la production d’énergie

La décentralisation de la production d’énergie, un levier au service de la décarbonation des territoires

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par André MAY

Pour accom­pa­gner la décar­bo­na­tion des ter­ri­toires, Ever­Watt mise sur la décen­tra­li­sa­tion de la pro­duc­tion d’énergie au tra­vers de déve­lop­pe­ment de pro­jets à fort impact envi­ron­ne­men­tal et éner­gé­tique. André May, Pré­sident d’EverWatt, nous explique le posi­tion­ne­ment de son entre­prise et nous en dit plus sur la valeur ajou­tée et les carac­té­ris­tiques de ces opé­ra­tions qu’il déve­loppe au cœur des territoires.

Quel regard portez-vous sur le paysage énergétique actuel ? 

Depuis plu­sieurs mois, nous assis­tons en France et en Europe, à une évo­lu­tion rapide des attentes de toutes les par­ties pre­nantes en matière de consom­ma­tion éner­gé­tique. En effet, il y a une demande plus forte pour une éner­gie décar­bo­née, décen­tra­li­sée et de proxi­mi­té. Dans ce contexte infla­tion­niste et conjonc­tu­rel, on note aus­si une demande plus mar­quée pour des coûts éner­gé­tiques maî­tri­sés sur le long terme. Le prix est une chose et la vola­ti­li­té en est une autre, plus pré­gnante car imprévisible.

Ce phé­no­mène se tra­duit par un inté­rêt crois­sant pour l’autoconsommation col­lec­tive et la créa­tion de com­mu­nau­tés éner­gé­tiques. D’ailleurs, l’autoconsommation col­lec­tive dis­pose d’un cadre nor­ma­tif à l’échelle fran­çaise. Elle a voca­tion à se déve­lop­per très for­te­ment et va avoir un impact sur les sys­tèmes éner­gé­tiques, les modèles orga­ni­sa­tion­nels et contrac­tuels, mais aus­si sur le déve­lop­pe­ment des ter­ri­toires et des filières locales. Consom­mer loca­le­ment une pro­duc­tion locale devient le cre­do de nom­breuses col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales et d’acteurs privés.

Dans ce cadre, quel est le positionnement d’EverWatt ? 

Ever­Watt se posi­tionne comme un pro­duc­teur indé­pen­dant d’énergie solaire décen­tra­li­sée. Concrè­te­ment, nous conce­vons, ins­tal­lons, main­te­nons et sommes le pro­prié­taire d’infrastructures dif­fuses. Notre acti­vi­té s’inscrit dans le cadre de la décar­bo­na­tion de l’ensemble des ter­ri­toires et contri­bue à leur indé­pen­dance éner­gé­tique. En 2021, pour struc­tu­rer notre déve­lop­pe­ment, nous avons créé 4 socié­tés à impact dont nous accom­pa­gnons le déploie­ment. Par­mi ces entre­prises, on peut citer Bou­cL Ener­gie, créa­teur de boucles d’énergie locale en auto­con­som­ma­tion col­lec­tive de 3MWc pour les ZAE (zones com­mer­ciales) et Hamo+, qui est un amé­na­geur de friches indus­trielles avec une offre habi­tat et éner­gie. L’ensemble des infra­struc­tures que nous déve­lop­pons attein­dra une puis­sance ins­tal­lée de 700 MWc en 2026 et dépas­se­ra le GWc en 2028.

Le 11 octobre dernier, vous avez participé au lancement du plus grand projet d’autoconsommation collective en France sur la ZAE de Saint-Martin‑d’Hères près de Grenoble. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Ce pro­jet de 3MWc va répondre à 12 % de la consom­ma­tion de cette zone d’activité éco­no­mique. Il est né d’un par­te­na­riat regrou­pant dif­fé­rents acteurs ter­ri­to­riaux : des maga­sins de la grande dis­tri­bu­tion (dont Lidl), des PME (Pre­ci­tech­nique, My Fit­ness Gym, Rent a car…), des acteurs locaux (le CSTB) et des bailleurs sociaux (Alpes Isère habi­tat, Socié­té Dau­phi­noise pour l’Habitat). Natu­rel­le­ment, nous tra­vaillons étroi­te­ment avec Ene­dis. L’énergie pro­duite loca­le­ment via l’installation des pan­neaux pho­to­vol­taïques sur les toi­tures et en ombrières de par­king est auto­con­som­mée par les com­merces de la zone et les bâti­ments des bailleurs sociaux à proxi­mi­té. En tout, c’est 1 692 pan­neaux qui vont être ins­tal­lés pour une éner­gie de 3,5 GWh par an. Le pro­jet va éga­le­ment per­mettre à la com­mu­nau­té d’économiser chaque année 350 tonnes de CO2.

Ever­Watt, au tra­vers de Bou­cL Ener­gie, met donc en place une infra­struc­ture décen­tra­li­sée de pro­duc­tion d’énergie solaire qui va per­mettre de faire évo­luer le mix éner­gé­tique de ce ter­ri­toire. Labe­li­sé Défi Capi­tale Verte Euro­péenne 2022 et lau­réat de l’AMI Banque des Ter­ri­toires / Aqua AM « Inno­ver pour la tran­si­tion éco­lo­gique des ter­ri­toires 2022 », ce pro­jet d’une enver­gure inédite en France a voca­tion à être dupli­qué sur d’autres ZAE et même au-delà. En effet, nous avons pour objec­tif de déve­lop­per 100 boucles éner­gé­tique locales de ce type en France d’ici 2025.

Au travers de ces projets, quelles sont les problématiques auxquelles vous répondez ? 

Tout d’abord la hausse des coûts de l’énergie dans un contexte où la demande en éner­gie ne cesse de croître. Avec de cette typo­lo­gie de pro­jets, c’est la pos­si­bi­li­té pour les col­lec­ti­vi­tés et les entre­prises d’avoir une meilleure maî­trise des coûts éner­gé­tiques. Au-delà, ces pro­jets per­mettent aus­si de déve­lop­per l’autoconsommation, un autre enjeu éner­gé­tique fort à l’échelle locale et ter­ri­to­riale. Enfin, implan­ter ces pro­jets dans des ZAE per­met aus­si de contri­buer aux objec­tifs de zéro arti­fi­cia­li­sa­tion nette et de lut­ter contre la raré­fac­tion des sols dis­po­nibles, en exploi­tant des zones déjà artificialisées.

Qu’en est-il de vos ambitions ? 

Ces pro­jets contri­buent donc à la décen­tra­li­sa­tion de la pro­duc­tion d’énergie au tra­vers de la créa­tion de com­mu­nau­tés ter­ri­to­riales d’énergie par­ta­gée. C’est une nou­velle forme de coopé­ra­tion entre le pri­vé et le public au ser­vice d’une pro­duc­tion locale d’énergie décar­bo­née sur des zones déjà arti­fi­cia­li­sées. Cette mutua­li­sa­tion des infra­struc­tures contri­bue non seule­ment à l’indépendance éner­gé­tique d’un ter­ri­toire, mais per­met éga­le­ment une réduc­tion des coûts dans une logique de construc­tion de la ville sur la ville d’aujourd’hui. Et parce que nous nous concen­trons d’abord sur les ZAE péri­ur­baines, tra­di­tion­nel­le­ment implan­tées à proxi­mi­té des quar­tiers poli­tiques de la ville, nos pro­jets contri­buent aus­si à créer des boucles solidaires. 

En quoi votre positionnement et votre offre sont-elles différenciantes et à forte valeur ajoutée ? 

Notre savoir-faire en matière d’ingénierie sociale nous per­met de ras­sem­bler l’ensemble des par­ties pre­nantes publiques en amont et de garan­tir l’engagement des acteurs pri­vés en aval au ser­vice du déploie­ment et du déve­lop­pe­ment des pro­jets. Concrè­te­ment, au tra­vers de Bou­cL Ener­gie, nous assu­rons le pilo­tage de la concep­tion, le finan­ce­ment, la struc­tu­ra­tion et le déve­lop­pe­ment du pro­jet et même son exploi­ta­tion. Pour un ter­ri­toire et une col­lec­ti­vi­té, c’est une véri­ta­ble­ment une solu­tion clé-en-main au ser­vice de la com­mu­nau­té de la boucle énergétique.

Quelles sont les prochaines étapes de ce projet ? 

Les études de concep­tion sont fina­li­sées et nous allons entrer dans la phase de construc­tion dès le début de l’année pro­chaine. La durée de déve­lop­pe­ment du pro­jet est de 18 mois. Ce sont des pro­jets courts qui ont la capa­ci­té d’apporter très vite des gains concrets en termes de décar­bo­na­tion des ter­ri­toires, de réduc­tion de la fac­ture éner­gé­tique et de l’amélioration de l’expérience client. Nous sommes convain­cus que la mul­ti­pli­ca­tion de ces pro­jets sur l’ensemble du ter­ri­toire contri­bue­ra for­te­ment à la décar­bo­na­tion du pays, car, in fine, la neu­tra­li­té de notre pays n’est rien d’autre que la neu­tra­li­té de l’ensemble de ces ter­ri­toires !  

En parallèle, quels sont les autres projets qui vous mobilisent ? 

Au tra­vers de Hamo+, nous déve­lop­pons aus­si des pro­jets sur l’aménagement des friches urbaines et indus­trielles d’une super­fi­cie de deux hec­tares et plus. En par­te­na­riat avec le cabi­net XTU Archi­tect, connu mon­dia­le­ment pour la concep­tion et le desi­gn de la Cité du Vin à Bor­deaux, nous amé­na­geons ces friches en uti­li­sant du bois bio­sour­cé pour la construc­tion, en déve­lop­pant la bio­di­ver­si­té et la mixi­té sociale. En déve­lop­pant l’autonomie éner­gé­tique grâce à des ins­tal­la­tions solaires et en étant pro­duc­teur en sur­pro­duc­tion des besoins de Hamo+, nous deve­nons pro­duc­teur pour les ins­tal­la­tions situées à proxi­mi­té. Ces pro­jets contri­buent aus­si à la pré­ser­va­tion de la bio­di­ver­si­té, le trai­te­ment des déchets et la valo­ri­sa­tion des eaux usées. Cette reva­lo­ri­sa­tion des friches urbaines et indus­trielles repré­sente éga­le­ment un levier au ser­vice de la décar­bo­na­tion des territoires.

Et pour conclure ? 

Nous sommes le par­te­naire indé­pen­dant des ter­ri­toires. Notre mis­sion, en tant que pro­duc­teur d’énergie, est de les accom­pagnes vers la décar­bo­na­tion et la neu­tra­li­té car­bone au tra­vers de pro­jets concrets à forte valeur envi­ron­ne­men­tale et socié­tale. Ici (dans les ter­ri­toires) et main­te­nant (pas en 2030 ni en 2040).

Aujourd’hui, Ever­Watt, sur son péri­mètre d’action, a de très belles pers­pec­tives de déve­lop­pe­ment à saisir !


En bref

Pro­jet d’autoconsommation col­lec­tive déve­lop­pé par Bou­cL Ener­gie sur la ZAE de Saint-Martin‑d’Hères près de Grenoble :

  • Pose de la « pre­mière pierre » le 11 octobre 2022
  • 7 692 pan­neaux installés
  • 3,5 GWh/an produits
  • 12 % des besoins éner­gé­tiques couverts
  • 350 T/an de CO2 économisées
  • 7 pro­duc­teurs
  • Plus de 20 consommateurs 
  • L’appui d’Enedis Alpes et de la Métro­pole Grenoble-Alpes

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