Quandela, quand le quantique rencontre le HPC…

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°779 Novembre 2022
Par Pascale SENELLART (X93)
Par Jean SENELLART (X92)

Le quan­tique est désor­mais une réa­li­té. Sur ce sec­teur en plein déve­lop­pe­ment, on retrouve la pépite tech­no­lo­gique fran­çaise, Quan­de­la, créée il y a cinq ans et qui pro­pose des pro­duits et une pla­te­forme de cal­cul quan­tique uniques. Pas­sion­nés par leur métier et mariés dans la vie, Pas­cale Senel­lart (X93), cofon­da­trice de la start-up, et Jean Senel­lart (X92), Chief Pro­duct Offi­cer, répondent à nos ques­tions dans cet entre­tien croi­sé sur l’évolution du HPC et du quan­tique, le posi­tion­ne­ment de la start-up, ses solu­tions et ses vec­teurs de dif­fé­ren­cia­tion sur un mar­ché en plein essor.

Quel regard portez-vous sur l’évolution du secteur du HPC et du quantique ?

Aujourd’hui, le quan­tique est une réa­li­té qui dépasse l’étape de démons­tra­tion en labo­ra­toire. Le récent Prix Nobel attri­bué notam­ment à Alain Aspect en est la plus récente illus­tra­tion. Le monde du quan­tique se mobi­lise actuel­le­ment sur la fabri­ca­tion d’ordinateurs quan­tiques, une étape stra­té­gique qui néces­site la com­bi­nai­son de l’expertise d’ingénieurs, de phy­si­ciens, d’informaticiens et de théoriciens. 

Les pre­mières appli­ca­tions com­mencent à émer­ger et le poten­tiel d’accélération du quan­tique est de plus en plus mesu­rable. D’autre part, l’approche clas­sique du cal­cul atteint ses limites, notam­ment en termes de consom­ma­tion éner­gé­tique. Il est évident qu’il n’est plus pos­sible d’augmenter les puis­sances de cal­cul de manière clas­sique. Forts de ces constats, le quan­tique offre une alter­na­tive inté­res­sante avec un ordi­na­teur quan­tique qui a voca­tion à résoudre effi­ca­ce­ment cer­tains pro­blèmes répu­tés difficiles.

Nous sommes à une étape char­nière et il est essen­tiel aujourd’hui de com­bi­ner le monde du HPC et celui du quan­tique en com­bi­nant la matu­ri­té du pre­mier à la puis­sance du second.

Dans ce cadre, comment vous positionnez-vous ?

Quan­de­la a vu le jour en 2017. C’est une start-up issue du CNRS et dont les tra­vaux sont basés sur une tech­no­lo­gie unique qui per­met de pro­duire des qubits quan­tiques pho­to­niques de la manière la plus effi­cace exis­tante aus­si bien sur le plan aca­dé­mique qu’industriel. Au départ, Quan­de­la s’est déve­lop­pée comme une socié­té de pro­duc­tion de hard­ware pour les qubits pho­to­niques. Depuis deux ans, elle a fait évo­luer son posi­tion­ne­ment et mobi­lise ses moyens et res­sources au ser­vice de la concep­tion et de la fabri­ca­tion de machines de cal­cul quan­tique. Les pre­miers pro­ces­seurs quan­tiques mani­pu­lant jusqu’à 6 qubits sont déjà dis­po­nibles sur le cloud. 

Actuel­le­ment, Quan­de­la compte une soixan­taine de col­la­bo­ra­teurs. Elle est « full stack » et couvre ingé­nieurs et cher­cheurs en semi-conduc­teurs, optique, infor­ma­tique, algo­rith­mique, élec­tro­nique, toutes les com­pé­tences essen­tielles pour rendre cette tech­no­lo­gie acces­sibles sur le cloud. 

Nous opé­rons, par ailleurs, sur un mar­ché émergent où il faut, en plus, réa­li­ser un tra­vail de vul­ga­ri­sa­tion et de péda­go­gie auprès des acteurs du cal­cul haute per­for­mance clas­sique afin de les ame­ner vers ces nou­velles technologies.

Quelles sont les principales caractéristiques et fonctionnalités de votre plateforme de calcul quantique ?

Notre pla­te­forme est basée sur une approche pho­to­nique, qui a, d’ailleurs, été mise en lumière par le der­nier Prix Nobel en date. Le sup­port de l’information quan­tique est por­té par le pho­ton et le cal­cul quan­tique s’opère au tra­vers de l’intrication de ces pho­tons. C’est le cœur même de notre tech­no­lo­gie. Aujourd’hui, nos pro­duits sont com­mer­cia­li­sés dans le monde entier et uti­li­sés par des clients pour faire leurs cal­culs quan­tiques. Pour ce faire, nous allions le meilleur de la tech­no­lo­gie des semi-conduc­teurs, de la phy­sique ato­mique et de l’optique quan­tique avec les pro­to­coles de cal­cul que nous avons déve­lop­pés en interne. 

Notre pla­te­forme a aus­si la par­ti­cu­la­ri­té d’être modu­laire ce qui va per­mettre des mises à jour conti­nuelles des per­for­mances des cal­cu­la­teurs. En effet, au fil des évo­lu­tions et des avan­cées tech­no­lo­giques, nos clients pour­ront en béné­fi­cier sans avoir à chan­ger com­plè­te­ment de machines et ain­si pour des inves­tis­se­ments com­plé­men­taires réduits.

Tra­vailler avec des pho­tons per­met enfin de mul­ti­plier la puis­sance des ordi­na­teurs en connec­tant plu­sieurs ordi­na­teurs quan­tiques par fibre optique pour faire du cal­cul de manière distribuée. 


Lire aus­si : Des labos de l’X au ven­ture capi­tal, bâtis­sons une indus­trie quantique


À quels problématiques et besoins permet-elle de répondre ?

Une pre­mière appli­ca­tion qui repose sur deux qubits seule­ment est la géné­ra­tion de nombres aléa­toires cer­ti­fiée quan­ti­que­ment. Il s’agit d’un usage géné­ra­le­ment uti­li­sé pour des ques­tions de sécu­ri­té ou de cryp­to­gra­phie. Pour ces cas d’usages, Quan­de­la pro­pose Entro­py, une solu­tion qui per­met de faire de la géné­ra­tion de nombres aléa­toires cer­ti­fiée par les lois du quan­tique. L’approche pho­to­nique dif­fère éga­le­ment de l’approche « gate-based » sui­vie par les autres tech­no­lo­gies quan­tiques et est par­ti­cu­liè­re­ment adap­tée au déve­lop­pe­ment du machine lear­ning quan­tique de par la taille de l’espace consi­dé­ré (appe­lé l’espace de Fock).

Quels sont les enjeux auxquels vous êtes confrontés aujourd’hui ?

Le pre­mier enjeu est tech­no­lo­gique. Nous devons encore four­nir un impor­tant tra­vail d’optimisation au niveau des pro­ces­sus de fabri­ca­tion et d’intégration de manière à réduire les imper­fec­tions et les pertes de pho­tons qui sont le sup­port de l’information quan­tique. Le second enjeu est humain. Le sec­teur doit atti­rer plus de talents avec des pro­fils divers. 

En paral­lèle, il est aus­si impor­tant de déve­lop­per les for­ma­tions pour for­mer ces com­pé­tences et atti­rer des pro­fils variés qui ne se pré­des­ti­naient pas for­cé­ment au monde du quan­tique. Enfin, il y a actuel­le­ment une course aux inves­tis­se­ments entre les dif­fé­rents pays pour déve­lop­per l’ordinateur quan­tique. Pour la France, plus par­ti­cu­liè­re­ment, c’est aus­si un enjeu de sou­ve­rai­ne­té tech­no­lo­gique. 

Comment voyez-vous votre entreprise évoluer au cours de la prochaine décennie ?

Dans la course à l’ordinateur quan­tique, Quan­de­la a opté pour une démarche prag­ma­tique qui s’appuie sur la mise en place de petits cal­cu­la­teurs avec des capa­ci­tés qui ont voca­tion à aug­men­ter pro­gres­si­ve­ment et dans la durée. En paral­lèle, nous nous sommes posi­tion­nés sur une tech­no­lo­gie unique basée sur les pho­tons. Parce que notre ordi­na­teur s’appuie sur une par­ti­cule sans charge ni masse, par défi­ni­tion, il n’est pas expo­sé à la déco­hé­rence qui est la limi­ta­tion à main­te­nir un état quan­tique des autres pla­te­formes. Nous uti­li­sons ain­si la par­ti­cule phy­sique la mieux adap­tée ce qui offre à Quan­de­la une avance, mais éga­le­ment de belles pers­pec­tives de déve­lop­pe­ment pour la mise en réseau d’ordinateurs quan­tiques au sein de HPC.


En bref

Quan­de­la est une entre­prise experte dans la fabri­ca­tion de com­po­sants pour la pho­to­nique quan­tique. La start-up a été fon­dée en 2017 par Pas­cale Senel­lart, direc­trice de recherche au centre de nanos­ciences et de nano­tech­no­lo­gies du CNRS et de l’Université Paris-Saclay, Valé­rian Giesz, ingé­nieur et doc­teur en optique quan­tique, et Nic­co­lo Soma­schi, doc­teur en nano­tech­no­lo­gies semi-conduc­trices. La pépite tech­no­lo­gique fran­çaise se concentre sur le déve­lop­pe­ment d’un ordi­na­teur quan­tique pho­to­nique. Allant dans ce sens, elle a dévoi­lé dans le cou­rant de l’année 2020 Pro­me­theus, le pre­mier géné­ra­teur de qubits pho­to­niques com­mer­cial au monde et arrive sur le cloud et com­mer­cia­li­sé en 2022 et MOSAIQ, le pre­mier ordi­na­teur pho­to­nique de la taille d’une baie informatique.


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