Orange : Infrastructures de télécommunications

Infrastructures de télécommunications : les femmes y ont toute leur place

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°777 Septembre 2022
Par Bénédicte JAVELOT

Les infra­struc­tures de télé­com­mu­ni­ca­tions, tout comme les infra­struc­tures de trans­ports et d’énergie font par­tie de nos vies quo­ti­diennes. Les deux années de pan­dé­mie que nous venons de tra­ver­ser avec notam­ment l’essor du télé­tra­vail, ont démon­tré le carac­tère vital des réseaux de télé­com­mu­ni­ca­tions et des infra­struc­tures qui les portent. Le point de vue de Béné­dicte Jave­lot, Direc­trice d’Orange Who­le­sale France.

Les infrastructures de télécommunications sont au cœur de l’actualité : déploiement de la fibre sur tout le territoire, Réseaux d’Initiative Publique (RIP), déploiement de la 5G… Quels sont les enjeux et les mouvements stratégiques qui s’opèrent ?

Nous avons assis­té pen­dant la pan­dé­mie à une explo­sion des usages du numé­rique. Le tra­fic inter­net a par exemple aug­men­té de 50 %1 du fait de la géné­ra­li­sa­tion du télé­tra­vail, de l’enseignement à dis­tance, du recours plus impor­tant aux appli­ca­tions de vidéos pour des usages pro­fes­sion­nels et per­son­nels… et la pan­dé­mie a donc été un véri­table accé­lé­ra­teur de notre dépen­dance au numé­rique. Selon les chiffres de l’INSEE, 22% des sala­riés ont télé­tra­vaillé au moins 1 jour/semaine en 2021 contre 4% en 20192 ; le recours aux télé­con­sul­ta­tions a été mul­ti­plié par 4 et le e‑commerce a vu son chiffre d’affaires pro­gres­ser de 14%3 en 2021. Tous ces usages s’appuient sur des infra­struc­tures numériques.

Il y a près de 10 ans, la France a fait le choix très ambi­tieux de la fibre optique pour cou­vrir le pays en très haut débit, tout comme l’Espagne et le Por­tu­gal qui font par­tie des pays les plus fibrés en Europe. D’autres pays, comme l’Allemagne ou l’Italie, ont fait d’autres choix tech­no­lo­giques sur le cuivre et mettent aujourd’hui les bou­chées doubles pour rat­tra­per leur retard dans la fibre.

Plus récem­ment, les réseaux mobiles 5G ont com­men­cé à se déployer en Europe. Les déploie­ments conco­mi­tants de la fibre et de la 5G néces­sitent des res­sources finan­cières très impor­tantes. En 2021 les opé­ra­teurs télé­coms fran­çais ont inves­ti près de 15 mil­liards d’euros, dont les deux tiers sur les infra­struc­tures fixes. Les opé­ra­teurs euro­péens inves­tissent aus­si, tout comme les opé­ra­teurs afri­cains, jus­te­ment pour répondre aux besoins numé­riques que j’ai cités plus haut.

L’un des enjeux impor­tants dans ce contexte est de trou­ver les finan­ce­ments pour pou­voir déployer ces infra­struc­tures numériques.

Les infrastructures de télécommunications sous-tendent donc des investissements colossaux. Selon vous, s’agit-il d’une manne financière ou d’opérations périlleuses ?

Les inves­tis­se­ments d’infrastructures de télé­com­mu­ni­ca­tions, comme les autres inves­tis­se­ments d’infrastructures, sont très capi­ta­lis­tiques mais res­tent très pri­sés par les inves­tis­seurs de long terme parce que ce sont des opé­ra­tions peu ris­quées avec une marge d’Ebitda impor­tante. À titre d’exemple, un opé­ra­teur d’infrastructure génère une marge d’Ebitda entre 50% et 60% tan­dis que celle d’un opé­ra­teur com­mer­cial est infé­rieure à 30 %.

Dans ce cadre-là, de nom­breux opé­ra­teurs ont été ten­tés de capi­ta­li­ser sur l’attractivité de ces infra­struc­tures pour retrou­ver des marges de manœuvre de finan­ce­ment, et fina­le­ment, inves­tir soit dans l’infrastructure soit dans de nou­veaux busi­ness. C’est ce qui a d’ailleurs déclen­ché sur le mar­ché ces der­nières années une vague de filia­li­sa­tions ou de ces­sions par des opé­ra­teurs télé­coms de leurs tours mobiles et de leurs infra­struc­tures ter­restres (réseaux d’accès et de col­lecte, data­cen­ters). C’est une classe d’actifs très pri­sée, sou­te­nue par une demande très impor­tante. De ce fait, nous voyons émer­ger des Fiber­Cos et Tower­Cos qui, ados­sées à des fonds d’investissements infra­struc­tures, comme KKR, Blacks­tone, Mac­Qua­rie ou autres, se posi­tionnent sur ces deals dans toute l’Europe.

Quels sont les enjeux pour Orange en France ?

Orange est le lea­der du déploie­ment de la fibre en France. Nous pos­sé­dons en propre une grande par­tie de cette « classe d’actifs », puisque nous avons déployé en zone pri­vée4 la fibre, et avons fait le choix de conser­ver le contrôle de ces infra­struc­tures, contrai­re­ment à d’autres acteurs qui ont déci­dé d’en céder tout ou par­tie. Ain­si, nous avons créé notre filiale Totem, qui regroupe l’ensemble de nos tours mobiles et qui joue­ra un rôle clé dans la conso­li­da­tion du mar­ché des tours en Europe.

Sur les infra­struc­tures fixes, nous avons déci­dé de ras­sem­bler toutes nos filiales de Réseaux d’Initiative Publique dans une socié­té qui s’appelle Orange Conces­sions et d’en ouvrir le capi­tal à des fonds d’investissements infra­struc­tures. Cette opé­ra­tion a été réa­li­sée en 2021 avec un action­na­riat à 50/50 entre Orange et un consor­tium d’investisseurs fran­çais (Banque des Ter­ri­toires, EDF Invest et CNP Capi­tal). Cela nous per­met d’avoir une socié­té par­ta­gée avec des inves­tis­seurs pour accé­lé­rer notre déve­lop­pe­ment fibre en zone rurale.

Par ailleurs, Orange pos­sède aujourd’hui d’autres classes d’actifs, notam­ment le génie civil et des sites d’hébergement sur les­quels nous avons des enjeux de déve­lop­pe­ment d’affaires importants.

Les infrastructures recouvrent des réalités techniques, économiques, industrielles, sociétales. Votre formation d’ingénieure a‑t-elle été un atout pour y évoluer aujourd’hui ?

En effet ! La for­ma­tion d’ingénieur per­met de déve­lop­per de nom­breuses com­pé­tences, de tra­vailler sur des matières com­plexes en com­pre­nant leur fonc­tion­ne­ment et en déve­lop­pant des méthodes. Mais c’est aus­si et sur­tout acqué­rir la démarche d’apprendre à apprendre tout au long de sa vie pour mieux rele­ver chaque jour les défis qui se pré­sentent à nous.

Le monde des infrastructures peine encore aujourd’hui à attirer les femmes. Comment appréhendez-vous cela ?

C’est vrai que c’est un domaine qui reste assez mas­cu­lin et qui attire peu de femmes, mais nous avons la chance chez Orange d’avoir des équipes mixtes. À titre per­son­nel, deve­nir ingé­nieure s’est fait de manière très natu­relle pour moi. Étant issue d’une famille d’ingénieurs, mes parents m’ont appris très tôt que l’intelligence n’a pas de genre. C’est ce qui m’a d’ailleurs per­mis de gran­dir avec le sen­ti­ment que tout était pos­sible, et être une femme n’a jamais été un frein pour moi. C’est impor­tant et si on veut don­ner un signal aux jeunes filles, il faut d’abord leur don­ner confiance en leur capa­ci­té à faire tout type de métier. Ain­si j’ai pu évo­luer tout au long de ma car­rière dans cet uni­vers des télé­coms qui ne cesse de se trans­for­mer, ce qui le rend d’autant plus passionnant !

S’il est vrai que de plus en plus de femmes embrassent des car­rières scien­ti­fiques et tech­niques, il reste tou­te­fois beau­coup à faire pour per­mettre aux jeunes filles d’oser, tout sim­ple­ment. C’est d’ailleurs pour cette rai­son que j’accompagne l’association Capi­tal Filles, lan­cée à l’initiative d’Orange et en par­te­na­riat avec les minis­tères de l’Éducation natio­nale et de l’Enseignement supé­rieur. Et je suis fière de faire par­tie du groupe Orange, qui pri­vi­lé­gie les com­pé­tences et la mixi­té comme fac­teurs de réus­site indi­vi­duelle et collective.

Aujourd’hui, vous êtes à la tête d’Orange Wholesale France, un bel exemple d’empowerment au féminin. Quel message adresseriez-vous aux lecteurs et aux lectrices pour conclure ?

Une car­rière n’est jamais linéaire. Ce qui compte le plus, c’est l’engagement, l’envie d’avancer, l’écoute de son envi­ron­ne­ment (clients, par­te­naires, four­nis­seurs, finan­ciers…) et le fait d’apprendre à apprendre tout au long de sa vie, que l’on soit homme ou femme. Je suis par exemple entrée comme ingé­nieure, et j’ai pro­gres­sé tout au long de ma car­rière en appre­nant les réseaux, la négo­cia­tion, la finance, le mana­ge­ment… en croyant en mes capa­ci­tés, en obser­vant l’écosystème qui m’entourait et en osant. C’est en osant qu’on repousse ses limites et qu’on découvre l’étendue de ses capa­ci­tés. C’est ça l’empowerment, qu’il soit fémi­nin ou mas­cu­lin d’ailleurs !


1 Source ARCEP
2 Source DARES
3 Source XERFI
4 Le déploie­ment du très haut débit est orga­ni­sé selon dif­fé­rentes zones. Il faut faire la dis­tinc­tion entre les zones d’initiative pri­vée et les Réseaux d’initiative publique (Rip), por­tés par les col­lec­ti­vi­tés locales.

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